Connaissez-vous l’Ordo Cantus Missæ ? C’est une partie méconnue du Missel Romain (de 1970 – 2002) qui donne la liste des chants à employer pendant la messe chantée pour chaque jour de l’année. La messe chantée (missa in cantu) définie et régulée par l’Ordo Cantus Missæ est une célébration intégralement chantée (où l’on chante, par exemple, les lectures, la prière universelle, la prière eucharistique, et tout le reste), qui ne doit pas être confondue avec la messe avec chants (missa cum cantu), qui est une messe lue à laquelle on ajoute des chants, et qui constitue la forme de célébration la plus répandue dans les paroisses. La messe chantée en forme ordinaire est rarement célébrée, mais le lecteur curieux pourra regarder cette vidéo :

L’Ordo Cantus Missæ comprend un avant-propos (Prænotanda) qui donne des rubriques pour la messe chantée. Nous devons à notre très estimé ami Jérémie Klinger cette traduction des rubriques de l’Ordo Cantus Missæ, dont nous croyons bon de rappeler qu’elles ont la même autorité que le missel lui-même et sa présentation générale.


Ordo Cantus Missæ

Prænotanda

1. De la mise à jour du graduel romain

Lors de la mise en place du calendrier général et des livres liturgiques, en particulier le missel et le lectionnaire, plusieurs changements et ajustements s’avérèrent nécessaires dans le Graduale Romanum. La suppression de plusieurs célébrations au cours de l’année liturgique comme le temps de la Septuagésime, l’octave de Pentecôte ou encore les Quatre-Temps et les messes qui les accompagnaient, tout comme le transfert de certaines fêtes de saints à des dates plus opportunes rendirent certaines adaptations nécessaires. Inversement, des chants propres devaient être donnés aux nouvelles messes et le nouvel arrangement du lectionnaire rendait nécessaire le fait que de nombreux textes, en particulier les antiennes de communion qui étaient reliées aux anciennes lectures, soient transférées à d’autres jours.

Ainsi, on a donné au Graduel Romain une nouvelle organisation, en gardant toujours en tête le §114 de la constitution Sacrosanctum Concilium qui énonce en particulier : « Le trésor de la musique sacrée sera conservé et cultivé avec la plus grande sollicitude. » L’authentique répertoire grégorien n’a souffert d’aucun détriment : au contraire, il a été renouvelé de diverses manières : les compositions jugées tardives sont mises de côté ; les textes les plus anciens sont utilisés avec un meilleur effet, et certaines nouvelles rubriques facilitent un usage plus large et plus varié du répertoire.

Le premier prérequis consiste en la préservation de l’intégrité de l’authentique trésor grégorien. Ainsi, les chants appartenant à des messes qui jusqu’à maintenant n’avaient pas leur place dans l’année liturgique ont été utilisés pour former d’autres messes (par exemple les féries de l’Avent et les féries entre l’Ascension et la Pentecôte). D’autres ont permis de substituer des chants revenant souvent au cours de l’année (par exemple durant le Carême ou les Dimanches du Temps ordinaire). D’autres enfin, selon leur caractère, ont été assignés à des fêtes de saints.

Près de vingt pièces grégoriennes authentiques qui, en raison de changements variés, n’étaient plus utilisées ont également été restaurées. Il a été décidé qu’aucune pièce authentique ne pourrait être rejetée ou mutilée, à l’exception de certains éléments jugés inappropriés pour le temps liturgique comme par exemple l’usage du mot Alleluia qui parfois se rencontre dans le texte d’une antienne en formant partie intégrante de la mélodie.

En mettant à part les compositions néo-grégoriennes tardives, en particulier celles composées pour les fêtes de saints, seules les mélodies grégoriennes authentiques ont été retenues, bien qu’il soit toujours permis pour ceux qui le préféreraient, de chanter ces compositions néo-grégoriennes puisqu’aucune d’entre-elles n’a été supprimée du Graduale Romanum. En effet, dans le cas où elles ont acquis un usage universel (solennité du Sacré Cœur, fête du Christ-Roi, Immaculée Conception de la B.V.M.), aucune substitution n’a été faite. Toutefois, dans d’autres cas, un nouveau corpus de chants a été choisi à partir du répertoire authentique, tout en essayant de conserver les mêmes textes dans la mesure du possible.

Finalement, après avoir mis de côté les mélodies non authentiques, nous avons pris soin de mettre en ordre les chants authentiques de manière plus appropriée en évitant les répétitions trop nombreuses et en donnant la part belle à d’autres mélodies de la plus grande qualité qui n’apparaissaient qu’une fois dans l’année. Un grand soin a été pris dans l’enrichissement des communs en leur assignant des chants qui ne sont pas strictement propres à un saint en particulier et qui peuvent ainsi être utiles pour tous les saints du même ordre. Les communs ont également été enrichis par des chants issus du propre du temps qui étaient rarement utilisés. Les rubriques permettent une plus grande facilité de choix des chants dans les nouveaux communs, ce qui permet de satisfaire les besoins pastoraux plus largement.

De la même manière, il est donné une certaine liberté de choix pour le Propre du Temps : il est permis de substituer à un texte propre au jour quelque autre texte du même temps liturgique, si on le juge opportun.

Les règles de la messe chantée telles qu’énoncées au début du Graduale Romanum de 1908 ont été ainsi réexaminées et modifiées, afin que la fonction de chaque chant apparaisse plus clairement.

2. Des rites devant être observés lors d’une messe chantée

1. Après que les fidèles se soient rassemblés et pendant que le prêtre et les ministres se rendent à l’autel, on commence l’antienne d’introït. Son intonation peut être raccourcie ou prolongée ou, mieux encore, le chant peut être immédiatement entonné par tout le chœur. Dans ce cas, l’astérisque qui indique dans le Graduel la partie réservée au chantre, doit être considérée comme un signe simplement indicatif.

L’antienne est chantée par le chœur, le verset par un ou plusieurs chantres, puis l’antienne est reprise par le chœur.

L’antienne et les versets peuvent être alternés de cette manière autant de fois que nécessaire pour accompagner la procession. Avant la dernière répétition de l’antienne, le Gloria Patri peut être chanté en guise de dernier verset. Si toutefois la mélodie du Gloria Patri possède une terminaison particulière, cette terminaison doit être utilisée pour chaque verset.

Si la répétition du Gloria Patri et de l’antienne prolonge excessivement le chant, on omettra la doxologie. Si la procession est particulièrement courte, on ajoutera un seul verset, ou bien même on chantera l’antienne seule sans ajouter de verset.

Lorsqu’une procession liturgique précède la messe, l’antienne d’introït est chantée au moment où la procession pénètre dans l’église, ou bien elle est omise, comme indiqué dans les livres liturgiques dans des cas spécifiques.

2. L’acclamation Kyrie eleison peut être partagée entre deux ou trois chantres ou chœurs, selon l’opportunité. Chaque acclamation est normalement chantée deux fois, ce qui n’exclut toutefois pas un plus grand nombre, en particulier suivant la structure musicale de chaque pièce, comme indiqué ci-dessous au numéro 491.
[NDT : le numéro 491 est dans le corps de l’OCM ; voir la fin de cet article.]

Lorsque le Kyrie est chanté pendant l’acte pénitentiel, on chante un court trope avant chaque acclamation.

3. L’hymne Gloria in excelsis est entonnée par le prêtre ou, si nécessaire, par le chantre. Elle est reprise alternativement par les chantres et le chœur ou par deux chœurs. La division des versets, indiquée par une double barre dans le Graduale Romanum peut ne pas être respectée si l’on trouve une méthode plus appropriée suivant la mélodie.

Quand, le dimanche, on emploie le rite de bénédiction et d’aspersion de l’eau bénite, ce rite tient lieu d’acte pénitentiel.

4. Lorsqu’il y a deux lectures avant l’évangile, la première, qui est habituellement tirée de l’Ancien Testament, est chantée sur le ton des leçons ou des prophéties et se termine par la formule habituelle pour un point final. La conclusion, Verbum Domini, est chantée avec la même formule que pour un point final et la réponse Deo gratias est chantée par tous en suivant la forme habituellement utilisée pour la conclusion des leçons.

5. Le répons graduel est chanté après la première lecture par des chantres ou par le chœur, mais le verset est chanté jusqu’à la fin uniquement par les chantres. Ainsi, on ne tiendra pas compte de l’astérisque indiquant une reprise du chant par le chœur à la fin du verset du graduel ou de l’alléluia, ou bien du dernier verset du trait. Lorsque cela semble opportun, la première partie du répons peut être reprise jusqu’au verset.

Durant le temps pascal, le répons graduel est omis et l’alléluia est chanté tel que décrit ci-dessous.

6. La seconde lecture, tirée du Nouveau Testament, est chantée sur le ton de l’épître avec sa propre formule de terminaison propre. Elle peut également être chantée sur le ton de la première lecture. La conclusion, Verbum Domini, est chantée suivant la mélodie donnée dans les tons communs, à laquelle tout le monde répond Deo gratias.

7. L’alléluia ou le trait suivent la seconde lecture. L’alléluia est chanté de la manière suivante : la mélodie complète est chantée par les chantres puis reprise ensuite par le chœur. Cependant, elle peut, si nécessaire, être chantée une unique fois par tous. Le verset est ensuite chanté jusqu’à la fin par les chantres, puis l’alléluia est repris par tous.

Durant le Carême, on chante le trait à la place de l’alléluia, dont les versets sont alternés entre les deux parties du chœur qui se répondent, ou bien alternativement entre les chantres et le chœur. Le dernier verset peut être chanté par tous.

8. Si l’on doit chanter la séquence, elle est chantée après le dernier alléluia alternativement par les chantres et le chœur ou par les deux parties du chœur. Le Amen final est omis. Si l’alléluia et son verset ne sont pas chantés, la séquence est omise.

9. S’il y a une seule lecture avant l’évangile, on chante le répons graduel ou l’alléluia et son verset. Durant le temps pascal, l’un ou l’autre des alléluia peuvent être choisis.

10. Après la formule de conclusion propre de l’évangile, on ajoute Verbum Domini selon la mélodie donnée dans les tons communs et tout le monde répond Laus tibi, Christe.

11. Le Credo peut être chanté par tous, ou en alternance selon la coutume.

12. La prière universelle se fait selon la coutume locale.

13. Après l’antienne d’offertoire, des versets peuvent être chantés, selon la tradition, mais ils peuvent toujours être omis, même dans l’antienne Domine Jesu Christe de la messe des morts. Après chaque verset, l’antienne ou une partie de celle-ci est reprise selon la manière indiquée.

14. Après la préface, tous chantent le Sanctus. Après la consécration, tous chantent l’acclamation d’anamnèse.

15. À la conclusion de la doxologie de la prière eucharistique, tous acclament : Amen. Ensuite, le prêtre seul entonne l’invitation à l’oraison dominicale que tous chantent avec lui. Ce dernier chante seul l’embolisme et tous le rejoignent pour la doxologie conclusive.

16. Durant la fraction du pain et la commixtion, on chante l’invocation Agnus Dei, entonnée par les chantres et poursuivie par tous. Cette invocation peut être répétée autant de fois que nécessaire tant que la fraction du pain se poursuit, tout en gardant à l’esprit sa forme musicale. L’invocation finale se conclut par dona nobis pacem.

17. On entonne l’antienne de communion lorsque le prêtre communie au Corps du Seigneur. Elle est chantée de la même manière que l’antienne d’introït, mais de telle sorte que les chanteurs puissent recevoir commodément ce sacrement.

18. Après la bénédiction du prêtre, le diacre chante la monition Ite, missa est et tous acclament : Deo gratias.

3. De la manière d’utiliser l’Ordo Cantus Missæ

19. Étant donnée la grande variété de lectures introduites dans le nouveau Missel et le fait que les chants de la messe issus de la tradition ne pouvant être changés, les chants ont été disposés en accord avec les différentes lectures du cycle triennal (années A, B, C) du lectionnaire dominical.

Pour les féries, les chants du dimanche précédent sont repris, avec des modifications pour les accorder avec les lectures assignées à chaque férie de l’Avent, du Carême et du Temps pascal, et avec la première lecture des féries du temps ordinaire, suivant le cycle biennal.

Si un chant paraît être relié de manière plus ou moins forte à certaines lectures, il peut être conservé avec elles au cas où ces dernières viendraient à être transférées.

20. Les variations pouvant intervenir dans le propre du temps sont indiquées dans cet Ordo, après chaque formulaire, par les abréviations suivantes :
– A,B,C pour les dimanches, solennités et certaines fêtes ;
– I et II avec le numéro de la férie (le samedi étant désigné par le numéro 7) pour les féries du temps ordinaire ;
– le numéro de la férie pour les féries des temps privilégiés.

21. La norme principale que cet Ordo Cantus Missæ s’attache à suivre est de respecter le plus possible l’ordonnancement du Missale Romanum. Pour cette raison, certains formulaires de chants ont été transférés ou altérés.

Des psaumes de communion

22. Les numéros des psaumes et leurs versets ont été notés d’après la Nova Vulgata, (Typis Polyglottis Vaticanis, 1969). Leurs versets et parties sont arrangés selon la Liturgia Horarum (Typis Polyglottis Vaticanis, 1971).

23. Une astérisque placée après le numéro d’un psaume indique que l’antienne n’est pas tirée du psautier et que ce psaume lui a été assigné ad libitum.

Dans ce cas, un autre psaume peut lui être substitué, si on le préfère, comme par exemple le psaume 33 qui était utilisé à la communion dans la tradition antique.

Lorsque le psaume 33 est indiqué comme psaume de communion, il n’y a pas de préférence parmi les versets à chanter dans ce psaume.


De l’emploi du Kyriale Romanum

[NDT : nous traduisons ici le n°491 de l’OCM, qui est en relation avec son n°2, ci-dessus.]

  1. Pour les chants de l’Ordo Missæ, on emploiera le Kyriale Romanum ou le Kyriale Simplex.
    On peut sélectionner les chants en fonction du talent ou des capacités des chanteurs, en employant des mélodies plus ornées aux célébrations plus solennelles.
  2. Quand le Kyrie est noté in extenso avec neuf invocations, sa forme musicale exige qu’on les chante en entier. Par contre, quand les premières invocations Kyrie sont identiques, on ne les chante que deux fois, et de même pour les invocations Christe et de nouveau Kyrie (p.ex. le Kyrie V). Quand la dernière invocation Kyrie a une mélodie particulière, l’invocation Kyrie qui la précède n’est chantée qu’une fois (p.ex. le Kyrie I).
    En règle générale on sera attentif à conserver les répétitions des invocations.
  3. Quand le Kyrie est utilisé comme réponse à une série d’invocations dans l’acte pénitentiel, on choisira une mélodie convenable, à savoir le Kyrie XVI ou XVIII du Kyriale Romanum, ou l’un de ceux du Kyriale Simplex.
  4. Quand, à la Messe dominicale, on emploie le rite de bénédiction et d’aspersion de l’eau bénite à la place de l’acte pénitentiel, on chante l’antienne Asperges me ou, au temps pascal, Vidi aquam.