Keur Moussa est une abbaye bénédictine fondée dans les années 60 à Keur Moussa dans l’Ouest du Sénégal qui compte aujourd’hui une trentaine de moines. L’abbaye est reconnue principalement pour son chant et sa musique liturgiques qui s’inscrivent profondément dans le principe d’inculturation et pour sa revitalisation d’un instrument de la culture mandingue, la kora.
Habituellement le terme d’inculturation désigne la transmission du message kérygmatique en fonction de la culture du pays (par exemple saint Paul à l’Aéropage) mais le terme est de plus en plus couramment utilisé de manière analogique pour désigner l’adaptation de l’expression rituelle de la Foi, la liturgie.
Ce principe d’inculturation du chant est explicitement cité ainsi : « 6. Le chant et la musique requis par la réforme liturgique – il est bon de le souligner – doivent également répondre aux exigences légitimes de l’adaptation et de l’inculturation. Il est toutefois clair que toute innovation dans cette matière délicate doit respecter des critères précis, tels que la recherche d’expressions musicales qui répondent au besoin d’impliquer l’assemblée tout entière dans la célébration et qui évitent, dans le même temps, de céder à la légèreté et à la superficialité. »
Pourquoi prendre Keur Moussa pour exemple ? parce que notre foi et notre rite romain ne connaissent pas de frontières et nous y trouvons un parfait et rare exemple d’adaptation du trésor liturgique à la culture environnante. Et la question que j’aimerais que nous nous posions : en quoi la musique de Keur Moussa est-elle plus liturgique et mieux inculturée que nos cantiques contemporains ? eh bien j’y vois trois raisons:
Tout d’abord le texte, les chants de Keur Moussa repose sur les Saintes Écritures, comme le chant grégorien, le chant de cette abbaye ne s’éloigne pas de la parole de Dieu, il s’y attache et y trouve un ancrage pour sa composition, il tire des paroles évangéliques sa force mélodique.
Saint Jean Paul II dit à ce propos : « 3. En diverses occasions, j’ai moi-même rappelé la fonction précieuse et la grande importance de la musique et du chant pour une participation plus active et intense aux célébrations liturgiques, et j’ai souligné la nécessité de « purifier le culte d’erreurs de style, de formes d’expression médiocres, de musiques et de textes plats, peu adaptés à la grandeur de l’acte que l’on célèbre » , pour assurer la dignité et la beauté des formes de la musique liturgique. »
La deuxième raison est sa proximité avec la manière de chanter le grégorien dans une partie de ses compositions (Keur Moussa est une fille de Solesmes, rappelons-le) cela en conformité avec l’enseignement récent de l’Eglise sur la musique sacrée.
Et la dernière raison, sa stricte inculturation, la musique de l’abbaye n’use d’aucun artifice moderne ou occidental pour être jouée, vous n’entendrez aucun synthétiseur, aucune guitare, uniquement les instruments que l’on retrouve dans la musique traditionnelle sub-saharienne. Le mélange surprenant mais intelligent du chant avec une rythmique propre à la culture de l’Afrique de l’Ouest est réussi car il correspond à un mode d’expression soit solennel, soit joyeux ou contemplatif et permet réellement d’entrer dans une attitude de prière qui sied à la liturgie.
Voici quelques exemples concrets et en premier une pièce de l’ordinaire, un Agnus Dei en langue wolof dont voici les paroles:
Mburtum Yalla mi di dindi baakari adduna, yërëm nu Mburtum Yalla mi di dindi baakari adduna, yërëm nu Mburtum Yalla mi di dindi baakari adduna, may nu jamm
Un deuxième exemple avec un accompagnement instrumental :
Et un dernier exemple avec un accompagnement à la kora :
Si vous désirez approfondir vos connaissances à ce sujet, voici un court article écrit par le Père Olivier-Marie SARR osb : https://www.academia.edu/
Cette lettre n’a pas été rédigée par Esprit de la liturgie qui en permet cependant la publication sur son site.
Le 13 mai 2021
En la Fête de l’Ascension de Notre Seigneur
Aux évêques, prêtres et responsables pastoraux de l’Église catholique en Suisse romande
« Ceci est mon corps, donné pour vous : faites cela en mémoire de moi. » (Lc 22:19)
Par ces lignes, nous désirons témoigner de notre incompréhension et de notre inquiétude face aux portes des églises fermées à clé durant les célébrations dominicales et plus généralement vis-à-vis des mesures contraignantes adoptées par certaines paroisses, en sus des restrictions de l’État, entravant le libre et non discriminatoire accès à la divine liturgie. Nous constatons en effet que les quotas arbitraires sont appliqués et interprétés avec une rigueur parfois excessive, jusqu’à la fermeture des portes qui affichent « complet », sans autre possibilité de participer physiquement à la Messe. À travers ce témoignage, nous souhaitons encourager nos Évêques, nos Pasteurs ainsi que tous les responsables pastoraux à persévérer dans leur mission en se montrant fermes dans leur intention de sauvegarder la plus large participation à ce qui constitue la source de notre vie spirituelle.
Les disciples témoins de la Passion du Seigneur ont reconnu le Christ ressuscité à la fraction du pain et notre sainte Église enseigne dans sa Tradition que c’est l’Eucharistie qui est source et sommet de toute la vie chrétienne. C’est pourquoi nous désirons recevoir le Corps du Christ, pour autant que nous en sommes dignes, en assistant aussi régulièrement que possible et adéquat à la sainte Messe, car il s’y accomplit le don mystérieux et infiniment précieux de Notre Seigneur et que les grâces qui en découlent sont innombrables. Comme notre faim de la communion, notre soif de se trouver en présence du Très Saint Sacrement est ardente. Devant les portes fermées, nous nous sentons étrangers et écartés de la famille qui est la nôtre, mais surtout privés de ce vers quoi nos cœurs s’élancent lorsque nous laissons une place au Seigneur.
Nous nous inquiétons que le devoir d’obéissance aux autorités puisse faire l’objet d’un zèle plus déterminant que celui que devrait inspirer l’espérance chrétienne. Conscients que la doctrine sociale de l’Église n’impose pas une obéissance aveugle, attitude au détriment du don de Dieu qu’est la raison humaine, nous portons un regard sévère sur l’État de droit et la liberté qu’il offre à la pratique de notre foi. Celle-ci trouve ses ressources dans la rencontre fréquente avec le Christ réellement présent, Signe unique dont l’Église nous partage le trésor. Nous observons tout particulièrement chez les jeunes membres de la communauté en quête sincère d’une relation vivante avec le Père qu’une porte fermée ou un accès refusé à la sainte Messe participent au développement d’une société pleine de tout, mais vide de Dieu.
Durant cette période difficile dont nous n’entrevoyons pas encore le dénouement, une grande lassitude et une frustration profonde ont pu s’installer à l’égard de certaines restrictions imposées aux fidèles. Les rares décisions de justice favorables en Suisse romande, obtenues par l’effort de quelques fidèles, en sont un indice. En plus de l’incompréhension suscitée par la situation, il apparaît que ces mesures font souffrir toujours plus ceux qui se portent bien dans leur corps mais se perdent dans l’âme. L’Eucharistie n’étant pas tant l’objet de la liberté de culte que celui de la vie éternelle que nous espérons dès ici-bas, nous estimons juste et nécessaire de défendre l’accès à la sainte Messe non pas comme une simple expression de la pratique religieuse mais comme notre propre vie. Cela relève de la tâche politique des chrétiens et de l’Église qui en ont les ressources intellectuelles et économiques, mais qui jouissent avant tout d’une liberté inviolable en la matière, fruit de l’espérance.
Nous comprenons et reconnaissons la difficulté de nos Pasteurs à se prononcer contre l’autonomie des autorités pour imposer des restrictions nécessaires à la stabilité, la sécurité et la paix sociales, mais nous craignons que cette difficulté résulte en un découragement et une acceptation de dilemmes impossibles à résoudre. Si l’un des nôtres ne peut communier parce qu’un quota est atteint, lequel d’entre nous mérite-t-il donc sa place ? Nous observons que le cadre légal n’a pas encore été pleinement exploité et que les paroisses ne sont pas dos au mur. Des espaces de participation et de communion sur les parvis des églises peuvent être organisés en dernier recours. Un nombre supplémentaire de Messes peut encore être proposé dans de nombreuses paroisses le dimanche. La tradition de l’adoration eucharistique ne doit également pas être oubliée en ce qu’elle est source inépuisable d’espérance et de grâces dans les temps difficiles. Et s’il devenait impossible de faire plus ou mieux, il serait urgent d’élever la voix et de se prononcer avec fermeté, non pas contre ce qui est difficile à juger, mais pour ce qui nous est certain.
La tristesse et le sentiment d’abandon qui nous serrent le cœur un dimanche sans célébration eucharistique ne nous paraissent pas justifiés par une crise durant laquelle les décisions autoritaires semblent parfois plus dangereuses que ce dont elles se préoccupent. Nous cherchons constamment le courage d’être désormais témoins non pas en premier de la sauvegarde à tout prix d’une vie qui passe mais de l’inestimable trésor d’une vie qui ne passera plus. Il nous est acquis que la charité envers les personnes les plus fragiles ne peut se satisfaire d’une application stricte de normes absolues. Le monde a décidé de lutter avec une exclusivité souvent arbitraire contre un mal particulier, négligeant bien des souffrances moins visibles ou tristement habituelles. Pourtant, il n’est encore interdit de réfléchir à personne, mais il est urgent que cette réflexion soit ordonnée aux vérités éternelles, dont la Présence eucharistique réelle fait intimement partie.
Tout cela nous inquiète et pèse lourdement dans nos vies. Confiants que les sentiments qui nous animent peuvent être la source d’un service concret et d’une présence encourageante, nous souhaitons, par la présente, confier notre disponibilité et notre volonté pour agir et prier de la manière dont l’Église le juge prudent et utile lorsqu’elle entend notre témoignage. Et vous, Chers Pasteurs, nous vous prions humblement et avec patience de persévérer à la sauvegarde de l’accès aux églises en toute heure, en particulier lors des célébrations et adorations eucharistiques, ainsi que de nous encourager à manifester au grand jour, en tant que communauté unie, l’importance sans équivalent de la sainte Messe pour notre vie spirituelle et celle du monde. Nous vous demandons par ailleurs de nous guider résolument dans la nécessité de ne pas négliger les souffrances oubliées et abandonnées de la crise. Nous espérons en votre soutien résolu et audible comme en l’exemplarité nécessaire pour alimenter les vocations. C’est pourquoi nous nous engageons également par cette démarche à poursuivre diligemment nos prières pour que les vies données en Église ne le soient pas en vain et nous nous rendons disponibles pour aider nos Prêtres à préserver la possibilité de chacun de prendre part à la divine Liturgie et d’adorer le Très Saint Sacrement. L’exemple de la béatification récente de Carlo Acutis et l’œuvre qu’il nous a laissée peuvent en ces jours accompagner notre cheminement et nos prières.
Qu’aux croix de ces heures ne s’ajoute pas celle de la division entre frères et sœurs chrétiens. Qu’aucun d’entre nous ne ferme la porte à l’autre par crainte de ce qui est temporel. Si le Seigneur nous offre bientôt de retrouver les libertés que les siècles précédents ont garanti dans le souci de la dignité humaine, quelle ne serait pas notre désolation de trouver ces mêmes églises à nouveau ouvertes mais toujours aussi vides. Nous le voyons pourtant avec inquiétude, nous en sommes témoins, c’est le chemin choisi lorsqu’au désir d’une vie éternelle répond un arbitraire contingent, insulte à la raison et aux droits inviolables.
Que Saint Tarcisius intercède pour l’Église du Seigneur. Que Dieu garde ses Pasteurs et son Église, que l’Esprit Saint encourage leur prudent et courageux discernement et que le Seigneur bénisse les vies données pour l’annonce de Son Amour.
Un des plus grands esprits liturgiques du vingtième siècle a été Monseigneur Enrico Dante (1884-1967). Il fût choisi parmi beaucoup pour être le Maître des Cérémonies pontificales durant trois décennies importantes qui atteindront leur apogée avec le Concile Vatican II. Le 24 avril est l’anniversaire de sa mort à l’âge de 82 ans. Mgr Dante incarne l’âge d’or de la liturgie pontificale.
Mgr Dante se repère aisément, on le voit debout proche des papes – dans son raffinement oriental – dans l’élégance de ses manières et de son comportement. Son attitude n’était rien de moins que parfaite. Il fût l’architecte derrière les célébrations pontificales sous les pontificats de Pie XII, Jean XXIII et Paul VI. En tant que cérémoniaire du pape, il était le ciment qui maintenait la tenue des liturgies papales complexes. Ces années ont vues le développement de la photographie, précieux témoignages de ce qu’était la splendeur et l’imagination de l’ancienne chapelle et de la cour papale. Les célébrations liturgiques devaient débuter telles un spectacle époustouflant de beauté, une telle scène ne pouvait être tenue qu’à Rome et au Vatican. Les fidèles rentraient chez eux avec les yeux pleins de joie et le cœur plein de révérence.
Aujourd’hui encore, Mgr Dante compte de nombreux adeptes parmi les liturges. Certains pèlerins venant à Rome souhaitent visiter encore aujourd’hui sa tombe. Il est enterré dans la crypte de la Basilique de Sainte-Agathe des Goths, aujourd’hui église titulaire du Cardinal Burke, située juste en bas de la rue derrière l’Angelicum. Demandez à la sacristie de voir la crypte du bas et le sacristain vous ouvrira la porte et allumera la lumière.
Dante a été chargé à la fois d’assister et de superviser certaines des plus belles fonctions sacrées jamais filmées. Ce furent des années de prestige, d’élégance baroque et de beauté, lorsque les hautes liturgies scintillaient dans le rayonnement du soleil d’Orient, avec tant de subtils éléments byzantins. Les liturgies étaient construites pour durer éternellement, aussi longtemps que la papauté elle-même. Le centre du travail de Dante était d’assister le Saint-Père à l’autel durant la Sainte Messe. Je peux certainement dire moi-même qu’aucun homme à l’autel ne m’a autant impressionné dans son rôle sacré de cérémoniaire.
Au cours des dernières années de son mandat, le vent du changement a soufflé et bientôt la tempête de la révolution a eu l’élan d’un train de marchandises. Le changement était dans l’air et l’esprit révolutionnaire était, de l’avis de beaucoup, imparable. Aujourd’hui, les historiens et les liturges curieux étudient et s’émerveillent devant les précieux rites de l’Antiquité qui ont survécu jusqu’à nos jours, consignés à jamais dans les vieux Cérémonials de la sacristie de la Basilique du Vatican, aujourd’hui conservés à la Bibliothèque du Vatican. Mgr Dante a été le dernier cérémoniaire papal avant l’arrivée du novus ordo . Les drames sacrés des liturgies papales de l’époque étaient une succession de grands personnages et comprenaient des figurants aussi colorés que l’imposante Garde Noble et les gardiens du Pape. L’aristocratie locale de rang et d’intellect était incluse avec des rôles spéciaux. La noblesse romaine, les maisons royales d’Europe et les hauts dignitaires de l’église, ainsi que le corps diplomatique accréditées auprès du Saint-Siège, jouaient un rôle important dans les liturgies papales, assurant la présence des dignitaires de la haute cour, portant les différents insignes des ordres royaux et chevaleresques et les décorations militaires d’honneur. Les sediaris, vêtus de leurs brillants costumes de brocart rouge, portaient le pape dans une grande entrée sur la sedia gestatoria. Le haut chambellan de Sa Sainteté, était toujours présent. Les visiteurs étaient pris par l’émotion de la scène.
Moins d’un an après la mort de Dante, la cour et la chapelle papale ont été secouées par le Motu Proprio Pontificalis Domus, abolissant de fait les protocoles des siècles précédent. La sagesse et les traditions des siècles ont été supprimées au profit d’un nouveau départ, tandis que les rôles du clergé et des laïcs dans la chapelle pontificale ont été réorganisés de manière drastique. En bref, l’époque des liturgies complexes du « pharaon » papal était révolue, où les liturgies resplendissaient dans un habit de joyaux. Les gens s’étaient lassés de la grandeur.
On peut dire beaucoup de choses sur Monseigneur Dante et la majesté perdue des liturgies papales à cette époque ; je recommande le lien vers sa page Wiki pour une brève biographie. Hélas, je souhaiterait qu’un historien intrépide écrive sa biographie. Dante a été préfet des cérémonies pontificales de 1947 à 1965. Il a fait ses débuts dans les liturgies papales en 1914 lorsqu’il a rejoint le Collège des cérémoniaires pontificaux. Il a été créé cardinal le 22 février 1965. Il a vécu deux ans en tant que cardinal de la Sainte Église romaine et est décédé le 24 avril 1967. Dans votre charité, veuillez offrir une prière pour le repos de son âme.
Article original de John Paul Sonnen publié sur Liturgical Arts Journal, traduit par Guy Bachelier .
Il y a depuis quelques années maintenant une certaine volonté de rajeunir la liturgie et sa musique, ce qui implique une forme de relativisme esthétique qui permet l’apparition du profane dans la liturgie.
Il s’agirait donc d’analyser avec recul ces choix qu’ont fait nos aînés.
Il semble à prime abord que le désir des évêques de l’époque d’être le levain dans le pain a poussé le catholicisme français à se fondre dans la masse, à se confondre pourrait-on dire avec le profane, dans ce sens l’apparition d’une musique simplifiée, de paroles creuses aux bonnes odeurs de naïveté est une conséquence logique.
Mais il me semble aussi que ce désir était subsidiaire à la volonté d’évangéliser par la liturgie en ouvrant les mystères aux plus nombreux, ce qui évidemment a fait que le mystère célébré s’effaçait devant la forme.
Mais est-ce que la messe a besoin d’être attractive ? n’est ce pas justement ce qui éloigne les jeunes, car ils sont en faite réellement désireux d’approfondir cette compréhension du mystère en vivant d’une vie intérieure enrichie ?
A travers mes nombreuses discussions j’ai découvert que le désir des jeunes est tout autre, ils recherchent dans une vie de foi riche de la grâce des sacrements à avoir une relation au Christ vivante, une relation structurée et cette structure c’est l’opposé du jeunisme qui est intrinsèquement une déstructuration de la liturgie.
Premièrement c’est une déstructuration du fait du non respect de la normativité du rite et de sa rythmique, une rythmique qui nous porte à la contemplation à travers l’oraison et une participation active qui doit être comprise comme étant d’abord une disposition intérieure nous permettant de rejoindre le Christ.
Deuxièmement c’est un déstructuration du rite comme étant un ensemble porté par l’art et le génie humain et soumis à l’action de Dieu, la liturgie étant une « Opus Dei », une œuvre de Dieu, où Il nous rejoint dans notre humanité dans le sacrifice salvifique de l’incarnation et de la croix. Cette déconstruction touche ce qu’il y a de plus sensible et de plus incarné dans la messe: la musique et l’expression artistique.
Je n’ai pas ce postulat que la liturgie doit être désincarnée car œuvre divine, au contraire c’est la compréhension du mystère de l’Incarnation qui nous pousse à donner ce qui est le plus beau sur Terre, l’expression de notre émerveillement devant la création. Ces outils terrestres que sont l’art et la musique sont les moyens les plus élevés de l’activité humaine pour nous élever dans notre prière.
Il y a évidemment une nécessité de laisser une place au sensible, mais qui doit être délimitée et définie, le cadre liturgique normatif donné par la présentation du missel romain est ce garant ainsi que de nombreux motu proprio tel que Sacramentum redemptoris et Sacramentum caritatis pour ne citer que eux.
Il faut revenir à ce cadre de la liturgie pour laisser une place plus juste à l’expression humaine.
Alors je vous en prie, ne laisser par l’expression profane envahir le sacré, et laissons de côté toute volonté d’innover et tenons nous en à respecter ce que le Christ nous a donné à travers l’Eglise et là vous verrez les jeunes revenir.
« Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. Songez aux choses d’en haut, non à celles de la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu : quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire. »
Col 3, 1-4
« 7. Le Christ est toujours là auprès de son Eglise, surtout dans les actions liturgiques. […] Effectivement, pour l’accomplissement de cette grande oeuvre par laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes sanctifiés, le Christ s’associe toujours l’Eglise, son Épouse bien-aimée, qui l’invoque comme son Seigneur et qui passe par lui pour rendre son culte au Père éternel. […] Par suite, toute célébration liturgique, en tant qu’oeuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Eglise, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Eglise ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré.
8. Dans la liturgie terrestre nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem à laquelle nous tendons comme des voyageurs […]
9. La liturgie ne remplit pas toute l’activité de l’Eglise ; car, avant que les hommes puissent accéder à la liturgie, il est nécessaire qu’ils soient appelés à la foi et à la conversion.
10. Toutefois, la liturgie est le sommet auquel tend l’action de l’Eglise, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu.
11. Mais, pour obtenir cette pleine efficacité, il est nécessaire que les fidèles accèdent à la liturgie avec les dispositions d’une âme droite, qu’ils harmonisent leur âme avec leur voix, et qu’ils coopèrent à la grâce d’en haut pour ne pas recevoir celle-ci en vain. »
Vatican II, Sacrosanctum Concilium § 7-11 (nature de la liturgie)
Summorum pontificum, ce motu proprio qui facilite l’usage de la forme extraordinaire dans l’Eglise universelle et permet à chaque prêtre de la célébrer selon son bon vouloir est l’un des plus beau cadeau que Sa Sainteté Benoît XVI nous ait légué. C’est un vrai don qu’il a fait à l’Eglise mais ce n’est pas de la démocratisation de l’usus antiquior dont je voudrais vous parler mais de ce qui constitue réellement le coeur de ce document: l’unité ecclésiale.
Une unité qui était profondément blessée et dont le cœur paternel du pape avait pris toute la mesure.
Par ce motu proprio le pape émérite nous faisait découvrir ceci en son article premier:
Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la lex orandi de l’Église catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par saint Pie V et réédité par le Bienheureux Jean XXIII doit être considéré comme expression extraordinaire de la même lex orandi de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la lex orandi de l’Église n’induisent aucune division de la lex credendi de l’Église ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain.
Tout réside dans cette dernière phrase du Saint Père et c’est une joie de reconnaître que dans la liturgie nous prions la même chose avec deux usages dont les similarités sont parfois difficilement perceptibles, à un tel point parfois que notre pape émérite fut dans l’obligation de le répéter, il n’y a qu’un rit romain car dans les deux usages est célébré l’unique sacrifice rédempteur du Christ Jésus et sont exprimées toutes les vérités de Foi.
Mais il se trouve que cette unité est toujours malmenée, premièrement car on peut voir un enfermement de certains dans la forme extraordinaire et qu’ils en oublient parfois que le missel du Bienheureux Paul VI constitue la liturgie ordinaire, valide et légitime en soi. Cette attitude se retrouve aussi chez les fidèles de la forme ordinaire dénigrant par principe ce qui est trop esthétique, trop pompeux, et pas assez participatif (selon la mauvaise compréhension de ce mot). C’est mal comprendre la participatio actuosa qui est en premier lieu une attitude, une disposition intérieure à s’offrir au Seigneur à travers ce que l’on est, avant d’être quelque chose de performatif.
Dans sa grande mansuétude, le pape Benoît XVI désirait satisfaire les personnes qui restaient attachées à cette forme et s’expliquait ainsi dans la lettre pastorale qui accompagne le motu proprio :
Beaucoup de personnes qui acceptaient clairement le caractère contraignant du Concile Vatican II, et qui étaient fidèles au Pape et aux Evêques, désiraient cependant retrouver également la forme de la sainte Liturgie qui leur était chère ; cela s’est produit avant tout parce qu’en de nombreux endroits on ne célébrait pas fidèlement selon les prescriptions du nouveau Missel; au contraire, celui-ci finissait par être interprété comme une autorisation, voire même une obligation de créativité; cette créativité a souvent porté à des déformations de la Liturgie à la limite du supportable. Je parle d’expérience, parce que j’ai vécu moi aussi cette période, avec toutes ses attentes et ses confusions. Et j’ai constaté combien les déformations arbitraires de la Liturgie ont profondément blessé des personnes qui étaient totalement enracinées dans la foi de l’Eglise.
Voilà ce qu’il est primordial de retenir , ce n’est pas la forme ordinaire ni la réforme liturgique qui ont menées à ces querelles mais les abus qui s’y sont greffés. Ce qui aujourd’hui est plus que souhaitable c’est l’enrichissement des deux formes qui ont de nombreuses choses à s’apporter et que notre pape émérite appelait de ses vœux
C’est réellement un don de paix et d’unité que Benoît XVI nous a donné à travers cette réhabilitation universelle de l’usage ancien et qu’il s’agirait maintenant de faire fructifier.