Avec les Laudes et les Matines, les vêpres sont l’une de trois heures dites « majeure » du bréviaire romain. Cet office, qui n’est ordinairement plus que récité en privé quotidiennement par les prêtres, est souvent encore chanté au chœur, dans les églises paroissiales, les dimanches et jour de fêtes. Comme pour les autres heures majeures, le chant de l’office des vêpres, s’accompagne de quelques cérémonies liturgiques, plus ou moins solennelles selon la festivité du jour.
Cet office se déroule ainsi : l’introduction est chantée debout, puis on s’assoit pour chanter cinq psaumes encadrés d’une antienne, puis on se lève pour chanter une hymne après une courte lecture (appelée capitule), on chante ensuite le cantique de la Sainte Vierge (ou Magnificat) lui aussi encadré par son antienne propre, pendant ce cantique, on encense l’autel et le chœur ; enfin, le prêtre chante l’oraison finale, et l’office se termine par le chant du Benedicamus Domino.
La solennité des vêpres non pontificales se compte par le nombre de chapiers (de zéro à six) accompagnant l’officiant. Il est à noter que pour les simples féries, là où on chante l’office au chœur, il ne convient pas de l’accompagner de cérémonies particulières ; c’est ce qu’on appelle les vêpres fériales. Nous parlerons dans cet article des vêpres simples, c’est-à-dire sans chapiers.
On ne prépare pour cet office qu’une chape pour l’officiant (ainsi qu’une étole s’il est l’ordinaire du lieu uniquement), les deux cierges des acolytes, allumés comme ceux de l’autel et l’encensoir éteint à la sacristie, avec la navette d’encens.
Le prêtre officiant est accompagné de quatre servants : un thuriféraire, deux acolytes et un cérémoniaire. Ils processionneront dans cet ordre : le thuriféraire en tête, mains jointe, les acolytes marchant côte à côte leurs cierges allumés, le cérémoniaire marchant à la droite du célébrant et relevant la chape de sa main. Pour les grandes solennités (mais cela devrait rester propres aux grandes solennités) le clergé processionne derrière les acolytes. Si la la croix est requise par la présence d’un prélat ou d’une communauté religieuse ou séculière, elle est tenue entre les acolyte ; dans le cas contraire, on s’abstiendra de faire processionner la croix.
En arrivant au pied de l’autel, le thuriféraire se place légèrement à gauche, les acolytes s’écartent et se placent de chaque côté, l’officiant vient se placer au milieu, tandis que le cérémoniaire, toujours à sa droite, fait signe de saluer la croix.
Après la génuflexion, l’officiant, le thuriféraire et le cérémoniaire s’agenouillent au signe du cérémoniaire, tandis que les acolytes vont éteindre leurs cierges après les avoir posés sur la première marche de part et d’autre de l’autel. Ils vont ensuite se mettre debout à leur place autour de la crédence, du côté épître du sanctuaire en génufléctant ensemble face à la croix derrière le célébrant.
Lorsque le célébrant a récité la prière Aperi, Domine, os meum, (cette prière peut, suivant les rubriques de 1960, être remplacée par une autre prière) le cérémoniaire fait lever tout le monde et accompagne l’officiant à la banquette. Il y prend le livre qu’il présente à l’officiant (chaque fois qu’il lui présente, il s’incline profondément de tout son corps avant et après). Celui-ci entonne le Deus in adjutorium, le cérémoniaire ferme alors le livre pour s’incliner vers la croix au Gloria, puis il l’ouvre à nouveau pour l’intonation de la première antienne par l’officiant.
À l’intonation du premier psaume, tous s’asseyent (même le cérémoniaire si c’est l’usage). Suivent alors un enchaînement de cinq psaumes, ayant chacun son antienne chantée avant et après lui. Aux vêpres simples, il n’est pas nécessaire que le cérémoniaire apporte le livre à celui qui doit entonner chaque antienne. Si la coutume existe, on peut la suivre.
Pendant le cinquième psaume, ou si celui-ci est très court, à la fin du quatrième, le premier acolyte se lève et va rallumer les deux chandeliers posés au pied des marches, puis retourne s’asseoir. Le thuriféraire se lève de même et va à la sacristie préparer son encensoir ; il reviendra avec au début de l’hymne.
Deux versets avant le Gloria du cinquième psaume, les deux acolytes se lèvent et viennent se placer devant leurs cierges, après avoir génuflecté ensemble au pied des marches. S’étant incliné vers la croix au Gloria, ils prennent leurs cierges en posant genou à terre, puis ils viennent à la banquette en génuflectant de nouveau au pied de l’autel. Le cérémoniaire les y rejoint, ils s’inclinent. Lorsque le cérémoniaire ouvre le livre, les acolytes se tournent vers lui. Le prêtre chante le capitule et entonne l’hymne, puis les acolytes se tournent vers la banquette, le cérémoniaire ferme le livre, tous s’inclinent et retournent à leur place. Les acolytes passent poser leur cierge de part et d’autre de l’autel sur la première marche.
Après l’hymne, le cérémoniaire présente une troisième fois le missel à l’officiant, qui entonne l’antienne du Magnificat. À la fin de celle-ci, le cérémoniaire vient tenir par la droite la chape de l’officiant, et ils se signent pour le premier verset du cantique. Le cérémoniaire accompagne le prêtre à l’autel, et pendant qu’il monte, appelle le thuriféraire pour l’imposition de l’encens sur le marchepied.
Le cérémoniaire demande la bénédiction (« benedicite pater reverende ») et présente la navette de la main droite en tendant la cuillère de la main gauche (avec baisements), puis il soulève le pan de la chape avec sa main gauche pour qu’elle ne gêne pas l’officiant. Le thuriféraire après avoir présenté l’encensoir, le referme une fois béni, et le donne au cérémoniaire qui lui rend la navette. Le cérémoniaire donne l’encensoir à l’officiant (avec baisements).
L’officiant encense la croix, (et les reliquaires s’il y en a) puis l’autel, et rend l’encensoir au cérémoniaire (qui le tend au thuriféraire) et retourne à la banquette. Le cérémoniaire l’accompagne, puis appelle le thuriféraire qui attendait au bas des marches. Le cérémoniaire encense l’officiant de trois coups doubles, puis rend l’encensoir au thuriféraire, qui va encenser le chœur (du plus digne au plus humble, en terminant toujours par le cérémoniaire et les acolytes), puis les fidèles. S’il y a un salut du Saint Sacrement après les vêpres, on installe l’autel en conséquence. On y place alors l’ostensoir, la clé du tabernacle et les rampes de cierges allumés, ainsi que le tabor si c’est l’usage.
Lorsqu’ils sont encensés, les acolytes se rendent à leurs cierges, et refont la même manœuvre qu’à la fin des psaumes, en s’inclinant au Gloria du Magnificat, et en venant avec leur cierge à la banquette.
Le cérémoniaire se place entre les acolytes qui se tournent vers lui lorsqu’il ouvre le livre après s’être incliné face à l’officiant. Celui-ci chante l’oraison finale, qui est suivie des éventuelles mémoires (aux vêpres, une mémoire est composée d’une antienne, chantée debout, d’un verset et son répond, et d’une oraison) ; puis de nouveau il chante « Dominus vobiscum » ; à ce moment, les acolytes et le cérémoniaire saluent l’officiant, le cérémoniaire retourne à droite du prêtre, et les acolytes avec leurs cierges se placent debout au pied de l’autel comme pour la procession d’entrée.
Après le Benedicamus domino, le thuriféraire, l’officiant et le cérémoniaire rejoignent les acolytes et se mettent en ligne. Au signal du cérémoniaire, tous génuflectent et se retirent à la sacristie (à moins que le Salut du Saint Sacrement suive directement les vêpres, ce qui est très souvent le cas après les secondes vêpres du dimanche en paroisse. Dans ce cas, les acolytes retourneraient poser leur cierge sur la première marche, puis s’agenouilleraient in plano, c’est à dire à même le sol, en même temps que le thuriféraire et le cérémoniaire, au signal de ce dernier. Le salut se déroule comme à l’ordinaire).
L’association Esprit de la Liturgie, avec toute l’Église, confie à la miséricorde de Dieu l’âme de notre Pape Émérite, Benoît XVI, en ce jour où elle s’en est allée rejoindre le sein du Père.
Notre association pleure en Joseph Ratzinger un grand théologien, un père spirituel, et l’inspiration de notre propre œuvre en faveur du renouveau de la pensée et de la célébration liturgique. Comme pape, il offrit à l’Église une voie de réconciliation liturgique que nous nous efforcerons toujours de suivre.
Que les Anges de Dieu reçoivent et présentent son âme à la face du Très-Haut. Qu’il repose dans la paix. Que brille sur lui la lumière qui n’a pas de fin.
Notre prêtre s’applique vraiment à garder son pouce et son index joints une fois qu’il a touché l’hostie. Je me demandais s’il s’agissait d’un geste symbolique, car je n’ai jamais vu nos ministres eucharistiques ou notre diacre se laver les mains ? (Le terme correct est en réalité « ministre extraordinaire de la Sainte Communion », et non « ministres eucharistiques »). Dans mon orgueil et mon jugement, je suis parfois un peu en colère face à leur manque de révérence et je sais que je peux me tromper. Merci et que Dieu vous bénisse.
Tant de personnes ont été blessées et sont blessées, mon ami.
Votre description de ce que fait le prêtre, en gardant ses index et ses pouces ensemble, est cohérente avec ce que les prêtres ont été requis par les rubriques de faire pendant la Messe après la consécration. Les prêtres sont toujours tenus, dans la forme extraordinaire, de maintenir l’index et les pouces serrés l’un contre l’autre au niveau des « coussinets », pour ainsi dire, afin d’éviter que toute particule reconnaissable qui aurait pu adhérer aux doigts ne tombe à l’extérieur du corporal (la toile de lin carrée étendue sur l’autel sur laquelle reposent le calice et les hosties). C’est aussi pourquoi, après la consécration, le prêtre devait garder sa main autant que possible sur le corporal. C’est aussi pourquoi il est bon, pendant la messe, lorsque le calice est découvert, que le prêtre frotte doucement ses doigts et ses pouces l’un contre l’autre sur le calice, afin que les particules tombent dans le calice plutôt qu’ailleurs. Cela devient une habitude et il n’est pas nécessaire de faire un effort ou de prendre du retard pour le faire.
Ces gestes ne sont pas exigés par les rubriques du Novus Ordo.
C’est une bonne chose à faire de toute façon.
Premièrement, cela a du sens. Deuxièmement, c’est ce que font les prêtres.
Certains objecteront que cette pratique semble fastidieuse ou même – gasp – scrupuleuse.
Je réponds en disant que les particules reconnaissables restent le Corps et le Sang, l’âme et la divinité du Seigneur. Je pense que l’Eucharistie mérite notre soin et notre attention.
À plusieurs reprises, j’ai senti une particule rester sur mes doigts, pressée entre les coussinets de mon pouce et de mon index. Cela peut se produire plus fréquemment lorsque les hosties sont sèches ou ont des bords rugueux ou mal « pressés ».
Je suis un pécheur, mais lorsque je me présenterai devant le Seigneur pour son jugement, il ne me dira pas que j’ai été négligent avec lui pendant la messe. Honte aux prêtres qui sont négligents.
Pères ! Les gens voient ce que vous faites quand vous êtes là-haut et ce que vous ne faites pas. Faites attention à l’Eucharistie ! Purifiez bien les vases ! Ne laissez pas des fragments partout !
J’ai eu des sacristains inquiets qui m’ont montré des patènes de calices sur lesquelles il restait des particules. Pour l’amour de DIEU ! Purifiez soigneusement !
Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne le lavage des mains, poursuivons avec cela pendant un moment ou deux.
Le prêtre – selon l’ancienne façon de faire – devrait se laver les mains avant de vêtir en disant la prière « Da, Domine, virtutem manibus meis ad abstergendam omnem maculam immundam ; ut sine pollutione mentis et corporis valeam tibi servire. … Donne la vertu à mes mains, Seigneur, afin qu’étant purifié de toute tache je puisse te servir sans impureté d’esprit et de corps ». Hélas, certaines sacristies n’ont pas d’évier, et encore moins de sacraria ! Grrrr. Ensuite, pendant la messe, il purifie ses doigts après avoir préparé les « dons ». Dans le nouveau rite, il dit simplement : « Lava me ab iniquitate mea et a peccato meo munda me … Lave-moi de mon iniquité, et purifie-moi de mon péché. » Dans le rite ancien, il récite le Lavabo, tiré du psaume 26. Dans l’ancienne forme du rite romain, il continue, comme je l’ai mentionné ci-dessus, à se laver les doigts après la consécration. Enfin, après la communion et pendant les ablutions, lorsqu’il purifie les vases, il purifie à nouveau le bout de ses doigts. Au cours des ablutions, avant que le vin et l’eau ne soient versés sur les doigts qu’il tient au-dessus de la coupe du calice, il dit : « Corpus Tuum, Domine,… Que ton Corps, Seigneur, que j’ai reçu, et ton Sang que j’ai bu, s’attachent à mes entrailles, et fais qu’aucune tache de péché ne subsiste en moi, qui ai été nourri de ce pur et saint Sacrement…. ». Tout ce qui a trait à la purification des doigts, des récipients et à la sauvegarde de l’Eucharistie doit être accompli avec une attention sérieuse.
En ce qui concerne, cependant, la révérence du prêtre – vous ne pouvez pas savoir avec certitude ce qu’il a dans son cœur ou dans son esprit. Vous ne pouvez voir que le reflet extérieur de sa participation intérieure pleine, consciente et active, qui, parce qu’il est le prêtre, doit être exemplaire.
Le prêtre doit instruire soigneusement le diacre sur la purification des vases. Malheureusement, la formation que certains diacres permanents ont reçue était… sous-optimale. Les programmes diaconaux s’améliorent, mais, là pour un certain temps…. damn !
Et s’il y a des ministres extraordinaires, ils doivent bien sûr être instruits avec un soin particulier.
Je vais devoir laisser de côté le fait que je ne pense pas que les non-ordonnés devraient manipuler les vases sacrés à mains nues, et encore moins l’Eucharistie, à moins que ce ne soit absolument nécessaire. Cela fera l’objet d’une autre diatribe à une autre occasion.
« L’acte pour l’accomplissement duquel le Christ est venu sur la terre, et que chaque Pâques renouvelle, peut être envisagé sous différents aspects ; mais son aspect le plus général est une guerre, ce combat que saint Paul résume en ces termes : “Ayant dépouillé les principautés et les puissances, il leur a signifié librement sa volonté, après les avoir assujetties à son triomphe.” Car l’esprit du mal s’étant, par sa fourberie, emparé de l’homme et par lui du monde, le Christ est venu pour ravir son empire au père du mensonge, en brisant ses armes, le péché et la mort, et rétablir sur toute créature le règne de Dieu. »
Le père Louis Bouyer a toujours été suspect aux bien-pensants. S’il est aujourd’hui soupçonné de traditionalisme, à cause des vives critiques qu’il a formulées à l’endroit de la réforme liturgique post-conciliaire, à l’époque où il écrit ces lignes dans Le Mystère pascal au début de 1945, il est bien plutôt suspect d’avoir conservé quelque chose du protestantisme dont il s’était converti à peine six ans plus tôt. « On voit bien que vous êtes protestant », lui disait un de ses premiers supérieurs à l’Oratoire : « vous vous intéressez trop à la Liturgie et à l’Écriture ».
Puisque l’Église n’est rien de plus que le prolongement dans le temps de l’action du Christ sous la conduite de l’Esprit Saint, ainsi la mission de l’Église peut-elle être envisagée sous différents aspects ; mais ainsi, également, son aspect le plus général et le plus essentiel est-il celui de cette guerre menée contre l’esprit du mal, le même combat qu’exprime toute la vie du Christ et toute l’action des apôtres. Guerre déjà gagnée par la mort et la résurrection du Chef de l’Église, mais dont une multitude de batailles restent à livrer. Guerre dont l’objet n’est pas l’établissement du règne de Dieu seulement sur les âmes, encore qu’elles soient son principal butin ; mais sur toute créature. La guerre de Dieu, et celle de l’Église, et celle de tout chrétien, est de conquérir toute chose, les âmes, les corps, les bêtes et les plantes, les voitures, les ordinateurs, les champs, les montagnes, les sculptures grecques et les bouteilles d’armagnac ; d’en extirper l’influence des forces du mal, et de les soumettre à la souveraineté du Christ.
Toute créature est un champ de bataille, tout chrétien est un soldat.
Je veux parler aujourd’hui d’un de ces champs de bataille : la nuit. Puisqu’il y a bataille, parlons tactique : quel est l’aspect du terrain ? Quelles sont les positions alliées, les positions adverses, le rapport de force ?
« L’Église s’en moque que [les prêtres soient] aimés, mon garçon. L’Église a besoin d’ordre. Faites de l’ordre à longueur du jour. Faites de l’ordre en pensant que le désordre va l’emporter encore le lendemain parce qu’il est justement dans l’ordre, hélas ! que la nuit fiche en l’air votre travail de la veille – la nuit appartient au diable. » — Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
La nuit s’étend du coucher au lever du soleil. Elle est précédée du soir, suivie du matin ; elle inclut le crépuscule, où le soleil est caché mais où ses rayons illuminent encore le ciel ; la nuit noire où le monde est plongé dans les ténèbres ; et l’aurore, où le soleil, non encore levé, donne déjà sa lumière.
Dans nos sociétés, l’aurore appartient aux agriculteurs qui branchent la trayeuse à six heures, aux travailleurs pauvres qui prennent le train de banlieue pour Paris à six heures trente, aux boulangers et aux cafetiers qui passent le balai avant de sortir la fournée ou couler les premiers cafés. L’ennemi n’y a pas grande prise, car ceux qui dorment ne pèchent pas, et ceux qui se réveillent sont vainqueurs de leur faiblesse. L’Église loue le Seigneur victorieux à cause du nouveau jour qui s’annonce, avec l’office des Laudes, l’heure la plus eucharistique, c’est à dire qui rend grâce.
Le crépuscule est l’heure de la tentation. Le jour baissant est une occasion de confusion et de dissimulation. C’est l’heure de l’abrutissement devant la télévision ou l’ordinateur, de la recherche de la vaine gloire sur les réseaux sociaux, de la cinquième bière qui transforme l’homme en bête, en somme, l’heure où la vie intérieure est tuée, et Dieu, oublié. L’Église ne s’y trompe pas, qui demande pour ses fidèles, dans l’office des Complies, la force et le courage de résister aux tentations charnelles : « Hostemque nostrum comprime, ne polluantur corpora », repousse notre ennemi, que nos corps ne soient pas souillés. C’est un grand dommage que ces mots trop crus aient été supprimés dans la version moderne du Te Lucis : et pourtant, comme écrit encore Bernanos, « l’Église a les nerfs solides, le péché ne lui fait pas peur, au contraire, elle le regarde en face. »
Quant à la nuit noire : « la nuit appartient au diable. »
Les premières heures de nuit noire sont le temps des plus grandes luttes et des plus grands crimes, l’heure où les mystiques subissent les pires attaques jusque dans leur chair, l’heure où ce monde, soumis à son ténébreux prince, s’entasse dans des lieux presque consacrés au mal. Ensuite, les bons et les méchants s’endormiront, avant que Dieu fasse de nouveau ressurgir son jour.
L’intuition chrétienne sent bien que la simple abstention n’est pas suffisante, qu’elle est une lâche neutralité dans cette grande bataille plus ou moins inconsciente : que se coucher à neuf heures du soir le samedi, quand d’autres vont s’abandonner aux plaisirs du monde jusqu’à deux ou trois heures du matin – même si ce sont des plaisirs moralement neutres ! – n’est pas une réponse adéquate.
Puisque le Christ est avec nous, qui sera contre nous ? L’évidente infériorité numérique des soldats du Christ sur le terrain de la nuit n’est nullement une raison pour le déserter, bien au contraire : il faut conquérir et occuper, surtout dans la plus grande adversité, brebis au milieu des loups. Ainsi, on a vu fleurir, non sans vraie joie, de nombreuses « veillées de prière » un peu partout, surtout les vendredi et samedi soir, qui sont, consciemment ou non, de vrais actes militants, au sens du combat défini dans la première moitié de cet article : que de bien est fait par le simple témoignage de ceux qui renoncent à « sortir » pour aller prier ! Mais pour soumettre la nuit au Christ et en extirper l’influence du mal, il est une arme malheureusement bien négligée : l’Office nocturne.
Il ne s’agit pas d’une arme individuelle, mais bien plutôt d’un canon de gros calibre, du genre qui nécessite plusieurs servants : ces servants doivent être entraînés, et le terrain doit être préparé pour qu’on puisse l’employer ; mais une fois ces conditions réunies, cette arme est redoutable.
Il y faut donc une communauté (pas dans le sens monastique : un groupe d’amis, une paroisse, ou même une poignée d’inconnus font l’affaire : l’Office lui-même fera votre unité. Il est avantageux, mais nullement nécessaire, d’avoir sous la main un prêtre ou un diacre). Il y faut un lieu, un lieu consacré, place forte du camp du Christ, car on ne met pas un canon de gros calibre en première ligne, où il sera pris par l’ennemi, mais on le met derrière une fortification, c’est à dire une église ou un oratoire. Il y faut enfin du chant et le niveau adéquat de solennité dans les cérémonies ; ce qui suppose d’avoir de cet office une connaissance suffisante, donc d’y avoir été formé. Heureusement, les ressources à cet effet abondent, en particulier sur Internet.
L’Office de nuit s’appelle Vigiles dans la tradition bénédictine, Nocturnes dans les rites latins médiévaux, et Matines depuis quelques siècles ; ce nom est un accident de l’histoire, car il évoque le matin, alors qu’il s’agit bien d’un office pour la nuit noire. Lors de la réforme liturgique, il a été renommé Office des Lectures.
L’emploi de l’Office des Lectures selon la Liturgie des Heures réformée par saint Paul VI, en tant que moyen et signe de la conquête du Christ sur la nuit, pose trois problèmes majeurs : premièrement, il n’y a pas de partitions de chants pour le texte de cet office (plus précisément, seule une petite partie des partitions a été publiée) ; deuxièmement, il a été pensé par ses créateurs, à la fin des années 1960, principalement comme un office destiné à la récitation individuelle ; et troisièmement, l’extrême longueur de ses deux ou trois lectures le rend très indigeste, spécialement pour les fidèles laïcs qui participeraient à l’office. La Présentation générale de la Liturgie des Heures, §58, n’envisage que comme une exception (même « très louable ») son chant nocturne, à part dans les monastères.
L’office bénédictin appartient en propre aux bénédictins, même laïcs (tiers-ordre et oblats) ; c’est donc vers les Matines romaines que se tourneront ceux qui veulent combattre par ce moyen les ténèbres de la nuit.
Les Matines romaines comportent, pour la nuit du samedi au dimanche et les nuits précédant les fêtes, le chant du psaume 94, sur l’un ou l’autre d’une dizaine de tons ornés, qui sont parmi les plus anciennes pièces du chant grégorien, en alternance avec une antienne que l’on chante neuf fois au total ; une hymne ; puis trois nocturnes. Un nocturne est composé de trois psaumes et trois lectures chacune suivie d’un répons. Les lectures sont courtes, et les trois lectures d’un nocturne se suivent, de telle sorte que l’assemblage de ces trois lectures est un peu plus long qu’une lecture de la Messe, par exemple. Les répons insérés après chaque lecture sont de longs chants, que tous ceux qui les ont entendus s’accordent à considérer comme les joyaux du répertoire grégorien, plus beaux encore que les graduels et les offertoires de la Messe. Ils permettent à tous de méditer les quelques phrases de la lecture que l’on vient d’entendre, et d’en faciliter la mémorisation.
Au premier nocturne, les trois lectures sont tirées de la Bible, généralement de l’Ancien Testament ; au deuxième nocturne, on lit un commentaire du passage biblique du premier nocturne, par un Père de l’Église, la nuit précédant les dimanches ; la nuit précédant les fêtes, on lit au deuxième nocturne la vie du saint du jour. Le troisième nocturne est consacré à un commentaire de l’Évangile de la Messe du jour.
Sauf aux dimanches de l’Avent et du Carême, la neuvième lecture est suivie, non d’un répons, mais du chant du Te Deum, qui conclut l’office. L’auteur de ces lignes a eu l’occasion de le chanter en paroisse récemment, et de constater que ce chant si beau et si important dans les liturgies latines est très méconnu des fidèles : voici pour eux l’occasion de le réapprendre.
L’ensemble dure environ deux heures : c’est une durée à la mesure de celle de la nuit elle-même : le diable n’en est pas aisément chassé, et sa conquête est un exercice d’endurance dans la veille, « en attendant que se lève sur le monde le Soleil de Justice, le Christ, notre Dieu ». Ceux qui chantent les Matines témoignent des trésors incommunicables qu’il y ont trouvés : venez, et voyez.
Une chose est primordiale pour quiconque souhaite assister le prêtre en servant à l’autel, c’est de toujours se rappeler que quoi qu’il fasse, il n’est là que pour permettre au prêtre d’être le plus proche de Dieu, et pour aider ceux qui assistent à la cérémonie à se recueillir par la grandeur, la beauté et la simplicité de la cérémonie.
Pour cela, on aura soin de toujours former convenablement ceux qui sont désignés au service liturgique. Comme nous le demande notre Sainte Mère l’Église, il faudrait dans chaque paroisse avoir un membre du clergé ou un laïc accoutumé à ces tâches, pour apprendre aux fidèles et particulièrement aux enfants à servir correctement et dignement. Cet article donne ici quelques règles qu’il convient d’apprendre et de mettre en pratique pour bien servir la messe lue à deux servants (dans l’usus antiquor du rite romain). Comme souvent, ces règles liturgiques sont à adapter en fonction des coutumes locales et des circonstances. Il peut notamment y avoir quelques légères variantes selon le temps liturgiques.
La messe basse à deux servants
A l’heure du début de la cérémonie, les acolytes saluent la croix de la sacristie, et précèdent le prêtre jusqu’à l’autel. En entrant dans l’église, ils prennent de l’eau bénite et le premier acolyte en présente au prêtre, puis ils font le signe de croix. Ils soulèvent légèrement le bas de l’aube du prêtre pour l’aider à monter les marches s’il y en a.
En arrivant à l’autel, le premier acolyte est à droite (côté épître), le second à gauche du célébrant. Le premier acolyte va alors récupérer la barrette du célébrant. Les acolytes font une génuflexion pendant que le prêtre fait la révérence convenable (génuflexion si le saint sacrement se trouve dans le tabernacle de l’autel, sinon il fait une inclinaison profonde à la croix). Puis ils aident le prêtre à monter les marches en soulevant le devant de l’aube (pas la soutane). Le premier acolyte va déposer la barrette du prêtre à la banquette ou sur la crédence, puis il revient à sa place. Les deux acolytes se mettent alors à genoux in-plano (c’est-à-dire directement sur le sol) pendant que le célébrant dispose le calice sur l’autel et ouvre le missel.
Les servants répondent au célébrant quand celui-ci récite les prières au bas de l’autel ; ils peuvent s’aider d’un missel pour répondre aux prières même s’il est louable de les connaitre par cœur. Ils se tiennent à genoux, droit, face à l’autel, les mains jointes devant la poitrine. Au cours de la récitation des prières ils font les inclinations de la tête et se signent en même temps que le célébrant (signe de croix avant et après le psaume « Judica me » et à « l’Indulgentiam », inclination profonde de tête au « Gloria Patri » du psaume « Judica me » ainsi que pendant les versets et répons précédant « l’Indulgentiam ».
À la fin du Confiteor du prêtre, les acolytes se tournent vers lui et s’inclinent (en courbant légèrement le dos) pour réciter le « Miserereátur » ; quand le prêtre a répondu « Amen », ils se tournent vers l’autel, profondément inclinés, pour réciter le « Confiteor ». Aux mots : « et tibi pater » et « et te pater », ils se tournent vers le célébrant, puis ils se redressent à l’lndulgentiam en faisant le signe de croix.
À la fin des prières au bas de l’autel les acolytes aident le prêtre à monter en soulevant légèrement l’aube tout en restant à genoux jusqu’à ce que le célébrant soit sur le marchepied (le marchepied est la plus haute marche.)
Ils se lèvent alors, s’écartent légèrement pour venir s’agenouiller sur le premier degré (la première marche)en face du Canon de l’autel. Chacun prend sa place directement sans faire de génuflexion au milieu. Ils restent à cette place jusqu’au mouvement d’Évangile et répondent au prêtre. Ils récitent le Kyrie avec les fidèles, et le Gloria (s’il y a lieu) avec le prêtre. Le premier acolyte répond « Deo Gratias » à la fin de l’Épître.
Lorsque le prêtre commence à réciter l’alléluia, le Trait, ou au milieu de la séquence ou de la prose, le premier acolyte se lève et vient se placer « in-plano » coté Épître, tourné vers le prêtre. Lorsque le prêtre se place au milieu de l’autel, le premier acolyte monte à l’autel par le côté, prend le pupitre avec le missel (et le lectionnaire si le prêtre ne l’a pas déjà apporté côté Évangile). Il se retourne, descend directement du gradin pour se placer au pied des marches, face à la croix. Il génuflecte, toujours en tenant le pupitre avec le missel. L’autre acolyte se relève alors en même temps que lui, puis le premier acolyte monte directement au côté Évangile de l’autel, et pose sur celui-ci le pupitre dirigé vers le prêtre ; il place le lectionnaire à droite du pupitre, puis redescend de l’autel par le côté Évangile et vient se placer « in-plano » à gauche de l’autel. Aux mots « Sancti evangeli secundum », tous font une croix avec le pouce sur leur front, leur bouche et leur cœur. Si dans les premiers mots de l’Évangile se trouvent le mot « Jesu », le premier acolyte s’incline vers le missel à ce mot, avant de retourner à sa place en passant devant le deuxième acolyte qui s’est reculé d’un ou deux pas pour le laisser passer. Sinon il y retourne directement après avoir fait une croix sur son front, sa bouche et son cœur ; l’acolyte 1 génuflecte en passant devant la croix, puis se rend à sa place, et se tourne à nouveau vers le missel. À la fin de la récitation de l’Évangile en latin, le premier acolyte répond « Laus tibi Christe » puis les deux servants se mettent à genoux.
S’il y a une homélie, ou que le prêtre part en chaire pour traduire l’Épître et l’Évangile, les acolytes vont s’asseoir à leur tabouret, situés de part et d’autre de la banquette, ou de la crédence selon les lieux. Lorsque le célébrant revient, ils se relèvent, et reviennent s’agenouiller à leur place sur la première marche. S’il y a un Credo, les acolytes restent à genoux pendant celui-ci.
À l’Orémus de l’Offertoire, les acolytes se lèvent et font la génuflexion au milieu. Le premier acolyte se rend à la crédence tandis que monte directement à droite du prêtre pour plier le voile du calice que celui-ci lui tend, puis il le pose au fond de l’autel, du côté épître. Enfin, il se rend à son tour à la crédence.
L’acolyte 1 prend la burette de vin, l’autre celle d’eau. Ils s’avancent près de l’autel et attendent le prêtre « in-plano ». Chacun tient la burette de la main droite, la main gauche sur la poitrine. Ils tiennent la burette par le dessous, avec le bec verseur vers leur droite et la poignée (s’il y en a une) tournée vers la gauche.
Lorsque le prêtre repose la patène sous le corporal, les acolytes montent sur l’avant-dernière marche, et lorsque le prêtre s’approche, ils le saluent et baisent les burettes. Le premier présente d’abord la burette de vin au prêtre, lorsque celui-ci lui rend, le second présente celle d’eau pour la faire bénir, puis il la donne au prêtre. Quand le prêtre rend la burette d’eau à l’acolyte, chacun baise sa burette, puis ils saluent le prêtre et vont préparer le lavabo à la crédence.
L’acolyte 1 prends le manuterge, et le tient déplié, la croix en bas à sa gauche tandis que le second prend la burette d’eau et le bassin à moins qu’il n’y ait une aiguière (grosse burette utilisée en messe solennelle ou dans les messes basse des prélats) prévue à cet effet, auquel cas il la prendra à la place de la burette. Il tient la burette (ou l’aiguière) dans la main droite de façon à pouvoir verser l’eau dans le bassin qu’il tient dans l’autre main. Les deux acolytes attendent au pied des marches.
Lorsque le prêtre se tourne vers eux, les acolytes montent sur l’avant-dernière marche, et l’acolyte 2 verse lentement de l’eau sur les doigts du prêtre jusqu’à ce que celui-ci relève les doigts. Le prêtre s’essuie les mains dans le manuterge que l’acolyte 1 lui tend. Puis tous font l’inclinaison de tête et les acolytes retournent à la crédence.
Après avoir reposé la burette, le bassin, et le manuterge (qui se pose sur les burettes pour les protéger de la poussière si celles ci n’ont pas de couvercles), l’acolyte 1 prend la clochette dans la main droite, puis les deux acolytes font la génuflexion au milieu de l’autel et retournent s’agenouiller en face des canons de l’autel sur la première marche (ou sur le sol s’il n’y a qu’une marche).
Une fois à genoux à sa place, l’acolyte 1 peut poser devant lui la clochette, sur la marche, de façon à pouvoir la prendre en main facilement.
Le prêtre se tourne pour dire la prière « orate fratres », qu’il termine face à l’autel par le mot « omnipotentem » ; les acolytes disent alors à voix haute le répond « suscipiat dominus », le prêtre récite à voix basse la secrète, puis c’est le début du Canon, la partie la plus importante de la Très Sainte Messe.
Pendant le Canon de la messe, après l’Offertoire, la fonction principale des acolytes consiste à sonner la clochette. C’est au premier acolyte que revient cet office. Il doit donc connaître les 5 moments où il doit sonner la cloche.
Après la secrète, le prêtre lit à haute voix la préface. Puis il récite avec les fidèles et les servants le Sanctus. À chacune des 3 invocations « Sanctus », l’acolyte sonne un coup.
Le prêtre récite ensuite plusieurs prières à voix basse, puis il étend les mains sur les oblats, en disant « Hanc Igitur ». L’acolyte sonne alors 1 coup. Puis, les deux acolytes se lèvent, et montent (directement et sans faire de génuflexion) se mettre à genoux sur la plus haute marche du marchepied, de façon à se placer derrière le prêtre, à sa droite et sa gauche.
À la consécration, l’acolyte sonne un coup de clochettes à chaque génuflexion du prêtre et 3 coups pendant l’Élévation (en certains lieux, on ne sonne qu’un coup à l’élévation). Il agit ainsi pour les deux élévation : celle du Précieux Corps et celle du Précieux Sang. Les deux acolytes inclinent la tête lorsque le célébrant génuflecte et soulèvent légèrement le bas de la chasuble, sans trop la remonter, uniquement pendant l’élévation.
Après la dernière élévation, les acolytes se lèvent, descendent les marches et, font la génuflexion in-plano, puis retournent à leurs places habituelles sur le premier degré des marches (ou sur le sol s’il n’y a qu’une marche). Ils restent ainsi jusqu’à la communion du prêtre au Précieux Sang. À la petite élévation le célébrant élève légèrement l’hostie et le calice. Aux mots « Omnis honor et gloria », l’acolyte sonne un coup de cloche.
Le prêtre récite ensuite le « Pater Noster », puis fractionne l’hostie en trois parcelles, et en laisse tomber une dans le calice.
Le célébrant récite alors l’Agnus Dei avec les fidèles. Puis, après quelques prières, prend l’hostie et la patène, et se frappe la poitrine trois fois de suite en récitant le « Domine non sum dignus ». L’acolyte sonne un coup au premier, deux au deuxième et trois coups au dernier « Domine non sum dignus ».
N.B : ne pas confondre le « Domine non sum dignus » avec l’« Agnus Dei » (après la fraction de l’hostie) au cours duquel le prêtre se frappe aussi trois fois la poitrine.
Lorsque le prêtre a terminé le « Domine non sum dignus », le premier acolyte attend à sa place jusqu’à ce que le célébrant découvre le calice et fasse une génuflexion. Alors il prend la cloche, se lève et se rend directement à la crédence, sans faire aucune génuflexion. Là, il dépose la clochette et prend le plateau de communion. Il rejoint ensuite directement sa place habituelle, à genoux sur le premier degré.
Lorsque le célébrant prend le calice et communie au Précieux sang, le premier acolyte entonne à haute voix et distinctement le « Confiteor ». Les deux acolytes s’inclinent alors en même temps (inclination médiocre de corps). C’est normalement au premier acolyte qu’il revient de réciter seul le Confiteor jusqu’à la fin, au nom de tous les fidèles présents (dans beaucoup d’endroit cependant, les fidèles le récitent avec lui).
Si l’on suivait le code des rubriques de 1960 (dit de saint Jean XXIII), ce confiteor ainsi que les prières « misereatur » et « indulgentiam » sont omis. Cependant comme dans beaucoup d’endroits a été gardé la coutume des trois « confiteor » (celui du prêtre et du choeur lors des prières au bas de l’autel, et celui des fidèles chanté par le diacre ou récité par l’acolyte avant la communion) nous décrivons ici cette façon de faire.
Les deux acolytes restent inclinés jusqu’à ce que le célébrant après s’être retourné, ait fini de dire la prière « Misereatur », puis ils se redressent et se signent lorsqu’il dit la prière « Indulgentiam » bénit l’assemblée d’un signe de croix. Lorsque le prêtre a fini l’« Indulgentiam », les acolytes se lèvent, font la génuflexion au milieu en bas du marchepied, puis montent s’agenouiller sur la marche la plus haute. Ils restent ainsi à genoux et récitent le « Domine non sum dignus » en même temps que le célébrant. Les acolytes communient l’un après l’autre, s’ils le désirent, puis se lèvent, descendent du marchepied et génuflectent au pied des marches. Alors le premier acolyte accompagne le célébrant jusqu’au banc de communion, tandis que l’autre acolyte reprend sa place à genoux sur la première marche de l’autel (ou bien il accompagne à la table de communion un second prêtre pour la distribution de la sainte communion).
L’acolyte, lorsqu’il accompagne le prêtre pour la distribution de la sainte communion, se place à droite du célébrant et soutient le plateau de communion, gardant la main droite à plat sous le plateau. Il dispose le plateau sous le menton de chaque communiant en prenant garde de ne pas donner de coups au visage ou contre le ciboire. Après le dernier communiant, l’acolyte donne le plateau au célébrant et le précède jusqu’à l’autel. Il soulève légèrement l’aube du prêtre s’il y a des marches à monter. Puis il se remet à genoux à sa place.
S’il arrivait que personne dans l’assistance, pas même les servants, ne communient, on ignorerait tout ce qui a été dit depuis le moment ou l’acolyte a posé la cloche sur la crédence, et on ne réciterait ni le « Confiteor » ni les prières qui le suivent.
Après la communion des fidèles, à la fermeture du tabernacle, les acolytes se lèvent, génuflectent au milieu et vont à la crédence pour les ablutions. L’acolyte 1 prend la burette de vin, l’acolyte 2 celle d’eau. Ils attendent « in plano », au côté épître de l’autel. Quand le prêtre incline le calice vers les servants, le premier acolyte vient seul au milieu de l’autel pour verser le vin dans le calice. Puis il va se placer sur le degré en dessous du marchepied dans le prolongement de l’autel où le second acolyte vient le rejoindre.
Pour la seconde ablution, c’est le prêtre qui se rend au coin de l’autel et présente le calice aux acolytes. Chacun leur tour, ils versent le vin et l’eau dans le calice et sur les doigts du célébrant. Après la révérence, ils descendent et posent les burettes à la crédence.
Ils vont ensuite faire la génuflexion au milieu de l’autel. L’acolyte 1 passe devant l’autre et monte directement prendre le missel, l’acolyte 2 monte prendre le voile du calice (sans le déplier) par dessous. Ils changent de côté en génuflectant au mi-lieu de l’autel, in plano. L’acolyte 2 aide le célébrant à disposer le calice en présentant d’abord la bourse ouverte pour que le prêtre y insère le corporal, puis en lui donnant le voile du calice.
Pendant ce temps, le premier acolyte, après avoir posé le missel, prend le ou les plateaux de communion (les ciboires, s’il y en a) et les dépose sur la crédence. Il prend le carton des prières léonines (si celles si sont récitées après la messe) et retourne directement s’agenouiller sur le premier degré, sans génuflecter ni attendre l’autre acolyte. L’acolyte 2 reprend ensuite sa place en faisant le tour du marchepied et s’agenouille directement sans faire non plus de génuflexion au milieu de l’autel.
Les deux acolytes restent ainsi à genoux pendant que le prêtre récite l’antienne de communion et la postcommunion de la messe. Ils reçoivent la bénédiction à cette place. Après la bénédiction, les acolytes se lèvent pour le dernier évangile. Ils restent à leur place et se tournent légèrement en direction du prêtre. Ils répondent à l’introduction faites par le célébrant et le premier acolyte dit « Deo Gratias » à la fin de la récitation de l’Évangile.
À la fin du dernier évangile, pour les prières léonines, les acolytes se mettent à genoux près du prêtre, comme au début de la messe, un ou deux degrés inférieurs à celui du prêtre. Après les prières l’acolyte 1 reçoit le carton, le pose sur la marche devant lui. Puis les acolytes se lèvent, et le premier acolyte va chercher la barrette qu’il donne au célébrant. Les deux acolytes génuflectent avec le célébrant et tous vont à la sacristie.
À la sacristie les acolytes saluent la croix, puis le prêtre. Le prêtre donne alors sa bénédiction aux servants : ils se mettent à genoux, font le signe de croix et répondent « Amen ». Le premier acolyte aide ensuite le prêtre à quitter les ornements.
Alors que leur fonction est achevée, et après avoir rangé ce qui avait été sorti dans le sanctuaire pour la messe, les servants n’oublieront pas de prendre quelques instant pour rendre grâce par une prière privée, car ils ne doivent pas oublier qu’ils ne sont pas acteurs d’une pièce de théâtre, mais qu’ils ont, par leur actions, aidé le prêtre à accomplir la plus grande action qu’il est donné à un humain d’accomplir.
Nous sommes fiers de partager avec vous notre première édition numérique de la revue Esprit de la liturgie, fruit de notre travail depuis 2017.
Cette revue reprend trois articles qui représentent bien notre ligne éditoriale et notre intention de promouvoir la liturgie dans sa continuité avec les textes du Concile Vatican II et avec la Tradition vivante de l’Eglise.
Je vous souhaite une bonne lecture et vous encourage à la partager avec votre entourage, votre paroisse, vos amis prêtres et dans votre diocèse.
Il est fortement recommandé de lire cela sur un ordinateur pour une lecture plus aisée.
Honegger, dans son Dictionnaire de la Musique, donne la définition la plus générale du trope latin et sans doute la meilleure : « Le trope est un développement musical et littéraire d’une pièce de chant liturgique ». Il s’agit donc d’une pièce para-liturgique, comme le sont par exemple les cantiques, que notre confrère Isidore de Kiev a su si bien défendre dans l’article de ce blog qui leur est consacré : nous y reviendrons. Mais ce qui caractérise les tropes est le lien intime, textuel comme musical, avec une pièce de l’ordinaire ou du propre.
1.2. Deux typologies
Les musicologues distinguent volontiers les tropes logogènes, où le texte est premier et la mélodie composée pour le texte ; mélogènes, où le texte est composé pour s’adapter à une mélodie préexistante ; et méloforme, développement purement musical sans ajout de texte. Les jubilus primitifs étaient des tropes méloformes : certains sont passés dans les livres liturgiques, ce sont ces longues phrases sans paroles qui ponctuent les Alléluias grégoriens ; les autres sont tombés hors d’usage.
Les liturges vont peut-être préférer une autre typologie :
Tropes d’adaptation, qui reprennent une mélodie mélismatique1 préexistante en y adaptant des paroles nouvellement composées : c’est le cas de tous les tropes de Kyrie (Orbis Factor, Cunctipotens Genitor, etc.), et de certaines séquences qui utilisent la mélodie de l’Alléluia qui les précède, comme le Veni Sancte Spiritus.
Tropes de développement, qui ont pour fonction essentielle d’allonger la musique d’une pièce aux dimensions de l’action liturgique. On peut ranger dans cette catégorie les versets d’offertoire, sauf si on considère qu’ils font partie de la pièce elle-même (l’auteur ne prendra pas position).
Tropes d’interpolation ou d’encadrement, courtes gloses qui méditent sur le texte d’une pièce ou bien l’expliquent à l’assemblée, en s’insérant entre deux phrases du texte (interpolation) ou bien en l’introduisant ou en le concluant (encadrement). C’est à cette catégorie qu’appartiennent la plupart des tropes d’introït, et c’est ceux-là que nous allons examiner ici.
1 On appelle mélisme une suite de notes chantées sur la même syllabe. On parle alors de style mélismatique, par opposition au style syllabique. Par exemple, les Kyrie sont mélismatiques, les Credo sont principalement syllabiques.
1.3. Vie et mort des tropes
Les tropes sont souvent présentés à tort comme un développement tardif qui a accompagné la dégénérescence du chant grégorien aux 14e et 15e siècles. C’est tout à fait faux : s’ils n’ont pas l’antiquité du chant grégorien lui-même, les manuscrits les plus anciens que nous possédons incluent de nombreux tropes de tous les genres.
Le propre du temps était déjà presque stabilisé dès le milieu du 9e siècle par les efforts de normalisation de Charlemagne. La créativité humaine ayant horreur de l’immobilisme, il est facile d’imaginer qu’une fois le propre gravé dans le marbre les compositeurs ont tout de suite commencé à le développer par des textes et des mélodies nouvelles.
À partir de la fin du 12e siècle, les tropes d’introït vont muter vers une nouvelle forme musicale : le conduit (conductus), dont le nom vient de ce qu’il est destiné à accompagner la procession d’entrée. Il s’agit d’un chant de marche, mesuré, qui tranche avec le rythme très libre et psalmodique des tropes d’introït du haut moyen-âge. Dès cette époque, le lien entre conductus et l’introït qu’il accompagne ou introduit, devient de plus en plus lâche ; en définitive, le conduit deviendra le motetde procession, encore souvent basé sur la mélodie grégorienne. Puis, le motet, de plus en plus complexe et difficile d’exécution, deviendra cantique populaire là où le chœur n’est pas assez expert pour le chanter. C’est à ce stade que le lien avec le répertoire grégorien sera tout à fait perdu.
2. À quoi ressemble un trope d’introït ?
L’œuvre de restauration des tropes à partir des manuscrits grégoriens n’est qu’à peine commencée : le plus bel effort dans ce domaine jusqu’ici a été le travail de Ferdinand Haberl (1906-1985), président de l’institut pontifical de musique sacrée de 1970 à 1981. Son recueil de 86 tropes d’introït, toujours disponible chez ACV Deutschland (6€ + 4€ de port), rassemble les pièces les plus remarquables de ce genre oublié. En voici quelques-unes.
2.1. Oyez, oyez, braves gens !
L’une des fonctions du trope d’introït médiéval est clairement d’obtenir un peu de silence de la part de l’assemblée et de signaler, la cloche étant peut-être insuffisante, le début de la procession d’entrée. Dans la plupart des cas, cette fonction est combinée avec une explication relativement simple de la fête du jour :
(trope) Aujourd’hui, l’Esprit Saint descend sur les apôtres et remplit toute la terre. (trope) Oyez, oyez ! Chantres, dites-leur ! (ant) L’Esprit du Seigneur remplit le globe de la terre, alléluia. (trope) Aujourd’hui, l’Esprit Défenseur remplit toute cette maison de son feu divin ! (ant) Et lui qui contient toutes choses, connait toute parole. (trope) Rendons donc grâces à la sainte Trinité, à l’unique Majesté : (ant) Alléluia, alléluia, alléluia.
Trope Hodie Spiritus Sanctus de l’introït Spiritus Domini de la Pentecôte
2.2. Une méditation chantée
De nombreux tropes forment également une méditation-commentaire d’une grande profondeur, sur les paroles de l’introït lui-même, parfois en s’insérant dans la phrase grammaticale sans jamais en modifier le sens réel. En voici un exemple traduit par l’auteur :
(trope) Époux de l’Église, lumière des nations, qui a consacré le baptême et qui sauves toute la terre : (ant) Voici qu’il vient, (trope) Jésus, dont les rois des nations viennent s’enquérir à Jérusalem chargés de dons mystiques, demandant où est celui qui est né, (ant) Le Seigneur souverain. (trope) Nous aussi, nous avons vu l’étoile : nous aussi, nous savons bien que le Roi des rois est né ! (ant) La royauté est dans sa main, (trope) À lui seul nous rendons l’honneur, la gloire, la louange et le triomphe, (ant) Et la puissance, et la souveraineté.
Trope Ecclesiæ sponsus de l’introït Ecce advenit de l’Épiphanie.
2.3. Une invitation aux fidèles ?
La plupart des tropes s’adressent implicitement à l’assemblée, en appelant son attention (Eia ! Eia !), en lui posant une question rhétorique :
Qui cherchez-vous dans la mangeoire, dites-nous, bergers ? Le Sauveur, le Christ, le Seigneur, comme nous l’a dit l’ange.
Trope Quem quæritis de l’introït Puer natus est du jour de Noël
Ils s’y adressent quelquefois explicitement, y compris pour inviter la foule à se joindre au chant du chœur pour les parties les plus connues de l’introït. À Pâques, par exemple, le trope Resurrexit Dominus et l’antienne d’introït sont entremêlés, et en voici la fin :
(ant) Je suis ressuscité, et je suis toujours avec toi, alléluia, […] (ant) Ta sagesse s’est montrée admirable, alléluia, (trope) Chantons tous, clercs comme laïcs, celui à qui sont louange, honneur et force, (trope) Au Seigneur ressuscité sur son trône céleste, avec le peuple des fidèles : (ant) Alléluia, alléluia.
(ant) Resurrexi et adhuc tecum sum, alleluia […] (ant) Mirabilis facta est scientia tua, alleluia (tropus) Decantemus omnes, clerus atque vulgus, quem laus decet, honor, virtus, (tropus) Resurgenti Domino cum fideli populo in excelso solio : (ant) Alleluia, alleluia.
2.4. Un peu de pub pour la schola
Le plus célèbre des tropes d’introït reste le Gregorius præsul, qui a même l’honneur d’une page Wikipédia. Chanté le premier dimanche de l’avent en introduction de l’introït Ad te levavi, il est exceptionnel en ceci qu’il ne commente pas la fête du jour ou le texte de l’introït, mais parle de l’introït lui-même en tant que pièce musicale, et de tout le Graduel en tant que livre liturgique. On pourrait donc l’appeler un méta-trope.
Grégoire évêque […] rénova l’œuvre des Pères et composa donc ce recueil d’art musical à l’usage des scholæ cantorum au long de l’année. Oyez ! Choristes, chantez avec le psalmiste : Ad te levavi…
Gregorius præsul [..] renovavit monumenta patrum priorum, Tunc composuit hunc libellum musicæ artis Scholæ cantorum anni circuli Eia, paraphonista, dic cum psalmista : Ad te levavi…
La Schola Metensis en a enregistré une variante qu’on peut écouter sur cette page. En voici la partition issue du Graduel de Gaillac, avec la superbe lettrine du Ad te levavi qui le suit :
Peut-on y voir une manière pour la schola d’expliquer ses outils, son rôle et son travail à l’assemblée des fidèles ? L’auteur n’en doute pas.
3. Chanter un trope d’introït au 21e siècle ?
On a déjà écrit que parmi les très (trop ?) nombreuses portes ouvertes par le missel de 1969, on trouvait, dans la troisième forme de la préparation pénitentielle, la possibilité de chanter les antiques tropes de Kyrie ; de même, la permission donnée à l’introduction d’une brève monition au début de la Messe constitue une porte ouverte à l’emploi des tropes d’introït. Nous allons voir comment.
3.1. Dans la forme extraordinaire
Les rubriques du missel de 1962 ne mentionnent pas les tropes d’introït et, d’ailleurs, insistent sur le fait qu’il faut chanter l’introït qui se trouve dans le graduel romain, c’est à dire sans tropes. Cependant, là où un équilibre s’est créé entre fidélité à l’esprit de la liturgie et souplesse vis-à-vis des rubriques, on les chante de temps à autre : par exemple le trope Audite Insulæ pour la nativité de Saint Jean-Baptiste, à Saint-Eugène (Paris). Cela reste contra legem, diront les tridentinistes : tant pis pour eux.
Le choix fait dans cet exemple est de placer la schola dans la procession d’entrée, avec le tropiste en dernier (pour l’occasion confondu avec le chef de chœur). Ce choix a l’avantage d’illustrer le caractère processional du trope d’introït ; il a l’inconvénient de ne pas s’adresser à l’assemblée. En effet, dans le texte du trope comme dans celui de l’introït avec lequel il est entremêlé, c’est Jean Baptiste qui parle aux païens ; la schola tient le rôle de Jean Baptiste, il est assez logique qu’elle s’adresse à l’assemblée aussi bien qu’à Dieu (qui est le premier et principal auditoire, rappelons-le, de toute musique liturgique).
Écoutez, îles de la mer, soyez attentifs, tous les peuples : de loin le Seigneur m’a appelé, dès le ventre de ma mère le Seigneur a appelé mon nom.
Audite, insulæ, et attendite, populi : de longe Dominus ab utero vocabit me, de ventre matris meæ vocabit Dominus nomine meo.
L’aspersion dominicale relègue par contre le trope d’introït, qui ne peut être employé que comme processionnal, aux fêtes hors du dimanche, à moins d’organiser une deuxième procession d’entrée entre l’aspersion et le début de la messe, ce qui ne serait pas sans fondement.
3.2. Dans la forme ordinaire, à l’ancienne
La forme ordinaire fait les provisions rubricales nécessaires pour que le trope d’introït y soit tout à fait licite. La manière de le chanter est la suivante : on commence à chanter dès le début de la procession d’entrée, en chantant le trope et l’antienne d’entrée tels qu’ils sont imbriqués ensemble ; puis on chante le verset, puis on répète l’antienne seule. Si les encensements durent, on continue comme pour toute Messe (vraiment) chantée, en prenant d’autres versets ou un Gloria Patri et en reprenant l’antienne seule. Dans tous les cas, le trope n’est chanté qu’une fois.
Il importe de faire figurer le texte du chant, complètement développé (antienne tropée, verset, antienne non tropée) sur la feuille de Messe, afin de ne pas donner aux fidèles un sentiment de dépossession qui les ferait sortir d’une attitude de participation intérieure au chant de la schola. Ceci présente une difficulté là où le grégorien est si bien ancré, que tous les fidèles ont un missel grégorien et que l’édition de feuilles de Messe est superflue. Il semble clair qu’en 2020, ces endroits sont rares.
Les tropistes devraient, au contraire du chantre, faire face à l’assemblée, à laquelle ils s’adressent explicitement. Les soli étant, en liturgie, idéalement réservés au prêtre, il est bon que les tropistes soient deux ou trois, pas plus, le service du texte du trope nécessitant une certaine rapidité d’exécution peu compatible avec un chœur nombreux. Ils doivent être en tous cas beaucoup moins nombreux que la schola : si on n’a que quatre ou cinq choristes, le tropiste devra être seul. Il importe également que le tropiste soit physiquement distinct de la schola, et même idéalement hors du sanctuaire, afin d’illustrer son rôle para-liturgique et non liturgique. À ce titre, les pupitres d’animateur, délaissés par toutes les bonnes scholas, pourront retrouver une utilité. Il est tout à fait exclu que le tropiste chante depuis l’ambon.
3.3. Comme un mot d’accueil chanté ?
Pour éviter d’avoir à imprimer des feuilles, une solution facile est de plutôt chanter le trope en français. Dans cette option, deux problèmes se posent :
Premièrement, l’alternance entre français et latin au sein de l’introït (étant entendu que l’introït reste en latin ; je ne développe pas le cas de l’introït français, aujourd’hui pratiquement inexistant). Cette alternance est de nature à étonner les fidèles et nuit à la compréhension d’ensemble du texte.
Deuxièmement, l’adaptation nécessaire à la mélodie grégorienne : on risque de devoir faire un choix impossible entre musicalité du trope et qualité de la traduction.
Aussi, si on choisit la voie des tropes en français, le chemin le plus sûr est probablement d’adapter le trope pour lui donner la forme du Gregorius præsul évoqué plus haut : celle, non d’un trope intercalaire, mais d’une introduction chantée, sur le mode grégorien de l’introït qui va suivre immédiatement. On se rapproche alors nettement de la fonction para-liturgique du mot d’accueil (à laquelle, comme on l’a vu, les tropes d’introït antiques ne sont pas étrangers). L’introduction à l’introït en français ne présente que des avantages par rapport au sempiternel mot d’accueil :
Elle n’est pas improvisée mais doit être fixée par écrit, ce qui en augmentera mécaniquement la qualité textuelle dans des proportions dramatiques.
Elle ne met pas en avant la personne du célébrant puisqu’elle est donnée par un groupe de chanteurs anonymes.
Elle supprime le caractère mondain et interpersonnel du mot d’accueil (que ceci soit un avantage sera probablement débattu : l’auteur tient ferme sa position).
Elle est chantée, et chantée sur le ton de l’introït qui suit, ce qui la connecte efficacement à l’action liturgique à laquelle elle est subordonnée.
Curés de tous les pays, cessez d’improviser votre mot d’accueil : vous n’êtes pas des comédiens de one-man-show et vos paroissiens ne seront ni plus ni moins vos amis parce que vous ne leur aurez pas souhaité la bienvenue entre le signe de croix et le Confiteor. Rédigez deux phrases sur le saint du jour ou sur les lectures du dimanche, et confiez-les à votre chantre favori pour qu’il les chante sur le ton de l’introït. Et naturellement, si votre paroisse ne chante pas déjà l’introït, il est temps de vous y mettre par la même occasion.
Il faut le dire sans ambages : le principal venin qui empoisonne la vie ecclésiale en général et la liturgie en particulier à notre époque, c’est le sentimentalisme. Le sentimentalisme aujourd’hui s’immisce partout, s’infiltre partout, déforme tout, défigure tout. Au cours de l’immense majorité des célébrations, c’est le sentimentalisme qui imprègne les chants, l’attitude des ministres comme des fidèles, les choix « décoratifs », les manières de prier, de proclamer la Parole de Dieu, etc. Hélas, il va même jusqu’à déformer l’interprétation du chant grégorien, même dans certains des rares endroits où celui-ci est encore interprété. A la racine du sentimentalisme –qui réduit la vertu théologale de foi en un vague «sentiment religieux»- il y a cette erreur profonde voulant que l’acte de croire repose uniquement sur le « ressenti », par nature subjectif, de nature purement émotionnelle, et marqué par l’instabilité. Ce sentimentalisme envahissant est déjà ancien dans les pratiques cultuelles en Occident. Jusqu’au Moyen-Age, l’art sacré était caractérisé par sa dimension symbolique et hiératique, puisque fondé non sur le sentiment individuel, mais sur l’ordre divin objectif (qui se manifeste à travers le Cosmos et les rythmes de la nature) ainsi que sur l’objectivité des vérités contenues dans la Révélation.
Mais à partir de la Renaissance, cette adhésion à un ordre théologico-cosmique objectif a été peu à peu relégué au second plan. Oubliant imperceptiblement mais non moins réellement cette objectivité, la pratique cultuelle et surtout l’art en Occident commence à cette époque une irrémédiable plongée dans le sentimentalisme. Alors qu’en Orient, à travers l’art de l’icône et la conservation du symbolisme liturgique, la foi se conservait fidèle à la spiritualité des Anciens, l’iconographie occidentale sous influence d’un humanisme païen se caractérise de plus en plus par une glorification, non pas de l’homme divinisé en Dieu et sauvé par la grâce comme dans l’art sacré traditionnel, mais de l’homme en lui-même, avec ses caractéristiques physiques naturelles, ses affects, ses sentiments. Dans une bonne partie de l’iconographie religieuse occidentale postérieure à la Renaissance, la thématique « religieuse » n’est plus l’objet de la composition artistique, mais elle n’est plus qu’un « prétexte » à l’expression de la « créativité » personnelle de l’artiste qui, dès lors, n’hésite pas à s’affranchir des canons traditionnels garantissant l’adéquation entre les formes esthétiques et le fond spirituel. C’est bien cette glorification de la chair et de la psychè –c’est-à-dire, en fait, du sentiment- qui apparaît par exemple dans les fresques ornant la chapelle Sixtine, et plus encore dans les postures théâtrales de la statuaire de l’art baroque, puis dans celle de l’art néo-sulpicien, etc. Peu à peu, de manière insidieuse, la foi objective que l’on reçoit et que l’on transmet humblement est remplacée par le « sentiment religieux » que chaque génération recompose selon les modes et les préférences du moment.
Les dangers du sentimentalisme
Cet envahissement par le sentimentalisme, qui jusqu’ici s’était contenté d’influencer indirectement la spiritualité par le biais de l’art religieux, va connaître à partir des années 1960 une brutale accélération. C’est en effet un véritable tsunami de sentimentalisme qui, à partir de cette époque, va submerger puis engloutir toute la spiritualité, et surtout la liturgie. Alors que les normes rigides édictées dans le sillage de la réforme tridentine avaient jusque-là permis au rite objectif d’être maintenu et au sentimentalisme d’être contenu dans certaines limites, désormais c’est ce sentimentalisme qui va déterminer entièrement la prière liturgique, et ce jusqu’aux formes mêmes du culte. C’est ainsi que l’on verra la disparition dans la quasi-totalité des paroisses du chant grégorien, chant théologique objectif par excellence et que le Concile entendait pourtant réhabiliter ; c’est ainsi que l’on verra la suppression arbitraire de rites, ou l’invention de nouvelles pratiques opérés sur des bases purement subjectives du « ressenti », des goûts et des émotions. Dès lors, la liturgie n’est plus vue comme un patrimoine commun à tous les catholiques, mais comme le lieu où chacun veut exprimer sa « créativité » propre, ses opinions, ses préférences personnelles. Alors qu’une foi fondée sur des principes métaphysiques et théologiques objectifs est un facteur d’unification, le sentiment, lui, par essence subjectif, partisan et individualiste, pousse au contraire à l’éclatement, à la division, et au morcellement infini du corps ecclésial. C’est bien ce que l’on observe dans la plupart des diocèses aujourd’hui, dans lesquels il n’y a pas deux paroisses dans lesquelles la liturgie est célébrée de la même manière, de sorte que la notion –pourtant essentielle- de «communion ecclésiale» apparaît désormais dans la plupart des régions comme une pure fiction, faisant planer de manière permanente sur l’Eglise universelle la menace du schisme et de la dislocation.
Plus que jamais, il faut se poser la question : notre foi se base-t-elle uniquement sur l’émotion, le « ressenti », les « bons sentiments », les « préférences personnelles » ou bien se fonde-t-elle sur des réalités objectives, à savoir les données objectives de la Révélation fondées sur la Tradition et l’Ecriture sainte, la théologie, le droit canon, la liturgie, la spiritualité héritée de la Tradition et confirmée par le Magistère officiel de l’Eglise ? Qui est le mieux placé pour déterminer les formes du culte public de l’Eglise ? Les Pères des premiers siècles, dont certains ont vécu une génération ou deux seulement après la mort des derniers Apôtres, les docteurs, les différents Conciles de l’histoire, ou bien n’importe quel quidam, clerc ou « laïc en responsabilité » du début du XXIe siècle, qui n’a qu’une vision très approximative, très lointaine et très déformée de ce qu’a fait et voulu le Christ ? Sur quelle base fonder une spiritualité profonde, authentique et durable? Il apparaît clairement, par exemple, que la prière des psaumes telle qu’elle nous est proposée par l’Eglise à travers la liturgie des Heures, et qui porte une spiritualité qui a traversé les siècles, soit bien plus nourrissante et durable que certaines formes de dévotion tout entières fondées sur l’émotion, peut-être provisoirement « enthousiasmantes » certes, mais qui ne reflètent que la mentalité éphémère de notre époque et seront considérées comme périmées d’ici trente ans…
La véritable place de la sensibilité
Est-ce à dire que la sensibilité humaine et personnelle ne joue aucun rôle dans l’expérience religieuse ? Bien sûr que non. La sensibilité joue un rôle non négligeable dans la prière liturgique, rôle dont il convient de préciser les contours exacts. Il faut tout d’abord faire remarquer que la négation de la sensibilité que l’on peut trouver dans l’autre erreur qui a fait des dégâts en liturgie, à savoir le rationalisme desséchant, est précisément ce qui provoque, par réaction, le sentimentalisme. Rationalisme et sentimentalisme, en apparence opposés, constituent en réalité deux fléaux qui se nourrissent l’un l’autre, et forment ensemble l’attelage infernal qui détruit depuis plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, la sainte liturgie en Occident. L’erreur profonde constituée par un rationalisme excessif -qu’il se cache sous les traits du rubricisme pré-conciliaire ou d’un cérébralisme progressiste- a déjà été dénoncée par les anthropologues. C’est ainsi que le grand ethnologue Claude Lévy-Strauss affirmait en 1979 que les bouleversements liturgiques que l’on observait à l’époque donnaient l’impression «que l’on appauvrit ou que l’on dépouille la foi religieuse (ou son exercice) d’une très grande partie des valeurs propres à toucher la sensibilité, qui n’est pas moins importante que la raison». La sensibilité, en effet, joue un rôle, et important même. Le véritable rôle de la sensibilité personnelle consiste à permettre à la piété personnelle de se nourrir de la beauté et de la poésie objectives qu’il y a dans le répertoire liturgique légué par la Tradition. Une liturgie qui serait sèche, mécanique, froide et sans beauté ne serait pas réellement et entièrement traditionnelle, quand bien même elle serait célébrée par des communautés se présentant comme « traditionalistes », quand bien même elle serait célébrée dans le strict respect des normes officielles. Le respect des normes est indispensable et constitue la condition sine qua non de l’adéquation d’une célébration avec la foi objective de l’Eglise, mais ce simple respect ne suffit pas: il faut aller plus loin, c’est à dire donner à la liturgie, en s’appuyant toujours sur l’esprit de la Tradition, toute la solennité et la splendeur qui en font cette poésie sacrée et chantée, reflet de la liturgie céleste, si nourrissante pour la vie intérieure. De même qu’une liturgie débordant de sentimentalisme et reposant tout entière sur l’émotion ne saurait véritablement orienter la sensibilité vers sa véritable finalité, qui consiste à permettre au fidèle d’entrer dans le mystère objectif de la Beauté éternelle. Lorsque, par exemple, on écoute avec recueillement l’introit grégorien de la Messe du jour de Noel, ou de celle du jour de Pâques, on « ressent » la joie et la beauté objectives de ce chant, une joie et une beauté qui ont une nature théologique, liée au mystère de l’Incarnation du Verbe, avec toute la dimension mystique et contemplative que cela suppose. Mais pour saisir cette joie et cette beauté, il faut « se hisser » sur un plan supérieur, surnaturel -ce dont tout le monde est capable pour peu d’avoir un regard de foi- dans le cadre d’un processus de purification qui est justement rendu possible par la nature ascétique du chant grégorien, qui, quoique «beau» en lui-même, ne se contente pas de flatter la superficialité de nos sens.
L’un des clés de cette question pourrait être trouvée dans ce passage de la première épître de S. Paul aux Corinthiens qui est chantée au cours de la Messe du dimanche de Pâques: «Aussi célébrons la fête, non avec du vieux levain, ni avec du levain de malice et de perversité, mais avec les pains sans levain de la sincérité et de la vérité» (1 Cor. 5, 7-8). Le rapprochement que fait S. Paul entre les notions de sincérité et de vérité est intéressante pour le sujet qui nous occupe. La sincérité peut être considérée comme le mouvement de l’âme qui, débordant de «bonne volonté», désire se rapprocher de Dieu. Cette «bonne volonté» est aujourd’hui omniprésente chez beaucoup de fidèles. Cependant, comme le dit l’adage populaire, «l’enfer est pavé de bonnes intentions», et c’est pourquoi cette sincérité tombe inéluctablement dans le sentimentalisme et donc manque son objectif, si on oublie son lien essentiel avec la vérité, qui doit demeurer sa véritable finalité. De même, la vérité a besoin d’être mise en rapport avec la sincérité personnelle pour atteindre les fidèles et se «communiquer» à eux. La sensibilité est donc importante dans le sens où elle permet à chaque personne de « saisir » au plus intime d’elle-même la Beauté profonde et authentique qu’il y a dans le rite objectif. Mais ce n’est pas la sensibilité qui détermine entièrement la forme du culte. Partout où cette distinction élémentaire n’est pas faite, on transforme l’expérience religieuse en un simple sentiment subjectif ne reposant sur rien de véritablement vrai dans l’ordre de la réalité objective. Lorsque, au contraire, la sensibilité personnelle s’exprime dans sa juste mesure, c’est-à-dire quand elle consiste, non pas à exercer une tyrannie envahissante sur ce qui doit échapper à ses lois, à savoir le culte, mais en favorisant une attitude intérieure de réceptivité à la Vérité, alors, et alors seulement, elle permet à la vie spirituelle d’être nourrie de vérité et de vraie beauté. Alors, et alors seulement, nous pouvons chanter avec le psalmiste :
«Seigneur, j’aime la beauté de ta maison, et le lieu du séjour de ta gloire »
Situation inédite, non prévue par les rubriques, non envisagée par les cérémoniaires, non anticipée par les coutumiers des différents diocèses ou communautés religieuses… Faire ses Pâques, c’est bien ordinairement recevoir le sacrement de la pénitence et de la réconciliation, ainsi que celui de l’eucharistie ; et c’est « de précepte » ! Et cette année ce sera probablement impossible pour la plupart d’entre nous.
Il faut bien prier pourtant. Et plus que jamais il faut élever vers Dieu notre supplication, comme l’encens lors du sacrifice du soir. Nous savons bien que notre clergé, confiné comme nous offre quotidiennement la messe à nos intentions, « pro populo », (pour le peuple). Nous suivons les célébrations au travers des réseaux internet, de la télévision. Mais être devant un écran, est-ce l’équivalent de se déplacer, se rendre en présence du Christ, Le toucher ? L’entendre parler par le sacramental de la liturgie de la parole ? Quelques-uns d’entre nous auront peut-être l’impression, par le truchement de technologies, de faire de leur mieux dans l’accomplissement de leur devoir envers Dieu, en assistant à une célébration mise en œuvre, à distance, par un autre. Vous avez compris, si je pense que c’est mieux que rien, je pense aussi que ce n’est pas suffisant, surtout à l’approche de la Semaine sainte et de sa liturgie si particulière et si forte. Or, il y a des moyens, en tant que simples laïcs, de mettre en œuvre la liturgie, sans clergé et spécialement dans un contexte familial, la famille étant une Église domestique, une « Ecclesiola ».
D’abord par la célébration des heures. Il faut rappeler que la célébration de l’office divin n’est pas l’apanage des prêtres. Bien au contraire, c’est en quelque sorte le privilège et le devoir du baptisé, qui la célèbre validement, et s’unit ainsi à la prière de l’Église de façon efficace. Il y a en effet quelques phrases qui sont réservées au prêtre (le Dominus vobiscum / « le Seigneur soit avec vous » et la formule trinitaire de bénédiction aux grandes heures). Mais les rubriques prévoient la célébration de cette liturgie des heures sans prêtre, et c’est bien ce que font ordinairement les moniales ou les religieuses de façon générale. Une religieuse par définition n’est pas plus membre du clergé que vous ou moi. Et pourtant, nous connaissons de magnifiques liturgies dans les monastères féminins !
En particulier, pour nourrir la prière la mise en œuvre de la liturgie nocturne est spécialement recommandable. Depuis la réforme liturgique qui a suivi le Concile Vatican II cette liturgie encore appelée « office de lecture » selon le cursus séculier, peut-être, sur concession, célébrée pendant la journée. Lectures bibliques et patristiques avec leur répons, se succèdent, ainsi qu’une psalmodie. Elle a une forme « protracta », c’est à dire « allongée » pour une célébration plus solennelle lors des fêtes de premier ordre. Pendant la semaine sainte, cet office peut prendre – deux fois, le vendredi et le samedi saint – la forme de « Ténèbres », avec un rite tout à fait particulier d’extinction progressive de 15 chandelles, au cours de cette célébration nocturne accolée à l’office des Laudes du matin où 15 psaumes sont chantés, et accompagnée de 9 leçons et 9 répons. C’est hautement traditionnel et pendant des années, ce fut un événement majeur pour la vie des grandes paroisses et des communautés religieuses. Rien n’empêche de mettre ce rite en œuvre chez vous, en famille, pour une prière et une méditation longue les soirs des jeudi saints et vendredi saint. Le problème que nous avons tous est une sorte de lentille déformante sur cette liturgie des heures à cause de la façon dont elle a pu être célébrée lors des (200) dernières années. En outre, l’office divin depuis les années 1970 est surtout compris ou en tout cas conçu avant tout comme une dévotion personnelle du prêtre, qui doit « s’acquitter du bréviaire individuellement ». Or rien n’est plus contraire à l’esprit même de la promulgation du nouvel office divin par Paul VI par sa lettre apostolique Laudis Canticum. C’est un héritage malheureux de la théologie du ministère du prêtre diocésain à la sortie de la grande époque janséniste du XVIIème au XIXème, et dont notre prière publique subit encore aujourd’hui les conséquences malheureuses, si on ne tient pas compte de la tentative de renouveau liturgique du XXème siècle qui a vu son pic de succès entre les deux guerres. Évidemment ce qui est dit ici est également valable pour les grandes heures (laudes et vêpres) pendant toute la grande semaine.
Mais vous l’avez compris, il y a probablement également des moyens plus fructueux de mettre en œuvre une liturgie pascale à partir des grandes célébrations ordinairement sacramentelles du Triduum. L’expérience de la Messe sans sacrement existe dans les usages reçus depuis des années. Rappelons que la participation à la Messe dominicale est de précepte, mais la communion ne l’est pas – sauf à Pâques. On peut donc en tant que laïc envisager d’unir notre prière à celle de l’Église en ces jours saints, même sans prêtre. On ne parlera cependant pas d’ « ADAP » puisque « l’assemblée dominicale en l’absence ou attente de prêtre » sous-entend avant tout… une assemblée, dans une église. On parlera de messe sèche ou « missa sicca » ; c’est un usage qui en cas de nécessité peut être considéré comme légitime, et qui est décrit par Durand de Mende, le grand liturgiste du moyen âge :
[le prêtre] peut, après avoir pris l’étole, lire l’épître et l’évangile, dire l’oraison dominicale et donner la bénédiction : de plus, si par dévotion et non par superstition, il veut dire tout l’office de la messe sans offrir le sacrifice, qu’il prenne tous les vêtements sacerdotaux et qu’il célèbre la messe dans son ordre, jusqu’à la fin de l’offrande, passant outre la secrète, qui appartient au sacrifice. Mais il peut dire la préface, quoiqu’on paraisse y appeler les anges à la consécration du corps et du sang du Christ. Cependant, qu’il ne dise rien du canon, mais qu’il ne passe pas outre l’oraison dominicale et ne dise pas ce qui suit qu’on doit dire à voix basse et en silence ; qu’il n’ait ni calice, ni hostie, et qu’il ne dise ni ne fasse rien de ce qui se dit ou se fait sur le calice ou sur l’eucharistie.
Guillaume Durand de Mende (trad. Ch. Barthélémy), Rational ou Manuel des divins offices de Guillaume Durand, Paris, Louis Vivès, 1854, t. II, p. 13.
Il s’agit simplement de reprendre cet usage qui été longtemps en vigueur et qui est toujours à l’honneur chez les Chartreux. La différence c’est qu’ici, la seule communauté qui y participe est la communauté familiale et non la communauté paroissiale ou religieuse ; et que sans prêtre il n’y a évidemment pas d’ornements liturgiques. N’oublions cependant pas de bien nous habiller…. En utilisant avec application et sérieux les textes que nous donnent l’Église, nous nous unissons à elle dans l’espace et le temps :
« Heureux (…) celui qui prie avec l’Église, qui associe ses vœux particuliers à ceux de cette Épouse, chérie de l’Époux et toujours exaucée ! » (Dom Prosper Guéranger, préface générale à l’Année liturgique).
Tout cela vaudra donc bien mieux que de petites dévotions. On veillera bien sûr à ne pas tomber dans le folklore ou les abus qui ont parfois attiré sur la pratique de cette « messe sèche » une suspicion bien compréhensible. Pour l’anecdote, sachez que l’usage de la messe sèche sous la responsabilité du père de famille est tout à fait courante chez les vieux catholiques qui n’ont plus de clergé. Ce n’est pas fantaisiste.
Concrètement, il s’agit d’omettre tout ce qui relève du sacrifice eucharistique et se cantonner à ce qui relève légitimement du sacerdoce commun des baptisés : tous les chants peuvent y trouver leur place, y compris l’offertoire, puisque c’est un sacrifice de paroles que nous offrons. Le chant de la préface y est légitime, sans le « Dominus vobiscum » / « Le Seigneur soit avec vous » (notons que l’Exsultet, qui n’est finalement qu’une préface largement allongée et solennisée est chantable en cas de nécessité, par un laïc d’après les rubriques du Missale romanum 2002 :
Si vero, pro necessitate cantor laicus Præconium annuntiat, omittit verba Quaprópter astántes vos usque ad finem invitationis, necnon salutationem Dóminus vobíscum.
Si vraiment, par nécessité, un chantre laïc devait annoncer l’annonce de la Pâque, il omet les mots ‘Quaprópter astántes vos’ jusqu’à la fin de l’invitation, ainsi que la salutation ‘Dominus vobiscum’.
On peut en inférer sans difficulté que ce qui est préconisé ici vaut également pour la préface).
On omet donc de la liturgie tout ce qu’il y a entre le Sanctus et le Pater, en n’omettant par contre pas de mettre en œuvre une prière universelle (évidemment avec la forme prévue). Remarquons justement qu’une forme institutionnalisée de ce qui ressemble fortement à une messe sèche existe bel et bien dans le missel romain actuel : c’est la fonction liturgique du vendredi saint. Et c’est justement au cours de cette fonction liturgique que se réalise de façon particulièrement appuyée ce qu’on appelle la « grande prière universelle », qui est l’exercice par excellence du sacerdoce commun (l’oratio fidelium, la prière des fidèles – c’est à dire pas celle du clergé). Il peut être également particulièrement profitable en l’absence de communion sacramentelle, de procéder à une communion spirituelle dont la forme est relativement libre mais dont les grands auteurs spirituels ont proposé de nombreux exemples, qui sont facilement disponibles sur internet.
Évidemment il faut que l’ensemble de la mise en œuvre soit solennelle, et dans un lieu si possible dédié : si la famille ne dispose pas d’un oratoire, c’est probablement le moment de consacrer une pièce ou à défaut d’une partie d’une pièce à la prière et de disposer cet endroit de façon particulière. Il n’est pas difficile de trouver un meuble qui puisse tenir le rôle d’un autel, sur lequel on disposera une croix entourée de chandeliers de part et d’autres et symétriquement, en nombre pairs. Dans certaines maisons on met deux chandeliers pour les féries, quatre pour les fêtes et six pour les premiers ordres (c’est à dire les jours liturgiques où il y a des premières vêpres, et / ou deux lectures et Credo à la Messe). Ces croix et autres images seront bien sûr voilées à compter du 5ème dimanche de Carême, comme le mentionne la rubrique au missel ce jour là, ce qui permettra de mettre en œuvre un rite de dévoilement et d’adoration le vendredi saint, pour la croix et dans la nuit précédant le dimanche de Pâques pour le reste. Ce même jour il faut évidemment s’arranger pour que la Passion soit lue ou mieux chantée, par trois lecteurs, l’un tenant le rôle du Christ (il est légitime que ce soit le père de famille) les deux autres le narrateur et le dernier la « synagogue » (c’est à dire tous les dialogues du texte non proférés par le Christ).
Pour le jeudi saint, il est évident qu’on pourra procéder de même. Notons cependant un point particulier. Le rite du lavement des pieds est extrêmement traditionnel et a deux significations. La première signification est commune si ce n’est connue : c’est le signe de la charité chrétienne, n’insistons pas. Le second est un rite de préconsécratoire lévitique et c’est ce signe qui a prévalu depuis Vatican II ; la réforme liturgique qui a suivi le Concile a en effet voulu l’intégrer à liturgie de la Messe in Coena Domini, avant l’offertoire, pour rappeler solennellement cette signification, qui est pratiquée précisément au moment du mémorial de l’institution de l’Eucharistie et de l’ordre. C’est pour cela que ce rite a été réservé jusqu’à une date très récente à des « hommes choisis » (viri selecti). Pour être plus précis, le Christ met en oeuvre ce rite le soir du jeudi saint, avec les apôtres seuls, parce qu’il procède à leur consécration (épiscopale). Si nous voulons être cohérents, on pourra conserver ce rite seulement si on le sépare de notre messe sèche du jeudi saint afin de le limiter à sa signification de signe de la charité chrétienne. C’était avec cette acception qu’était réalisé ce rite, en dehors de la messe, donc, notamment dans les chapitres de Cathédrale, jusqu’en 1970.
Pour le vendredi saint, étant une messe sèche institutionnalisée, il ne devrait pas se poser plus de questions que cela. Évidemment aucun rite de communion sacramentelle n’est possible. Soulignons que la Congrégation pour le culte divin a introduit une intention de prière supplémentaire à la grande prière universelle qui concerne l’épidémie actuelle.
Pour la Vigile pascale, enfin, il semble vraiment opportun de lui donner le caractère nocturne qui lui sied. Il faut que ce soit long : donc prenons toutes les options possibles et praticables puisque certains autres rites prescrits sont impossibles à réaliser, notamment celui, central, su cierge pascal. Ainsi, il y a sept lectures dans la vigile avant l’épître et l’évangile, n’en omettons aucune. Ces sept lectures peuvent être lues justement à la lumière de cierges ; on peut très bien attendre le Gloria avant de remettre en marche tous les éclairages ; c’est tout à fait traditionnel et cela montre particulièrement bien le passage de la Passion à la Résurrection. Ce sera de plus une expérience particulière et forte notamment pour les plus jeunes, en signifiant de façon marquée l’attente de la lumière de la Résurrection. C’est très facile à faire, ne nous en privons pas. Pour les détails, il faut bien sûr consulter le site « Cérémoniaire » : https://www.ceremoniaire.net/guide/samedi_st/. De la même façon, pour des raisons pastorales, nos curés ont eu tendance à avancer toujours plus tôt l’horaire de cette Vigile, alors même que traditionnellement, cette fonction liturgique s’achève justement au lever du jour. Si c’est faisable, c’est peut-être le moment d’expérimenter, nécessité rétablissant la loi (!) la prière au Christ ressuscité sous le symbole de l’astre levant !
Concluons simplement en nous souvenant que pendant des années, les Chrétiens du Japon ont vécu une vie chrétienne et donc liturgique sans prêtre. Et qu’au moyen de ce qu’il faut bien désigner comme des artifices, – qui ne remplaceront jamais, évidemment la réalité sacramentelle que le Christ a voulu nous laisser comme signe de Sa présence, – nous pouvons passer la mer rouge cette année dans des conditions malgré tout particulièrement favorables. Je prie également pour que tous les chefs de famille prennent au sérieux, pendant cette période de confinement – leur rôle de directeur de la vie spirituelle de leurs proches ; que le père n’abandonne donc pas la responsabilité spécifique qu’il a en cette matière devant Dieu. Les Juifs et les Musulmans ont à nous en remontrer sur cette question précise. Peut-être également que l’appropriation particulière de ces liturgies par les « Ecclesiolae » lors des jours saints, ce qui est rendu nécessaires par les circonstances nous permettront de mieux célébrer, dans nos paroisses l’an prochain, le véritable sens de ces rites qui seront alors rendus à leur expression complète.