Ça y est, le Carême a commencé. Et avec le Carême, son lot de pénitences et de jeûnes, dans l’attente de Pâques. La liturgie prend alors des atours plus sobres : l’orgue se tait (sauf pour accompagner le chant des fidèles), l’autel n’est plus fleuri, les mélodies grégoriennes se font plus suppliantes et l’on supprime le mot en « A », qu’on retrouvera d’une manière spectaculaire lors de la Vigile pascale.
Tout cela est connu (du moins on peut l’espérer). Mais il est une caractéristique intéressante du temps du Carême, moins connue des fidèles et du clergé, décrite dans le Missel romain (ed. Typ. 2002, Carême, I). Voici une traduction officieuse et personnelle de cette description :
Il est fortement recommandé que la tradition du rassemblement de l’Eglise locale, sur le modèle des « stations » romaines soit conservée et promue, surtout pendant le Carême et au moins dans les plus grandes villes et d’une manière adaptée aux situations individuelles.
De tels rassemblements des fidèles, surtout sous la présidence du pasteur du diocèse, peuvent avoir lieu le dimanche, ou en d’autres jours appropriés pendant la semaine, soit sur la sépulture des saints, soit dans les sanctuaires ou églises principales d’une ville, ou même dans les lieux de pélerinage les plus fréquentés du diocèse.
Si une procession précède la Messe célébrée pour un tel rassemblement, les fidèles peuvent, selon les circonstances et conditions locales, se rassembler dans une église mineure ou dans un autre lieu approprié, autre que l’église où la procession se rendra.
Après avoir accueilli le peuple, le prêtre dira une collecte du Mystère de la Sainte Croix, ou celle pour la Rémission des péchés, ou pour l’Eglise, en particulier pour l’Eglise locale, ou l’une des oraisons sur le peuple. Après quoi, on se rend en procession à l’église où la Messe sera célébrée, pendant que l’on chante la litanie des saints. En des endroits appropriés de cette litanie, on peut insérer des invocations au saint patron, ou au saint fondateur, ou aux saints de l’Eglise locale.
Lorsque la procession parvient à l’église, le prêtre vénère l’autel et, selon l’opportunité, l’encense. Puis, en il dit la collecte de la Messe et poursuit celle-ci de la manière habituelle, en omettant les rites initiaux et, selon l’opportunité, le Kyrie.
Une telle pratique se veut donc une restauration de l’usage romain ancien, où la Messe était précédée d’une procession, d’une église à une autre. Le terme « collecte » qui désigne l’oraison d’ouverture de la Messe, vient d’ailleurs de là : le Pape chantait une oraison sur le lieu du « rassemblement » (collecta) de son peuple. De là, tous partaient en procession, en chantant des psaumes et des litanies, jusqu’au lieu où la Messe allait être célébrée. Une telle pratique était courante pendant le Carême, et la procession prenait alors une allure pénitentielle.
Cet usage, d’origine romaine, s’est ensuite transmis à nombre de lieux, en particulier en France. Pour plus d’informations, la lecture de cet article, consacré aux stations de Carême dans la liturgie parisienne, est incontournable : https://schola-sainte-cecile.com/2016/02/17/les-stations-de-careme-dans-lancien-rit-parisien/
Malgré cela, cet usage est tombé en désuétude à peu près partout.
On retrouve un tel schéma dans le missel romain (à ceci près que la procession semble faire partie de la Messe, au lieu de la précéder), qui nous invite à restaurer cette ancienne coutume ; cela permettrait de donner à nos offices quadragésimaux une allure propre à nous exhorter à la pénitence, grâce à l’effort de la procession. Pourquoi ne pas inviter votre curé (voire votre évêque) à mettre en œuvre cet usage ?