Lex orandi – Lex credendi – Ars celebrandi

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Servir l’office chanté des vêpres selon le bréviaire et les rubriques de 1962

Avec les Laudes et les Matines, les vêpres sont l’une de trois heures dites « majeure » du bréviaire romain. Cet office, qui n’est ordinairement plus que récité en privé quotidiennement par les prêtres, est souvent encore chanté au chœur, dans les églises paroissiales, les dimanches et jour de fêtes. Comme pour les autres heures majeures, le chant de l’office des vêpres, s’accompagne de quelques cérémonies liturgiques, plus ou moins solennelles selon la festivité du jour.

Cet office se déroule ainsi : l’introduction est chantée debout, puis on s’assoit pour chanter cinq psaumes encadrés d’une antienne, puis on se lève pour chanter une hymne après une courte lecture (appelée capitule), on chante ensuite le cantique de la Sainte Vierge (ou Magnificat) lui aussi encadré par son antienne propre, pendant ce cantique, on encense l’autel et le chœur ; enfin, le prêtre chante l’oraison finale, et l’office se termine par le chant du Benedicamus Domino.

La solennité des vêpres non pontificales se compte par le nombre de chapiers (de zéro à six) accompagnant l’officiant. Il est à noter que pour les simples féries, là où on chante l’office au chœur, il ne convient pas de l’accompagner de cérémonies particulières ; c’est ce qu’on appelle les vêpres fériales. Nous parlerons dans cet article des vêpres simples, c’est-à-dire sans chapiers.

On ne prépare pour cet office qu’une chape pour l’officiant (ainsi qu’une étole s’il est l’ordinaire du lieu uniquement), les deux cierges des acolytes, allumés comme ceux de l’autel et l’encensoir éteint à la sacristie, avec la navette d’encens.

Le prêtre officiant est accompagné de quatre servants : un thuriféraire, deux acolytes et un cérémoniaire. Ils processionneront dans cet ordre : le thuriféraire en tête, mains jointe, les acolytes marchant côte à côte leurs cierges allumés, le cérémoniaire marchant à la droite du célébrant et relevant la chape de sa main. Pour les grandes solennités (mais cela devrait rester propres aux grandes solennités) le clergé processionne derrière les acolytes. Si la la croix est requise par la présence d’un prélat ou d’une communauté religieuse ou séculière, elle est tenue entre les acolyte ; dans le cas contraire, on s’abstiendra de faire processionner la croix.

En arrivant au pied de l’autel, le thuriféraire se place légèrement à gauche, les acolytes s’écartent et se placent de chaque côté, l’officiant vient se placer au milieu, tandis que le cérémoniaire, toujours à sa droite, fait signe de saluer la croix.

Après la génuflexion, l’officiant, le thuriféraire et le cérémoniaire s’agenouillent au signe du cérémoniaire, tandis que les acolytes vont éteindre leurs cierges après les avoir posés sur la première marche de part et d’autre de l’autel. Ils vont ensuite se mettre debout à leur place autour de la crédence, du côté épître du sanctuaire en génufléctant ensemble face à la croix derrière le célébrant.

Lorsque le célébrant a récité la prière Aperi, Domine, os meum, (cette prière peut, suivant les rubriques de 1960, être remplacée par une autre prière) le cérémoniaire fait lever tout le monde et accompagne l’officiant à la banquette. Il y prend le livre qu’il présente à l’officiant (chaque fois qu’il lui présente, il s’incline profondément de tout son corps avant et après). Celui-ci entonne le Deus in adjutorium, le cérémoniaire ferme alors le livre pour s’incliner vers la croix au Gloria, puis il l’ouvre à nouveau pour l’intonation de la première antienne par l’officiant.

À l’intonation du premier psaume, tous s’asseyent (même le cérémoniaire si c’est l’usage). Suivent alors un enchaînement de cinq psaumes, ayant chacun son antienne chantée avant et après lui. Aux vêpres simples, il n’est pas nécessaire que le cérémoniaire apporte le livre à celui qui doit entonner chaque antienne. Si la coutume existe, on peut la suivre.

Pendant le cinquième psaume, ou si celui-ci est très court, à la fin du quatrième, le premier acolyte se lève et va rallumer les deux chandeliers posés au pied des marches, puis retourne s’asseoir. Le thuriféraire se lève de même et va à la sacristie préparer son encensoir ; il reviendra avec au début de l’hymne.

Deux versets avant le Gloria du cinquième psaume, les deux acolytes se lèvent et viennent se placer devant leurs cierges, après avoir génuflecté ensemble au pied des marches. S’étant incliné vers la croix au Gloria, ils prennent leurs cierges en posant genou à terre, puis ils viennent à la banquette en génuflectant de nouveau au pied de l’autel. Le cérémoniaire les y rejoint, ils s’inclinent. Lorsque le cérémoniaire ouvre le livre, les acolytes se tournent vers lui. Le prêtre chante le capitule et entonne l’hymne, puis les acolytes se tournent vers la banquette, le cérémoniaire ferme le livre, tous s’inclinent et retournent à leur place. Les acolytes passent poser leur cierge de part et d’autre de l’autel sur la première marche.

Après l’hymne, le cérémoniaire présente une troisième fois le missel à l’officiant, qui entonne l’antienne du Magnificat. À la fin de celle-ci, le cérémoniaire vient tenir par la droite la chape de l’officiant, et ils se signent pour le premier verset du cantique. Le cérémoniaire accompagne le prêtre à l’autel, et pendant qu’il monte, appelle le thuriféraire pour l’imposition de l’encens sur le marchepied.

Le cérémoniaire demande la bénédiction (« benedicite pater reverende ») et présente la navette de la main droite en tendant la cuillère de la main gauche (avec baisements), puis il soulève le pan de la chape avec sa main gauche pour qu’elle ne gêne pas l’officiant. Le thuriféraire après avoir présenté l’encensoir, le referme une fois béni, et le donne au cérémoniaire qui lui rend la navette. Le cérémoniaire donne l’encensoir à l’officiant (avec baisements).

L’officiant encense la croix, (et les reliquaires s’il y en a) puis l’autel, et rend l’encensoir au cérémoniaire (qui le tend au thuriféraire) et retourne à la banquette. Le cérémoniaire l’accompagne, puis appelle le thuriféraire qui attendait au bas des marches. Le cérémoniaire encense l’officiant de trois coups doubles, puis rend l’encensoir au thuriféraire, qui va encenser le chœur (du plus digne au plus humble, en terminant toujours par le cérémoniaire et les acolytes), puis les fidèles. S’il y a un salut du Saint Sacrement après les vêpres, on installe l’autel en conséquence. On y place alors l’ostensoir, la clé du tabernacle et les rampes de cierges allumés, ainsi que le tabor si c’est l’usage.

Lorsqu’ils sont encensés, les acolytes se rendent à leurs cierges, et refont la même manœuvre qu’à la fin des psaumes, en s’inclinant au Gloria du Magnificat, et en venant avec leur cierge à la banquette.

Le cérémoniaire se place entre les acolytes qui se tournent vers lui lorsqu’il ouvre le livre après s’être incliné face à l’officiant. Celui-ci chante l’oraison finale, qui est suivie des éventuelles mémoires (aux vêpres, une mémoire est composée d’une antienne, chantée debout, d’un verset et son répond, et d’une oraison) ; puis de nouveau il chante « Dominus vobiscum » ; à ce moment, les acolytes et le cérémoniaire saluent l’officiant, le cérémoniaire retourne à droite du prêtre, et les acolytes avec leurs cierges se placent debout au pied de l’autel comme pour la procession d’entrée.

Après le Benedicamus domino, le thuriféraire, l’officiant et le cérémoniaire rejoignent les acolytes et se mettent en ligne. Au signal du cérémoniaire, tous génuflectent et se retirent à la sacristie (à moins que le Salut du Saint Sacrement suive directement les vêpres, ce qui est très souvent le cas après les secondes vêpres du dimanche en paroisse. Dans ce cas, les acolytes retourneraient poser leur cierge sur la première marche, puis s’agenouilleraient in plano, c’est à dire à même le sol, en même temps que le thuriféraire et le cérémoniaire, au signal de ce dernier. Le salut se déroule comme à l’ordinaire).

Brève histoire du rite romain de la messe (Uwe Michael Lang) — partie VI : La période de formation de la liturgie latine

Suite de la traduction de la série d’articles du père Uwe Michael Lang, C.O., parue dans la revue liturgique Adoremus. On trouvera ici l’original.


Au quatrième siècle, la ville de Rome n’est plus le centre du pouvoir politique, mais sa culture classique conserve une emprise sur les élites de l’Empire romain. À partir du pape Damas (r. 366-384), un effort conscient a été fait pour évangéliser les symboles de la culture romaine pour la foi chrétienne. Une partie de ce projet consistait à christianiser l’espace public par le biais d’un vaste programme de construction qui devait transformer Rome en une ville dominée par les églises[1]. Une autre partie importante de ce projet était la christianisation du temps public ; un cycle de fêtes chrétiennes tout au long de l’année remplaçait les célébrations païennes, comme le montre le depositio martyrum de la Chronographie de 354. Ce calendrier liturgique, que l’on peut dater de l’année 336, commence par la fête de la Nativité du Christ (25 décembre) et énumère les célébrations des martyrs de Rome avec le lieu de la ville où ils étaient commémorés[2].

Le grec occupait une place considérable dans le culte des premières communautés chrétiennes de Rome, et on trouve encore des traces de son usage au milieu du IVe siècle. La formation d’un idiome liturgique latin, qui faisait partie de cet effort de grande envergure, ne peut pas être simplement décrite comme l’adoption de la langue vernaculaire dans la liturgie, si l’on entend par « vernaculaire » le terme « familier ». Le latin du canon, des collectes et des préfaces de la messe était une forme de discours très stylisée, façonnée pour exprimer des idées théologiques complexes, et n’aurait pas été facile à suivre pour le chrétien romain moyen de l’Antiquité tardive. De plus, l’adoption de la latinitas rendait la liturgie plus accessible à la plupart des habitants de la péninsule italienne, mais pas à ceux d’Europe occidentale ou d’Afrique du Nord dont la langue maternelle était le gothique, le celtique, l’ibérique ou le punique.

La canon de la messe

La source la plus importante pour la prière eucharistique romaine primitive est la série de catéchèses d’Ambroise de Milan pour les nouveaux baptisés, datant d’environ 390, connue sous le titre De sacramentis. Ambroise note qu’il suit en tout le  » modèle et la forme  » de l’Église romaine, ce qui implique que la même prière eucharistique qu’il cite était également utilisée à Rome[3]. [Les prières qu’il cite correspondent au noyau du Canon missae ultérieur : la première prière épiclétique demandant la consécration des offrandes eucharistiques (Quam oblationem), le récit de l’institution (Qui pridie), l’anamnèse et l’acte d’offrande (Unde et memores), la prière pour l’acceptation du sacrifice (Supra quae), et la deuxième prière épiclétique pour les fruits spirituels de la communion sacramentelle (Supplices te rogamus)[4].

Le plus ancien témoignage physique disponible du canon, bien que sous une forme quelque peu déformée, est le Missel de Bobbio, une source importante pour la tradition gallicane datant du début du VIIIe siècle. Le texte qui apparaît, avec des variations mineures, dans l’ancien sacramentaire gélasien du milieu du huitième siècle, reflète la pratique liturgique romaine du milieu du septième siècle, si ce n’est plus tôt. Les différences entre la prière eucharistique d’Ambroise et le canon reçu sont beaucoup moins remarquables que leurs similitudes, étant donné que les plus de deux siècles qui les séparent ont été une période de développement liturgique intense et dynamique.

La rhétorique du salut

La prière liturgique est une forme de discours public, et c’est pourquoi, dans l’Antiquité chrétienne, les trois officia (devoirs ou tâches) de la rhétorique classique lui ont été appliqués : la prière liturgique est un moyen d’enseigner la foi (docere) ; la beauté de son langage fait appel au sens esthétique des fidèles (delectare) ; et sa force rhétorique incite les fidèles à une vie vertueuse (movere)[5]. Les prières liturgiques qui nous sont parvenues dans les sacramentaires romains du haut Moyen Âge ont donc été rédigées selon des règles techniques de composition. Le caractère rhétorique de ces textes est évident dans la prière eucharistique citée par Ambroise. Par exemple, la formule de demande « et petimus et precamur »[6] (« nous demandons et prions tous les deux ») est un exemple de doublement du verbe, qui est typique du culte classique (païen). Ce trait stylistique se retrouve également dans la section Te igitur du canon grégorien, mais sans l’allitération : « supplices rogamus ac petimus » (« nous faisons une humble prière et une pétition »).

Un autre exemple de rhétorique efficace dans la prière liturgique est l’accumulation de quasi-synonymes. Chez Ambroise, la requête d’accepter l’oblation est intensifiée par trois épithètes : Dans la prière Quam oblationem du canon grégorien, cette séquence est portée à cinq épithètes :  » Que cette offrande soit agréée, raisonnable, acceptable  » (scriptam, rationabilem, acceptabilem) [7] :  » Laquelle oblation il te plaît, ô Dieu, nous t’en prions, de rendre en toutes choses bénie, approuvée, ratifiée, raisonnable et acceptable  » (benedictam, adscriptam, ratam, rationabilem, acceptabilemque), avec l’ajout notable du terme juridique  » ratus  » ( » ratifié, valide « ).

Les collectes

Les prières présidentielles appelées collectes ont une origine plus tardive que la prière eucharistique et pourraient remonter à la première moitié du Ve siècle. Leur style typique est déjà bien établi dans les premiers exemples qui nous sont parvenus dans le manuscrit de Vérone (également connu sous le nom de « Sacramentaire léonin »), qui date du premier quart du VIIe siècle, mais qui contient des éléments datés de 400 à 560. Le style des collectes est laconique, équilibré et économique dans l’expression ; chaque prière consiste généralement en une seule phrase, même si la syntaxe peut parfois être complexe. Dans son étude des collectes dominicales du Missale Romanum, où sont conservés les matériaux euchologiques les plus anciens du rite romain, Mary Gonzaga Haessly fait la distinction entre une Protasis (prélude), qui est « la base ou l’arrière-plan de la Pétition », et une Apodosis (thème), qui « est, en général, la partie de la Collecte qui exprime le but de la Prière, ou l’objectif vers lequel elle tend »[8]. Cette structure peut être illustrée par l’exemple d’une collecte dominicale déjà contenue dans l’ancien sacramentaire gélasien (milieu du VIIIe siècle). Cette prière est remarquable par sa beauté littéraire et sa richesse théologique :

Dieu tout-puissant, toujours vivant,
qui dans l’abondance de ta bonté
surpasse les mérites et les désirs de ceux qui t’implorent,
répands ta miséricorde sur nous :
pour pardonner ce que la conscience redoute
et donne ce que la prière n’ose pas demander.
Par notre Seigneur…. [9]

Les préfaces

C’est une caractéristique des liturgies occidentales que la préface, considérée à l’origine comme le début de la prière eucharistique, varie selon le temps liturgique ou la fête. Son thème général, qui est la louange et l’action de grâce pour l’économie divine du salut, conduit au cœur du sacrifice eucharistique. La préface correspond à l’appel du célébrant au peuple : « Élevez vos cœurs » (Sursum corda), et présente un ton lyrique distinct. Le grand nombre de préfaces dans les sources romaines anciennes suggère que l’improvisation et la nouvelle composition ont prévalu ici pendant une plus longue durée que pour les autres parties de la messe. L’exemplaire du sacramentaire grégorien, envoyé par le pape Hadrien Ier à Charlemagne à la fin du VIIIe siècle (l’Hadrianum), ne comporte que 14 préfaces, et ce schéma a prévalu au cours du Moyen Âge, lorsque le nombre de préfaces a été strictement limité. Cet élagage était sans doute trop radical, mais il y avait de bonnes raisons à cela : de nombreuses préfaces anciennes sont abondantes dans leur style et leur contenu, et elles introduisent des thèmes idiosyncrasiques qui peuvent nuire à la louange et à l’action de grâce à Dieu, qui marquent l’ouverture de la prière eucharistique. Le Missale Romanum de 1570 compte 11 préfaces, auxquelles plusieurs ont été ajoutées au XXe siècle. Après le Concile Vatican II, le corpus des préfaces a été considérablement élargi pour atteindre 81 dans le Missale Romanum de 1970, et d’autres ont été ajoutées dans les deuxième et troisième éditions typiques[10].

Conclusion

Les quatrième et cinquième siècles constituent une étape cruciale dans le développement de la liturgie latine. Le canon et les prières variables de la messe s’inspirent du style de la prière païenne, mais leur vocabulaire et leur contenu sont typiquement chrétiens, voire bibliques. Leur diction évite l’exubérance du style de prière des chrétiens orientaux, un style que l’on retrouve également dans la tradition gallicane. Beaucoup des premiers recueils sont considérés comme des chefs-d’œuvre littéraires. Christine Mohrmann parle à juste titre de la combinaison fortuite d’un renouvellement du langage, inspiré par la nouveauté de la révélation chrétienne, et d’un traditionalisme stylistique profondément enraciné dans le monde romain[11]. La formation de cet idiome liturgique a contribué de manière significative à l’effort global des dirigeants de l’Église de l’Antiquité tardive pour évangéliser la culture classique. Dans le prochain épisode, j’examinerai la liturgie statique papale, qui a été décisive pour le développement de la forme rituelle de la messe romaine.


Pour les volets précédents de la série « Brève histoire du rite romain de la messe » du Père Lang, voir la premièrela deuxième partiela troisième partie, la quatrième partie et la cinquième partie.


Notes :

  1. See the beautifully illustrated volume by Hugo Brandenburg, Ancient Churches of Rome from the Fourth to the Seventh Century: The Dawn of Christian Architecture in the West, trans. Andreas Kropp, Bibliothèque de l’Antiquité Tardive 8 (Turnhout: Brepols, 2005). 
  2. See Paul F. Bradshaw and Maxwell E. Johnson, The Origins of Feasts, Fasts and Seasons in Early Christianity (Collegeville, MN: Liturgical Press, 2011), 175. 
  3. Ambrose, De sacramentis III,1,5: CSEL 73,40. 
  4. Ambrose, De sacramentis IV,5,21-22; 6,26-27: CSEL 73,55 and 57. The term “canon” seems to have been used first in the sixth century; the oldest known reference to “prex canonica” is Pope Vigilius, Ep. ad Profuturum, 5: PL 69,18. 
  5. See Mary Gonzaga Haessly, Rhetoric in the Sunday Collects of the Roman Missal: with Introduction, Text, Commentary and Translation (Cleveland: Ursuline College for Women, 1938), 5. 
  6. Ambrose, De sacramentis, IV,6,27: CSEL 73,57. 
  7. Ambrose, De sacramentis, IV,5,21: CSEL 73,55. 
  8. Haessly, Rhetoric in the Sunday Collects of the Roman Missal, 13. 
  9. Roman Missal: Renewed by Decree of the Most Holy Second Ecumenical Council of the Vatican, Promulgated by Authority of Pope Paul VI and Revised at the Direction of Pope John Paul II, English translation according to the third typical edition (London: Catholic Truth Society, 2011), Twenty-Seventh Sunday in Ordinary Time. 
  10. See The Prefaces of the Roman Missal: A Source Compendium with Concordance and Indices, ed. Anthony Ward and Cuthbert Johnson (Rome: C.L.V.–Edizioni liturgiche, 1989). 
  11. See Christine Mohrmann, Liturgical Latin: Its Origins and Character: Three Lectures (London: Burns & Oates, 1959). 

« Église militante, connais-toi toi-même  » : le canon romain et l’appel à l’action de l’Église militante ( Ryan T. Ruiz s.l.d.) — Partie II

Note d’Esprit de la Liturgie : Esprit de la Liturgie est heureuse de présenter au public francophone la traduction d’une série d’articles du père Ryan T. Ruiz s.l.d., sur l’histoire du canon romain, parue le 25 oct. et le 28 nov. 2022 dans les colonnes de la revue liturgique américaine Adoremus.
Le père Ryan Ruiz est un prêtre de l’archidiocèse de Cincinnati. Il est actuellement doyen de l’école de théologie, directeur de la liturgie, professeur adjoint de liturgie et des sacrements, et membre du corps enseignant de formation au Mount St. Mary’s Seminary and School of Theology de Cincinnati. Le père Ruiz est titulaire d’un doctorat en liturgie sacrée de l’Institut liturgique pontifical de Sant’Anselmo, à Rome.


Dans sa réflexion sur la « catholicité » de l’Église, le cardinal Henri de Lubac (1896-1991) affirme que « l’Église n’est pas catholique » simplement « parce qu’elle est répandue sur toute la terre et qu’elle peut compter sur un grand nombre de membres » ; en effet, comme il le fait remarquer à juste titre, elle « était déjà catholique le matin de la Pentecôte, lorsque tous ses membres pouvaient être contenus dans une petite pièce ». « Au lieu d’une simple diffusion géographique, la « catholicité » de l’Église s’enracine plutôt dans la communion d’esprit et de cœur partagée par « l’homme nouveau », composé d’individus réunis en un seul Corps, un Corps dont la Tête est le Rédempteur2. Une réflexion similaire est reprise par Romano Guardini qui, dans L’esprit de la liturgie, affirme que la liturgie « n’est pas célébrée par l’individu, mais par le corps des fidèles », qui « n’est pas composé uniquement des personnes qui peuvent être présentes dans l’église », mais « dépasse les limites de l’espace pour embrasser tous les fidèles de la terre « 3.

Dans ce deuxième volet de notre série sur le Canon romain, nous passons d’un examen des fondements historiques du Canon à une discussion des diverses façons dont le Canon rappelle à l’Église militante – les fidèles ici sur terre – les liens de communion partagés aux niveaux local et universel. Cet essai analysera principalement un aspect du Canon qui souligne cette  » catholicité  » de l’Église et de sa liturgie – les prières d’intercession pour l’Église, qui comprennent également le Memento pour les vivants4 – tout en reconnaissant qu’il existe d’autres moments dans le Canon qui peuvent également servir à souligner la catholicité de l’Église5.

Aide souhaitée

La section du Canon traitant des intercessions générales pour les membres vivants de l’Église n’est pas unique à cette forme de la Prière eucharistique. En effet, toutes les Prières eucharistiques – tant dans le Rite romain que dans les Rites occidentaux orientaux et non romains6 – comprennent des commémorations similaires pour les vivants, ainsi que pour les morts.7 Cependant, en examinant ce que nous trouvons dans le Canon romain, nous constatons une certaine spécificité concernant les résultats attendus des requêtes offertes au nom de l’Église. L’aperçu des intercessions pour l’Église commence après que le prêtre ait humblement demandé au « Père très miséricordieux » d' »accepter et de bénir » l’oblation offerte. Une fois cela accompli, le prêtre identifie le premier bénéficiaire du sacrifice offert au Père : « pour votre sainte Église catholique ». Prosper Guéranger note que  » le premier intérêt qui est en jeu, quand on dit la messe, c’est la sainte Église, que rien n’est plus cher à Dieu ; il ne peut manquer d’être touché, quand on parle de son Église « 8.

En effet, les prières offertes au nom de toute l’Église sont quelque chose de bien observé dans la vie des premiers martyrs, dont beaucoup, comme saint Polycarpe (69-155 ap. J.-C.) et saint Fructuosus de Tarragone (mort en 259 ap. J.-C.), ont magnifiquement offert leur vie pour « toute l’Église catholique ».9 Jungmann s’attache à noter les deux marques ecclésiales attribuées à l’Église dans cette section du Canon qui manifestent sa grandeur : « L’Église est sainte ; elle est l’assemblée de ceux qui sont sanctifiés dans l’eau et dans l’Esprit Saint. […] Et elle est catholique ; selon le plan de grâce de Dieu, l’Église est destinée à tous les peuples, et au moment où ce mot a été inséré dans le canon, on pouvait dire triomphalement qu’elle s’étendait effectivement à tous les peuples, toto orbe terrarum « 10.

Et quelle requête offrons-nous au nom de l’Église sainte et catholique de Dieu ? Que le Seigneur Dieu veuille « lui accorder la paix, la garder, l’unir et la gouverner dans le monde entier ». Les deux premiers éléments de la demande – accorder à l’Église la paix (pacificare) et la garder (custodire) – sont tautologiques, bien que le dernier (custodire) fournisse l’expression négative nécessaire du premier (pacificare), indiquant que pour que l’Église soit un ferment pour le monde, elle doit d’abord être protégée des dangers qui se dressent contre elle.11 Mais ce qui est peut-être plus important que ces deux premiers éléments, ce sont les deux derniers dans lesquels il est demandé au Seigneur d’unir et de gouverner son Église, en indiquant l’essence de la « catholicité », du moins dans l’esprit de de Lubac et de Guardini : l’Église doit éviter le poison de la division en se soumettant au Dieu d’amour, qui unit son peuple élu dans un lien familial.

Protéger les bergers…

Les instruments choisis pour favoriser ce lien familial de communion sont ensuite introduits dans notre champ de vision : « Avec ton serviteur N. notre Pape et N. notre évêque « 12 Le mot « papa » – « père » – tiré du grec « πάπας », était initialement utilisé en référence à l’évêque local. Ce n’est qu’à partir du VIe siècle que ce titre affectueux est réservé au nom de l’évêque de Rome, tandis que l’évêque local reçoit un titre différent, apparemment plus formel et plus sacral : « Antistite nostro », « notre évêque » ou « grand prêtre « 13.

L’élément essentiel de la communion à laquelle les fidèles sont appelés, tant avec l’Église locale qu’avec l’Église universelle, se voit ainsi attribuer un cadre de référence immédiat : non seulement avec mon propre évêque, qui occupe la première place dans ma sphère de vie ecclésiale la plus immédiate, mais aussi avec le Souverain Pontife, le papa, dont la mission est de « confirmer les frères ». « C’est ce que l’on retrouve dans d’autres rites où  » ceux par qui l’Esprit de Dieu veut diriger l’Église et la maintenir en tant que société visible  » sont tenus en haut dans les intercessions de l’Église au début de la Grande Prière de la Messe. En outre, les autres Églises particulières en communion avec le Siège apostolique et, par conséquent, avec les autres Églises locales individuelles, sont également prises en considération : « et tous ceux qui, fidèles à la vérité, transmettent la foi catholique et apostolique « 15.

…et les brebis

Bien que les pasteurs de l’Église occupent la première place dans cette section du Canon consacrée à l’intercession, ils le font principalement à la lumière de la mission de leur ministère sacré : nourrir les membres du troupeau qui, eux-mêmes, participent directement à l’offrande sacrificielle. Le Memento des vivants comporte un certain nombre de détails poignants qui rappellent aux fidèles leur statut de cohéritiers du sacerdoce royal de Jésus-Christ. Ce premier Memento, équilibré à la fin du Canon par le Memento pour les morts qui suit, commence par offrir au célébrant un espace pour rappeler toute intention particulière offerte au nom des membres vivants du Corps mystique du Christ : « Souviens-toi, Seigneur, de tes serviteurs N. et N. « 16 Naturellement, lorsque le Canon a commencé à être prononcé à voix basse (la vox secreta) vers le milieu du VIIIe siècle17, l’articulation de ces noms était soit rappelée mentalement par le célébrant, soit prononcée dans la vox secreta par le célébrant, soit chuchotée à son oreille lors des messes où il était entouré d’assistants, comme dans la Missa solemnis18.

Cependant, un aperçu de l’un des objectifs précieux de cette section du Canon peut être glané dans le catéchuménat restauré qui a été demandé par Sacrosanctum Concilium,19 et les Messes rituelles spéciales pour la célébration des Scrutinies qui ont été établies par la suite dans le Missale Romanum actuel.20 Dans ces Messes rituelles, suivant le modèle établi par l’ancien Sacramentaire gélasien (Gelasianum vetus) du VIIIe siècle21 – un document contenant de nombreux détails précieux sur les rites de l’initiation chrétienne – le célébrant est chargé d’insérer les noms des parrains et marraines des élus dans le Canon à ce moment de la Prière eucharistique : « Lorsque le Canon romain est utilisé, dans la section Memento, Domine (Souviens-toi, Seigneur, de tes serviteurs), il y a une commémoration des parrains et des marraines.22 De plus, le Missel prévoit que les noms des parrains et des marraines sont effectivement lus par le célébrant et ne sont pas simplement fournis de manière collective : « Souviens-toi, Seigneur, de tes serviteurs qui doivent présenter tes élus à la sainte grâce de ton baptême, [rubrique : « On lit ici les noms des parrains et des marraines »] et de tous ceux qui sont réunis ici et dont la foi et le dévouement te sont connus.23 La raison pour laquelle on nomme les parrains et les marraines plutôt que les élus est claire : dans le contexte du Canon, les seuls noms mentionnés sont ceux qui appartiennent au sacerdoce royal des baptisés.

Ce concept nous est présenté dans la suite de cette section, où le célébrant parle de la « foi et de la dévotion » des fidèles réunis, pour lesquels le sacrifice est offert. Deux observations peuvent être faites ici. La première est la manière dont le texte latin désigne les fidèles comme « omnium circumstantium », ce qui se traduit en anglais par « all gathered here ». Le terme  » circumstantes  » ou, dans certaines versions anciennes du Canon,  » circum adstantes « , n’a pas pour but d’indiquer que l’on se tient debout en cercle, bien que la position debout ait été la principale posture lors de l’écoute du Canon, comme elle l’est encore en droit universel.24 Ce terme reflète plutôt les anciennes liturgies basilicales, dans lesquelles l’autel se trouvait entre le sanctuaire et la nef,  » de sorte que les fidèles – surtout s’il y avait un transept – pouvaient former un demi-cercle ou un ‘anneau ouvert’ autour de l’autel « .25

Cette idée prend tout son sens lorsqu’elle est mise en relation avec la deuxième idée du Canon qui parle de la manière d’offrir l’oblation, soit par l’intermédiaire du célébrant au nom des circonstants –  » C’est pour eux que nous t’offrons ce sacrifice de louange  » – soit par leur propre connexion spirituelle à l’action directe du célébrant à l’autel –  » ou bien ils l’offrent pour eux-mêmes et pour tous ceux qui leur sont chers « . « 26 Cela nous rappelle la véritable nature de la participation active (actuosa participatio), en ce sens que les fidèles « ne sont pas des spectateurs oisifs, encore moins une foule profane, mais ils sont tous ensemble participants de cette action sacrée par laquelle nous nous tenons devant Toi, ô Dieu ».27 Et ils unissent leurs intentions à celle du prêtre-célébrant, maintenant les liens familiaux de communion non seulement avec leurs coreligionnaires, mais aussi avec « les leurs », leur famille, leurs voisins et leurs amis.

Mission… à accomplir

Dans cette section du Canon où nous avons réfléchi sur la mission de l’Église militante de favoriser la communion à l’intérieur et à l’extérieur des limites de l’espace physique de l’édifice ecclésial, nous nous rappelons les paroles du Saint-Père dans sa récente Lettre apostolique Desiderio Desideravi où il affirme que « l’Incarnation, en plus d’être le seul événement toujours nouveau que l’histoire connaisse, est aussi la méthode même que la Sainte Trinité a choisie pour nous ouvrir le chemin de la communion. La foi chrétienne est soit une rencontre avec Lui vivant, soit elle n’existe pas. La Liturgie nous garantit la possibilité d’une telle rencontre ».28 Le Canon romain, en tant que patrimoine privilégié du Rite romain, nous a donné l’occasion, en tant que membres vivants du Corps du Christ, de faire cette rencontre.

Dans le dernier volet de cette série, nous examinerons comment le Canon peut nous amener à solidifier non seulement notre communion avec les membres de l’Église dans le domaine temporel, mais aussi à solidifier cette communion avec les membres qui se trouvent dans les domaines surnaturels de la purification et de la béatitude.


Lisez la première partie de la série du Père Ruiz sur le Canon romain –  » Église romaine, connais-toi toi-même  » – Le Canon romain et le patrimoine unique du rite romain.

Image Source: AB/Jeffrey Bruno on Flickr

Footnotes

  1. Henri de Lubac, Catholicism: Christ and the Common Destiny of Man, tr. Lancelot C. Sheppard and Elizabeth Englund (San Francisco: Ignatius Press, 1988) 48-49.
  2. De Lubac, Catholicism., 47.
  3. Romano Guardini, The Spirit of the Liturgy, tr. Ada Lane (New York: The Crossroad Publishing Company/A Herder & Herder Book, 1998) 36 [“The Fellowship of the Liturgy”].
  4. Missale Romanum (2002), Ordo Missae nn. 84–85, from the line “in primis, quae tibi offerimus” in the Te igitur section, to the conclusion of the Memento, Domine, famulorum famularumque tuarum.
  5. Two such moments that this essay will not be able to treat include the Anamnesis of the Canon (Ordo Missae n. 92–93, from the Unde et memores, through the conclusion of the Supra quae propitio ac sereno vultu), wherein we identify how the hierarchically established Church (“we, your servants and your holy people”) offers the oblation, and how she likewise does so in view of the types that had been established (Abel, Abraham, Melchizedek), thus foreshadowing Christ and His Paschal Mystery. The other moment is found in the Nobis quoque peccatoribus at the conclusion of the Memento for the dead (Ordo Missae n. 96), wherein the Church Militant’s petition for the clergy and faithful gathered at that Mass to receive God’s pardon and mercy is presented to the Lord.
  6. Specifically, the Mozarabic Rite of Toledo, Spain, and the Ambrosian Rite of Milan, Italy.
  7. Jungmann notes that the practice of inserting particular names and categories of people into the Eucharistic Prayer became solidified in the East in the fourth century, and then became a regular part of the Roman practice by at least the fifth century, as witnessed to by Pope St. Innocent I’s letter to Decentius, the Bishop of Gubbio. Josef Jungmann, The Mass of the Roman Rite: Its Origins and Development, Vol. I, tr. Francis Brunner (Notre Dame: Christian Classics, 1950) 53–54. Cf. Innocent I, Epistula 25, in Patrologia Latina, XX, ed. J.P. Migne (Paris, 1845) 553, 5.
  8. Prosper Guéranger, On the Holy Mass (Farnborough, Hampshire: Saint Michael’s Abbey Press, 2006) 70–71.
  9. Jungmann, The Mass of the Roman Rite, Vol. II, 154: “When Bishop Polycarp of Smyrna (d. 155–156), upon being arrested, begged for a little time to pray, he prayed aloud for all whom he had known and for the whole Catholic Church, spread over the world. Another martyr-bishop, Fructuosus of Tarragona (d. 259), about to be burnt to death, answered a Christian who sought his prayer, saying in a firm voice: ‘I am bound to remember the whole Catholic Church from sunrise to sunset.’” 
  10. Jungmann, The Mass of the Roman Rite, Vol. II, 154. Emphasis original.
  11. Jungmann, The Mass of the Roman Rite, Vol. II, 154.
  12. una cum famulo tuo Papa nostro N. et Antistite nostro N.
  13. G.G. Willis, A History of Early Roman Liturgy: To the Death of Pope Gregory the Great, Henry Bradshaw Society, Subsidia 1 (London: The Boydell Press, 1994) 43; Jungmann, The Mass of the Roman Rite, Vol. II, 155.
  14. Jungmann, The Mass of the Roman Rite, Vol. II, 154.
  15. et omnibus orthodoxis atque catholicae et apostolicae fidei cultoribus.” As Willis notes, “The rightly believing defenders of the Catholic and Apostolic Faith are not the faithful in general, who are prayed for in the first part of this prayer, but the bishops in particular” (Willis, A History of Early Roman Liturgy, 43).
  16. Memento, Domine, famulorum famularumque tuarum N. et N.
  17. See Jungmann, The Mass of the Roman Rite, Vol. II, 104.
  18. Jungmann, The Mass of the Roman Rite, Vol. II, 164.
  19. Sacrosanctum concilium §64.
  20. Missale RomanumIuxta typicam tertiam (2008), Missae rituales, “I. In conferendis sacramentis initiationis christianae. 2. In Scrutinis peragendis.” The Roman Missal, English translation according to the Third Typical Edition: for use in the Dioceses of the United States of America (2011), Ritual Masses, “I. For the Conferral of the Sacraments of Christian Initiation. 2. For the Celebration of the Scrutinies.”
  21. See Liber sacramentorum Romanae Aeclesiae ordinis anni circuli. Sacramentarium gelasianum, ed. Leo Cunibert Mohlberg, Leo Eizenhöfer, Petrus Siffrin, Rerum Ecclesiasticarum Documenta, Series Maior, Fontes IV (Rome: Herder, 1960) 33, n. 195.
  22. See Liber sacramentorum Romanae 33, n.195. A similar allowance is made for Eucharistic Prayers II and III.
  23. See Liber sacramentorum Romanae 33, n.195.
  24. See Jungmann, The Mass of the Roman Rite, Vol. II, 166. In article 43 of the General Instruction of the Roman Missal the universal norm is given, and then the exception for the United States indicated: “The faithful should stand […] from the invitation, Orate, fratres (Pray, brethren), before the Prayer over the Offerings until the end of Mass […]. In the dioceses of the United States of America, they should kneel beginning after the singing or recitation of the Sanctus (Holy, Holy, Holy) until after the Amen of the Eucharistic Prayer […].”
  25. Jungmann, The Mass of the Roman Rite, Vol. II, 166.
  26. “[…] pro quibus tibi offerimus: vel qui tibi offerunt hoc sacrificium laudis, pro se suisque omnibus […].”
  27. Jungmann, The Mass of the Roman Rite, Vol. II, 167.
  28. Francis, Apostolic Letter Desiderio Desideravi (June 29, 2022). English translation from the Vatican website, www.vatican.va/content/francesco/en/apost_letters/documents/20220629-lettera-ap-desiderio-desideravi.html, accessed November 23, 2022.

Rappel à Dieu de Benoît XVI

L’association Esprit de la Liturgie, avec toute l’Église, confie à la miséricorde de Dieu l’âme de notre Pape Émérite, Benoît XVI, en ce jour où elle s’en est allée rejoindre le sein du Père.

Notre association pleure en Joseph Ratzinger un grand théologien, un père spirituel, et l’inspiration de notre propre œuvre en faveur du renouveau de la pensée et de la célébration liturgique. Comme pape, il offrit à l’Église une voie de réconciliation liturgique que nous nous efforcerons toujours de suivre.

Que les Anges de Dieu reçoivent et présentent son âme à la face du Très-Haut. Qu’il repose dans la paix. Que brille sur lui la lumière qui n’a pas de fin.

Esprit de la Liturgie

« Église romaine, connais-toi toi-même » : Le canon romain et le patrimoine unique du rite romain (Ryan T. Ruiz, s.l.d.) — Partie I

Note d’Esprit de la Liturgie : Esprit de la Liturgie est heureuse de présenter au public francophone la traduction d’une série d’articles du père Ryan T. Ruiz s.l.d., sur l’histoire du canon romain, parue le 25 octobre 2022 dans les colonnes de la revue liturgique américaine Adoremus.
Le père Ryan Ruiz est un prêtre de l’archidiocèse de Cincinnati. Il est actuellement doyen de l’école de théologie, directeur de la liturgie, professeur adjoint de liturgie et des sacrements, et membre du corps enseignant de formation au Mount St. Mary’s Seminary and School of Theology de Cincinnati. Le père Ruiz est titulaire d’un doctorat en liturgie sacrée de l’Institut liturgique pontifical de Sant’Anselmo, à Rome.


Lors de leur 22e session tenue le 17 septembre 1562, les Pères du Concile de Trente ont fourni à l’Église l’éclairage suivant concernant le Canon de la Messe : « Les choses saintes doivent être traitées d’une manière sainte, et ce sacrifice [l’Eucharistie] est la plus sainte de toutes les choses. Ainsi, pour que ce sacrifice puisse être dignement et respectueusement offert et reçu, l’Église catholique a institué, il y a de nombreux siècles, le canon sacré. Il est si exempt de toute erreur qu’il ne contient rien qui n’ait une forte saveur de sainteté et de piété et rien qui n’élève à Dieu l’esprit de ceux qui l’offrent. Car il se compose des paroles de Notre Seigneur lui-même, des traditions apostoliques et des pieuses instructions des saints pontifes »[1].

Dans ce bref résumé de la formule liturgique la plus essentielle de l’Église, que le savant Guéranger a décrit comme une « prière mystérieuse » dans laquelle « le ciel s’incline sur la terre, et Dieu descend vers nous »[2], les Pères de Trente ont non seulement reconnu la sainteté du Canon romain, mais aussi les sources sacrées sur lesquelles il a été fondé : notre Seigneur lui-même, ses Apôtres, et les successeurs de ses Apôtres. Dans cette description, nous rencontrons l’herméneutique par laquelle l’Église a toujours abordé la force stabilisatrice des choses liturgiques : la continuité et la tradition.

Dans ce bref essai, le premier d’une série en plusieurs parties sur le Canon romain, nous examinerons brièvement l’historicité du Canon – ses sources – et comment le Canon, comme notre Saint-Père actuel, le Pape François, l’a récemment noté, constitue l’un des  » éléments les plus distinctifs  » du Rite romain et, ainsi, démontre une ligne de continuité entre la Messe dans sa forme actuelle et  » les formes antérieures de la liturgie « [3]. « Le but de ces essais est de nous permettre de mieux apprécier le riche patrimoine que nous avons reçu de nos ancêtres dans la foi, et de nous aider à mieux entrer dans le véritable esprit de la sainte liturgie.

Canon gélasien

Notre étude de l’antiquité du Canon peut commencer par l’une des plus anciennes versions existantes du Canon complet qui se trouve dans l’ancien sacramentaire gélasien (Gelasianum vetus) du VIIe ou VIIIe siècle[4]. [Dans cet ancien sacramentaire, le Canon commence par le dialogue de la préface, suivi d’une forme de préface qui est encore conservée dans le Missel de Paul VI et de Jean-Paul II sous le nom de « Préface commune II » (Praefatio communis II), et dans le Missel de Jean XXIII sous le nom de « Préface commune » (Praefatio communis)[5]. Le Canon se poursuit ensuite par l’incipit familier, Te igitur, et comprend également au moins une indication rubriquée parallèle à celle que l’on trouve dans le Missale Romanum de 1962[6].

Ainsi, il existe des similitudes certaines entre cet ancien exemplaire et le Canon actuel. Cependant, il y a aussi des caractéristiques uniques qui distinguent cette version de celle que nous avons reçue. Par exemple, après avoir prié pour le pape et l’évêque dans le Memento pour les vivants, le Canon gélasien demande également que des prières soient offertes pour le roi et pour tous les habitants du royaume : « Memento, deus, rege nostro cum omne populo  » [7] Une autre caractéristique unique de l’exemplaire du Gelasianum vetus est l’inclusion de saints supplémentaires dans la section Communicantes. Après l’articulation des noms des deux derniers saints énumérés dans le Canon actuel – Cosme et Damien – la version du vieux gélasien demande ensuite l’intercession des saints Denis, Rusticus et Eleutherius, missionnaires à Paris, ainsi que des saints Hilaire, Martin, Augustin, Grégoire, Jérôme et Benoît[8]. On peut supposer qu’avec l’insertion des prières pour le roi et le royaume dans le Memento pour les vivants, et l’inclusion des saints Denis, Rusticus et Eleuthère dans les Communicantes, le Gelasianum vetus reflétait simplement son statut de  » sacramentaire mixte « , un sacramentaire entièrement romain, mais qui commençait aussi à prendre des éléments francs après sa réception au-delà des Alpes[9]. [Une autre caractéristique intéressante du Canon du Gelasianum vetus se trouve dans les mots  » diesque nostros in tua pace disponas  » ( » ordonne nos jours dans ta paix « ) qui occupent une place dans la section Hanc igitur[10]. Bien que cette phrase soit toujours observée dans le missel actuel, Guéranger note que cette section a très probablement été ajoutée aux premiers exemplaires du Canon par St. Grégoire le Grand à l’époque de l’invasion lombarde de l’Italie à la fin du sixième siècle[11]. Ainsi, nous pouvons voir dans cette ancienne version du Canon romain une prière fixe qui admettait néanmoins certains éléments qui aidaient l’Église à répondre aux besoins sociétaux et pastoraux de l’époque.

Canon ambrosien

Bien que la version du Canon trouvée dans le Gelasianum vetus soit l’un des premiers textes complets attestant de l’ancienneté de cette anaphore, l’histoire du Canon remonte en fait à bien plus tôt. Dans les réflexions de saint Ambroise du IVe siècle sur les rites d’initiation célébrés dans son église de Milan, nous trouvons une version encore plus ancienne du Canon qui met en contexte ce que l’on trouve dans le Gelasianum vetus. Comme nous l’observons dans le De sacramentis, une série d’homélies mystagogiques probablement prêchées autour de 391, saint Ambroise n’avait pas peur de préserver les coutumes locales de son Église milanaise, ni d’harmoniser les pratiques liturgiques de Milan avec celles de Rome[12]. Cette ouverture aux coutumes de Rome se reflète dans la partie IV du De sacramentis, où saint Ambroise identifie les mots qu’il utilise pour la prière eucharistique[13].

Bien que le Canon complet ne soit pas illustré dans cette réflexion mystagogique, et que les parties que nous trouvons ne correspondent pas toujours directement à ce que l’on trouve dans la version de l’ancien gélasien, les  » différences « , comme le note G.G. Willis,  » entre le Canon de saint Ambroise et le Canon finalement établi sont moins remarquables que leurs similitudes « [14]. « [14] Les parallèles avec le Canon romain dans De sacramentis sont notés dans les sections suivantes : le Quam oblationem ( » Fais-toi plaisir, ô Dieu, nous te prions, de bénir […. ] « ), le Qui pridie (le début du récit de l’institution), le Unde et memores (le début de l’anamnèse), le Supra quae (la suite de l’anamnèse, faisant référence à Abel, Abraham et Melchisédech) et le Supplices te rogamus (l’épiclèse de la communion demandant que la grâce du sacrement soit reçue par tous ceux qui y participent)[15]. [15]

Si l’on compare le canon du Gelasianum vetus à celui du De sacramentis de saint Ambroise, on constate le resserrement progressif des caractéristiques qui ont contribué au « génie du rite romain ». Willis a résumé ces caractéristiques à travers les idées connexes de Christine Mohrmann et Camilus Callewaert :

 » Le professeur Christine Mohrmann a raison de dire que le Canon gélasien… est, comme l’avait déjà soutenu Mgr Callewaert, une modification stylistique des formes trouvées dans le De sacramentis de saint Ambroise. Sa caractéristique la plus frappante, dit-elle, est l’accumulation de synonymes, et une tendance à amplifier et à rendre le langage plus solennel. Les constructions paratactiques sont remplacées soit par une clause relative, par exemple Fac nobis hanc oblationem par Quam oblationem […], soit par un absolu ablatif, comme lorsque respexit in caelum est remplacé par elevatis oculis in caelum […]. Une autre tendance est l’accumulation de synonymes. C’est là une caractéristique forte de l’euchologie romaine, qui a déjà fait son apparition dans le Canon cité par saint Ambroise, et qui devient beaucoup plus fréquente dans le Canon développé « [16].

Prière centrale

En examinant la question du  » génie  » du Rite Romain, pour utiliser l’expression popularisée par Edmund Bishop[17], nous trouvons dans le Canon une expression unique de la romanità de notre Rite. En suivant la description faite par Bishop des caractéristiques du Rite romain comme étant sa « simplicité, son caractère pratique, une grande sobriété et maîtrise de soi, sa gravité et sa dignité »[18], nous rencontrons ces détails dans la structure du Canon, ainsi que son air rhétorique, théologique et spirituel qui le distingue des anaphores (prières eucharistiques) observées dans les autres Rites de l’Église, tant en Orient qu’en Occident non romain[19].

Alors que l’Église continue à réfléchir sur les réformes liturgiques du Concile Vatican II, et qu’elle prend à cœur la récente exhortation du Saint-Père sur son rôle de  » gardienne de la tradition « , un endroit merveilleux pour commencer cette réflexion sur l’engagement de l’Église dans la continuité et la tradition est cette prière centrale de la Messe qui unit l’Église militante, l’Église souffrante et l’Église triomphante dans le Sacrifice sacerdotal du Fils au Père dans l’Esprit. Dans les prochains épisodes de cette série, nous nous engagerons dans une étude plus approfondie du Canon, de ses diverses caractéristiques, et de la manière dont nous, clergé et fidèles, pouvons profiter de la richesse de cette ancienne euchologie qui occupe toujours une place de choix dans notre Rite romain[20].


Notes:

  1. Council of Trent. Session XXII (September 17, 1562), Ch. 4, in Henrich Denzinger, Enchiridion symbolorum definitionum et declarationum de rebus fidei et morum (Compendium of Creeds, Definitions, and Declarations on Matters of Faith and Morals, 43rd Edition, ed. Peter Hünermann, Robert Fastiggi and Anne Englund Nash (San Francisco: Ignatius, 2012) 418-419, n. 1745. 
  2. Prosper Guéranger, The Liturgical Year, Vol. 1. Advent, tr. Laurence Shepherd (Fitzwilliam, NH: Loreto Publications, 2000) 78. 
  3. Pope Francis, Epistula accompanying the motu proprio Traditionis custodes (16 July 2021). English translation, www.vatican.va/content/francesco/en/letters/2021/documents/20210716-lettera-vescovi-liturgia.html, accessed 17 July 2021. 
  4. Most scholars place the terminus a quo from after the pontificate of Pope St. Gregory the Great (†604) and the terminus ad quem to before the pontificate of Pope St. Gregory II (715-731). See Cassian Folsom, “The Liturgical Books of the Roman Rite,” in Handbook for Liturgical Studies, Vol. I, Introduction to the Liturgy, ed. Anscar Chupungco (Collegeville: Liturgical Press, A Pueblo Book, 1997) 245-314, esp. 248. See also Eric Palazzo, A History of Liturgical Books: From the Beginning to the Thirteenth Century (Collegeville: Liturgical Press/A Pueblo Book, 1998) 45. 
  5. Liber sacramentorum Romanae Aeclesiae ordinis anni circuli. Sacramentarium gelasianum, ed. Leo Cunibert Mohlberg, Leo Eizenhöfer, Petrus Siffrin, Rerum Ecclesiasticarum Documenta, Series Maior, Fontes IV (Rome: Herder, 1960) 183-184, nn. 1242-1243. Henceforward abbreviated as GeV (Gelasianum vetus) with the identifying reference numbers being the margin numbers found in the critical edition. 
  6. This is found in GeV 1244 where we find five signs of the cross rubrically prescribed at the words, “[…] uti accepta habeas et benedicas + haec dona +, haec munera +, haec sancta + sacrificia i[n]libata + […]” (“that you accept and bless + these gifts +, these offerings +, these holy + and unblemished sacrifices +”). This parallels, though does not exactly correspond, what we find in the Missale Romanum of John XXIII (1962), where only three signs of the cross are called for at this point in the Canon, at the words “haec + dona, haec + munera, haec + sancta sacrificia illibata.” In the Missale Romanum of Paul VI and John Paul II, no additional gestures are called for. 
  7. GeV 1244. Interestingly, in referencing the bishop the GeV uses both “antistite” and “episcopo” – “una cum famulo tuo papa nostro illo et antestite [sic] nostro illo episcopo” – instead of only “antistite” as found in the current Canon. 
  8. GeV 1246: “Dionysii[,] Rustici[,] et Eleutherii[,] Helarii[,] Martini[,] Agustini[,] Gregorii[,] Hieronimi[,] Benedicti.” 
  9. Although a sacramentary devised for presbyteral use in the tituli of Rome, especially – as scholars surmise – in the Church of San Pietro in Vinculi (St. Peter in Chains), the Gelasianum vetus nevertheless exhibits elements of cross-pollination with Frankish customs then beginning to abound in the Roman Rite. Cf. Folsom, “The Liturgical Books of the Roman Rite,” 249, and Palazzo, A History of Liturgical Books, 45-46. 
  10. GeV 1247. 
  11. Prosper Guéranger, On the Holy Mass (Farnborough, Hampshire: St. Michael’s Abbey Press, 2006) 81. 
  12. See De sacramentis III, 5, regarding the practice in Milan of the post-baptismal washing of feet: “We are aware that the Roman Church does not follow this custom, although we take her as our prototype, and follow her rite in everything.” English translation from Edward Yarnold, The Awe Inspiring Rites of Initiation: Baptismal Homilies of the Fourth Century (Middlegreen, Slough: St. Paul Publications, 1971) 122. 
  13. De sacramentis IV, 21-22, 26-27. 
  14. G.G. Willis, A History of Early Roman Liturgy: To the Death of Pope Gregory the Great, Henry Bradshaw Society, Subsidia 1 (London: The Boydell Press, 1994) 23. 
  15. Cf. Ibid., 24. See also Uwe Michael Lang, The Voice of the Church at Prayer: Reflections on Liturgy and Language (San Francisco: Ignatius, 2012) 111-113. Here, Father Lang gives a synoptic table outlining more clearly these parallels. 
  16. Willis, A History of Early Roman Liturgy, 27-28. Cf. C. Mohrmann, “Quelques observations sur l’évolution stylistique du canon romain,” Vigiliae Christianae IV (1950) 1-19; C. Callewaert, “Histoire primitive du canon romain,” Sacris Erudiri II (1949) 95-110. 
  17. Edmund Bishop. The Genius of the Roman Rite. Strand (England): The Weekly Register, 1899. 
  18. Ibid., 15. 
  19. In particular, the Gallican and Mozarabic. 
  20. General Instruction of the Roman Missal 365a. Image Source: AB/Tom Erik Ruud/The National Library.

Image Source: AB/Tom Erik Ruud/The National Library.

QUAERITUR : De la position des doigts du prêtre et de la purification

Article original du Père John Zuhlsdorf, posté le 16 août 2013

De la part d’un lecteur : 

Notre prêtre s’applique vraiment à garder son pouce et son index joints une fois qu’il a touché l’hostie. Je me demandais s’il s’agissait d’un geste symbolique, car je n’ai jamais vu nos ministres eucharistiques ou notre diacre se laver les mains ? (Le terme correct est en réalité « ministre extraordinaire de la Sainte Communion », et non « ministres eucharistiques »). Dans mon orgueil et mon jugement, je suis parfois un peu en colère face à leur manque de révérence et je sais que je peux me tromper. Merci et que Dieu vous bénisse.

Tant de personnes ont été blessées et sont blessées, mon ami.

Votre description de ce que fait le prêtre, en gardant ses index et ses pouces ensemble, est cohérente avec ce que les prêtres ont été requis par les rubriques de faire pendant la Messe après la consécration.  Les prêtres sont toujours tenus, dans la forme extraordinaire, de maintenir l’index et les pouces serrés l’un contre l’autre au niveau des « coussinets », pour ainsi dire, afin d’éviter que toute particule reconnaissable qui aurait pu adhérer aux doigts ne tombe à l’extérieur du corporal (la toile de lin carrée étendue sur l’autel sur laquelle reposent le calice et les hosties).  C’est aussi pourquoi, après la consécration, le prêtre devait garder sa main autant que possible sur le corporal.  C’est aussi pourquoi il est bon, pendant la messe, lorsque le calice est découvert, que le prêtre frotte doucement ses doigts et ses pouces l’un contre l’autre sur le calice, afin que les particules tombent dans le calice plutôt qu’ailleurs.  Cela devient une habitude et il n’est pas nécessaire de faire un effort ou de prendre du retard pour le faire.

Ces gestes ne sont pas exigés par les rubriques du Novus Ordo.

C’est une bonne chose à faire de toute façon.

Premièrement, cela a du sens.  Deuxièmement, c’est ce que font les prêtres.

Certains objecteront que cette pratique semble fastidieuse ou même – gasp – scrupuleuse.

Je réponds en disant que les particules reconnaissables restent le Corps et le Sang, l’âme et la divinité du Seigneur.  Je pense que l’Eucharistie mérite notre soin et notre attention.

À plusieurs reprises, j’ai senti une particule rester sur mes doigts, pressée entre les coussinets de mon pouce et de mon index.  Cela peut se produire plus fréquemment lorsque les hosties sont sèches ou ont des bords rugueux ou mal « pressés ».

Je suis un pécheur, mais lorsque je me présenterai devant le Seigneur pour son jugement, il ne me dira pas que j’ai été négligent avec lui pendant la messe.  Honte aux prêtres qui sont négligents.

Pères !  Les gens voient ce que vous faites quand vous êtes là-haut et ce que vous ne faites pas.  Faites attention à l’Eucharistie !  Purifiez bien les vases !  Ne laissez pas des fragments partout !

J’ai eu des sacristains inquiets qui m’ont montré des patènes de calices sur lesquelles il restait des particules.  Pour l’amour de DIEU !  Purifiez soigneusement !

Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne le lavage des mains, poursuivons avec cela pendant un moment ou deux.

Le prêtre – selon l’ancienne façon de faire – devrait se laver les mains avant de vêtir en disant la prière « Da, Domine, virtutem manibus meis ad abstergendam omnem maculam immundam ; ut sine pollutione mentis et corporis valeam tibi servire. … Donne la vertu à mes mains, Seigneur, afin qu’étant purifié de toute tache je puisse te servir sans impureté d’esprit et de corps ».  Hélas, certaines sacristies n’ont pas d’évier, et encore moins de sacraria !  Grrrr.  Ensuite, pendant la messe, il purifie ses doigts après avoir préparé les « dons ».  Dans le nouveau rite, il dit simplement : « Lava me ab iniquitate mea et a peccato meo munda me … Lave-moi de mon iniquité, et purifie-moi de mon péché. » Dans le rite ancien, il récite le Lavabo, tiré du psaume 26. Dans l’ancienne forme du rite romain, il continue, comme je l’ai mentionné ci-dessus, à se laver les doigts après la consécration. Enfin, après la communion et pendant les ablutions, lorsqu’il purifie les vases, il purifie à nouveau le bout de ses doigts. Au cours des ablutions, avant que le vin et l’eau ne soient versés sur les doigts qu’il tient au-dessus de la coupe du calice, il dit : « Corpus Tuum, Domine,… Que ton Corps, Seigneur, que j’ai reçu, et ton Sang que j’ai bu, s’attachent à mes entrailles, et fais qu’aucune tache de péché ne subsiste en moi, qui ai été nourri de ce pur et saint Sacrement…. ».  Tout ce qui a trait à la purification des doigts, des récipients et à la sauvegarde de l’Eucharistie doit être accompli avec une attention sérieuse.

En ce qui concerne, cependant, la révérence du prêtre – vous ne pouvez pas savoir avec certitude ce qu’il a dans son cœur ou dans son esprit.  Vous ne pouvez voir que le reflet extérieur de sa participation intérieure pleine, consciente et active, qui, parce qu’il est le prêtre, doit être exemplaire.  

Le prêtre doit instruire soigneusement le diacre sur la purification des vases.  Malheureusement, la formation que certains diacres permanents ont reçue était… sous-optimale.  Les programmes diaconaux s’améliorent, mais, là pour un certain temps…. damn !

Et s’il y a des ministres extraordinaires, ils doivent bien sûr être instruits avec un soin particulier.

Je vais devoir laisser de côté le fait que je ne pense pas que les non-ordonnés devraient manipuler les vases sacrés à mains nues, et encore moins l’Eucharistie, à moins que ce ne soit absolument nécessaire.  Cela fera l’objet d’une autre diatribe à une autre occasion.

La Guerre du Christ et l’Office de nuit

« L’acte pour l’accomplissement duquel le Christ est venu sur la terre, et que chaque Pâques renouvelle, peut être envisagé sous différents aspects ; mais son aspect le plus général est une guerre, ce combat que saint Paul résume en ces termes : “Ayant dépouillé les principautés et les puissances, il leur a signifié librement sa volonté, après les avoir assujetties à son triomphe.” Car l’esprit du mal s’étant, par sa fourberie, emparé de l’homme et par lui du monde, le Christ est venu pour ravir son empire au père du mensonge, en brisant ses armes, le péché et la mort, et rétablir sur toute créature le règne de Dieu. »

Le père Louis Bouyer a toujours été suspect aux bien-pensants. S’il est aujourd’hui soupçonné de traditionalisme, à cause des vives critiques qu’il a formulées à l’endroit de la réforme liturgique post-conciliaire, à l’époque où il écrit ces lignes dans Le Mystère pascal au début de 1945, il est bien plutôt suspect d’avoir conservé quelque chose du protestantisme dont il s’était converti à peine six ans plus tôt. « On voit bien que vous êtes protestant », lui disait un de ses premiers supérieurs à l’Oratoire : « vous vous intéressez trop à la Liturgie et à l’Écriture ».

Puisque l’Église n’est rien de plus que le prolongement dans le temps de l’action du Christ sous la conduite de l’Esprit Saint, ainsi la mission de l’Église peut-elle être envisagée sous différents aspects ; mais ainsi, également, son aspect le plus général et le plus essentiel est-il celui de cette guerre menée contre l’esprit du mal, le même combat qu’exprime toute la vie du Christ et toute l’action des apôtres. Guerre déjà gagnée par la mort et la résurrection du Chef de l’Église, mais dont une multitude de batailles restent à livrer. Guerre dont l’objet n’est pas l’établissement du règne de Dieu seulement sur les âmes, encore qu’elles soient son principal butin ; mais sur toute créature. La guerre de Dieu, et celle de l’Église, et celle de tout chrétien, est de conquérir toute chose, les âmes, les corps, les bêtes et les plantes, les voitures, les ordinateurs, les champs, les montagnes, les sculptures grecques et les bouteilles d’armagnac ; d’en extirper l’influence des forces du mal, et de les soumettre à la souveraineté du Christ.

Toute créature est un champ de bataille, tout chrétien est un soldat.

Je veux parler aujourd’hui d’un de ces champs de bataille : la nuit. Puisqu’il y a bataille, parlons tactique : quel est l’aspect du terrain ? Quelles sont les positions alliées, les positions adverses, le rapport de force ?

« L’Église s’en moque que [les prêtres soient] aimés, mon garçon. L’Église a besoin d’ordre. Faites de l’ordre à longueur du jour. Faites de l’ordre en pensant que le désordre va l’emporter encore le lendemain parce qu’il est justement dans l’ordre, hélas ! que la nuit fiche en l’air votre travail de la veille – la nuit appartient au diable. » — Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne

La nuit s’étend du coucher au lever du soleil. Elle est précédée du soir, suivie du matin ; elle inclut le crépuscule, où le soleil est caché mais où ses rayons illuminent encore le ciel ; la nuit noire où le monde est plongé dans les ténèbres ; et l’aurore, où le soleil, non encore levé, donne déjà sa lumière.

Dans nos sociétés, l’aurore appartient aux agriculteurs qui branchent la trayeuse à six heures, aux travailleurs pauvres qui prennent le train de banlieue pour Paris à six heures trente, aux boulangers et aux cafetiers qui passent le balai avant de sortir la fournée ou couler les premiers cafés. L’ennemi n’y a pas grande prise, car ceux qui dorment ne pèchent pas, et ceux qui se réveillent sont vainqueurs de leur faiblesse. L’Église loue le Seigneur victorieux à cause du nouveau jour qui s’annonce, avec l’office des Laudes, l’heure la plus eucharistique, c’est à dire qui rend grâce.

Le crépuscule est l’heure de la tentation. Le jour baissant est une occasion de confusion et de dissimulation. C’est l’heure de l’abrutissement devant la télévision ou l’ordinateur, de la recherche de la vaine gloire sur les réseaux sociaux, de la cinquième bière qui transforme l’homme en bête, en somme, l’heure où la vie intérieure est tuée, et Dieu, oublié. L’Église ne s’y trompe pas, qui demande pour ses fidèles, dans l’office des Complies, la force et le courage de résister aux tentations charnelles : « Hostemque nostrum comprime, ne polluantur corpora », repousse notre ennemi, que nos corps ne soient pas souillés. C’est un grand dommage que ces mots trop crus aient été supprimés dans la version moderne du Te Lucis : et pourtant, comme écrit encore Bernanos, « l’Église a les nerfs solides, le péché ne lui fait pas peur, au contraire, elle le regarde en face. »

Quant à la nuit noire : « la nuit appartient au diable. »

Les premières heures de nuit noire sont le temps des plus grandes luttes et des plus grands crimes, l’heure où les mystiques subissent les pires attaques jusque dans leur chair, l’heure où ce monde, soumis à son ténébreux prince, s’entasse dans des lieux presque consacrés au mal. Ensuite, les bons et les méchants s’endormiront, avant que Dieu fasse de nouveau ressurgir son jour.

L’intuition chrétienne sent bien que la simple abstention n’est pas suffisante, qu’elle est une lâche neutralité dans cette grande bataille plus ou moins inconsciente : que se coucher à neuf heures du soir le samedi, quand d’autres vont s’abandonner aux plaisirs du monde jusqu’à deux ou trois heures du matin – même si ce sont des plaisirs moralement neutres ! – n’est pas une réponse adéquate.

Puisque le Christ est avec nous, qui sera contre nous ? L’évidente infériorité numérique des soldats du Christ sur le terrain de la nuit n’est nullement une raison pour le déserter, bien au contraire : il faut conquérir et occuper, surtout dans la plus grande adversité, brebis au milieu des loups. Ainsi, on a vu fleurir, non sans vraie joie, de nombreuses « veillées de prière » un peu partout, surtout les vendredi et samedi soir, qui sont, consciemment ou non, de vrais actes militants, au sens du combat défini dans la première moitié de cet article : que de bien est fait par le simple témoignage de ceux qui renoncent à « sortir » pour aller prier ! Mais pour soumettre la nuit au Christ et en extirper l’influence du mal, il est une arme malheureusement bien négligée : l’Office nocturne.

Il ne s’agit pas d’une arme individuelle, mais bien plutôt d’un canon de gros calibre, du genre qui nécessite plusieurs servants : ces servants doivent être entraînés, et le terrain doit être préparé pour qu’on puisse l’employer ; mais une fois ces conditions réunies, cette arme est redoutable.

Il y faut donc une communauté (pas dans le sens monastique : un groupe d’amis, une paroisse, ou même une poignée d’inconnus font l’affaire : l’Office lui-même fera votre unité. Il est avantageux, mais nullement nécessaire, d’avoir sous la main un prêtre ou un diacre). Il y faut un lieu, un lieu consacré, place forte du camp du Christ, car on ne met pas un canon de gros calibre en première ligne, où il sera pris par l’ennemi, mais on le met derrière une fortification, c’est à dire une église ou un oratoire. Il y faut enfin du chant et le niveau adéquat de solennité dans les cérémonies ; ce qui suppose d’avoir de cet office une connaissance suffisante, donc d’y avoir été formé. Heureusement, les ressources à cet effet abondent, en particulier sur Internet.

L’Office de nuit s’appelle Vigiles dans la tradition bénédictine, Nocturnes dans les rites latins médiévaux, et Matines depuis quelques siècles ; ce nom est un accident de l’histoire, car il évoque le matin, alors qu’il s’agit bien d’un office pour la nuit noire. Lors de la réforme liturgique, il a été renommé Office des Lectures.

L’emploi de l’Office des Lectures selon la Liturgie des Heures réformée par saint Paul VI, en tant que moyen et signe de la conquête du Christ sur la nuit, pose trois problèmes majeurs : premièrement, il n’y a pas de partitions de chants pour le texte de cet office (plus précisément, seule une petite partie des partitions a été publiée) ; deuxièmement, il a été pensé par ses créateurs, à la fin des années 1960, principalement comme un office destiné à la récitation individuelle ; et troisièmement, l’extrême longueur de ses deux ou trois lectures le rend très indigeste, spécialement pour les fidèles laïcs qui participeraient à l’office. La Présentation générale de la Liturgie des Heures, §58, n’envisage que comme une exception (même « très louable ») son chant nocturne, à part dans les monastères.

L’office bénédictin appartient en propre aux bénédictins, même laïcs (tiers-ordre et oblats) ; c’est donc vers les Matines romaines que se tourneront ceux qui veulent combattre par ce moyen les ténèbres de la nuit.

Les Matines romaines comportent, pour la nuit du samedi au dimanche et les nuits précédant les fêtes, le chant du psaume 94, sur l’un ou l’autre d’une dizaine de tons ornés, qui sont parmi les plus anciennes pièces du chant grégorien, en alternance avec une antienne que l’on chante neuf fois au total ; une hymne ; puis trois nocturnes. Un nocturne est composé de trois psaumes et trois lectures chacune suivie d’un répons. Les lectures sont courtes, et les trois lectures d’un nocturne se suivent, de telle sorte que l’assemblage de ces trois lectures est un peu plus long qu’une lecture de la Messe, par exemple. Les répons insérés après chaque lecture sont de longs chants, que tous ceux qui les ont entendus s’accordent à considérer comme les joyaux du répertoire grégorien, plus beaux encore que les graduels et les offertoires de la Messe. Ils permettent à tous de méditer les quelques phrases de la lecture que l’on vient d’entendre, et d’en faciliter la mémorisation.

Au premier nocturne, les trois lectures sont tirées de la Bible, généralement de l’Ancien Testament ; au deuxième nocturne, on lit un commentaire du passage biblique du premier nocturne, par un Père de l’Église, la nuit précédant les dimanches ; la nuit précédant les fêtes, on lit au deuxième nocturne la vie du saint du jour. Le troisième nocturne est consacré à un commentaire de l’Évangile de la Messe du jour.

Sauf aux dimanches de l’Avent et du Carême, la neuvième lecture est suivie, non d’un répons, mais du chant du Te Deum, qui conclut l’office. L’auteur de ces lignes a eu l’occasion de le chanter en paroisse récemment, et de constater que ce chant si beau et si important dans les liturgies latines est très méconnu des fidèles : voici pour eux l’occasion de le réapprendre.

L’ensemble dure environ deux heures : c’est une durée à la mesure de celle de la nuit elle-même : le diable n’en est pas aisément chassé, et sa conquête est un exercice d’endurance dans la veille, « en attendant que se lève sur le monde le Soleil de Justice, le Christ, notre Dieu ». Ceux qui chantent les Matines témoignent des trésors incommunicables qu’il y ont trouvés : venez, et voyez.

Fonction du Cérémoniaire à la messe chantée

On appelle couramment messe chantée, dans la forme extraordinaire du rite romain, une messe solennelle (avec encens) célébrée en l’absence du diacre et du sous-diacre. À l’origine, la messe chantée n’est qu’une messe basse qui n’est ni lue ni dialoguée, mais à laquelle on chante toutes les parties qui ne sont pas lue secrètement. Avec le temps, et grandement encouragée par les liturgistes des derniers siècles, est apparue la messe chantée avec encens.

Cette forme de messe, d’apparition relativement récente, est aujourd’hui la plus répandue, mais également celle où on observe le plus de changements d’une communauté à l’autre, d’un liturgiste à un autre. Cet article s’efforcera de donner les différentes variations de cette messe, selon les règles du Missel Romain de 1962.

Une messe chantée requiert la présence de quatre servants pour accompagner le prêtre : deux acolytes, un thuriféraire dont le rôle est de porter (fero en latin) l’encens (thuris), et un cérémoniaire, auquel ce premier article est directement consacré. Afin de solenniser certaines fête, et pour donner l’opportunité aux garçons de se rapprocher de l’autel, il existe d’autres fonctions qui peuvent être accomplies par des jeunes moins expérimentés, comme les céroféraires (au nombre de 2, 4, ou 6, parfois 8) et le porte-navette. Dans de nombreux lieux, on rajoute un porte-croix, qui se placera entre les deux acolytes lors de la procession d’entrée et de retour à la sacristie.

Le rôle du cérémoniaire est d’assurer l’exécution correcte et digne de la cérémonie ; il veillera donc à ce que les ministres accomplissent convenablement leur rôle, n’hésitant pas à les reprendre discrètement s’ils commettent des erreurs. C’est également à lui que revient la tâche de corriger le prêtre si celui-ci se trompe, et de lui indiquer ce qu’il doit faire si celui-ci a une hésitation. Il veillera de même à la cohésion des mouvements d’ensemble. Pour cela, il claquera des mains un coup à chaque fois que les ministres doivent génuflecter ou se lever, et deux coups pour s’agenouiller. Ce signal doit être assez fort pour être entendu de tous, tout en demeurant discret.

À la sacristie, le cérémoniaire aide le célébrant à revêtir les ornements. Il donne ensuite le signal du départ de la procession. Il marche devant le prêtre si celui-ci est en chasuble, ou à sa droite si celui-ci porte la chape. (c’est d’ailleurs la règle générale lorsque le cérémoniaire accompagne le célébrant). Il aide le prêtre à monter toutes les marches qu’il rencontre en soulevant le bas de l’aube. En entrant dans le cœur, il vient se placer à droite du prêtre au pied des marches, ou à gauche si on chante l’Asperges me. Durant l’aspersion, le cérémoniaire se place toujours à gauche du célébrant en passant toujours devant lui lorsqu’il doit échanger de côté avec le thuriféraire pour se retourner. Il est aspergé à genoux s’il est aspergé juste après l’autel, et debout profondément incliné s’il est aspergé après les fidèles. Lorsque le prêtre est de retour à l’autel après l’aspersion, le cérémoniaire lui présente la feuille pour l’oraison. Le cérémoniaire accompagne le célébrant à la banquette, lui ôte la chape qu’il donne au thuriféraire, et aide le prêtre à revêtir le manipule et la chasuble. Ils retournent alors tous les deux au pied de l’autel.

Le cérémoniaire fait la génuflexion en même temps que le prêtre et s’agenouille à la droite du prêtre, répondant aux prières au bas de l’autel. Après celles-ci, il fait lever tout le monde, et se rend à la gauche du thuriféraire, côté épître en bas des marches, qu’ils montent ensemble après avoir salué le prêtre une fois que le cérémoniaire a reçu la navette du thuriféraire. En haut du marchepied, le cérémoniaire ouvre la navette et donne la cuillère au prêtre (à chaque fois qu’il donne quelque chose au prêtre il embrasse d’abord l’objet puis la main du prêtre). Il demande ensuite au prêtre de bénir l’encens en disant la phrase suivante « Benedicite pater reverende » (bénissez, révérend père) ; lorsque le prêtre la lui rend, il récupère la cuillère (à chaque fois que le prêtre lui donne un objet, il embrasse d’abord la main, puis l’objet). Il rend ensuite la navette au thuriféraire, et celui-ci lui passe l’encensoir. Le cérémoniaire vient se placer à droite du prêtre et lui donne l’encensoir (avec baisements). Il accompagne les mouvements du prêtre, et lui soutient le coude en génuflectant. Si la forme de la chasuble gêne les mouvements du prêtre, il la soutient légèrement pendant l’encensement. L’autel encensé, il reçoit l’encensoir (avec baisements), descends in plano (i.e. en bas des marches) côté épître, se tourne vers le prêtre, et l’encense trois fois deux coups, s’inclinant profondément avant et après. Il rend alors l’encensoir au thuriféraire, et monte au côté épître de l’autel, « au missel », à droite du prêtre.

Le cérémoniaire indique au célébrant de la main droite l’antienne d’introït. Il se signe et s’incline avec lui au Gloria Patri, puis répond au Kyrie. S’il a le temps, il indique au prêtre de s’asseoir. Ils se rendent à la banquette par le chemin le plus bref, sans inclinaison ni génuflexion. Le cérémoniaire arrange la chasuble sur la banquette, à moins que la disposition des lieux rendent cette tache plus facile aux acolytes. Il donne la barrette au prêtre, puis il se place debout face aux fidèles, à la droite du célébrant, ce qui sera sa position habituelle lorsque celui-ci est à la banquette. Au dernier Kyrie, il fait, d’une inclinaison de tête, signe au prêtre de se découvrir et de se lever, et récupère la barrette, et l’accompagne à l’autel pour qu’il y arrive à temps pour le Gloria ou la collecte. Ils retournent à l’autel par le milieu, où le cérémoniaire fait la révérence appropriée à la Croix avec le célébrant avant que celui-ci ne monte à l’autel.

S’il y a un Gloria, le cérémoniaire vient ensuite se placer en bas des marches, légèrement sur la droite, face au troisième cierge. (Si le prêtre n’était pas allé s’asseoir, le cérémoniaire se tourne sur sa droite, puis il descend et fait le tour des marches pour venir à sa place) il fait les inclinaisons de tête vers la Croix pendant le Gloria (aux mots « Deo », « adoramus te », « gratias agimus tibi », « Jesu Christe », « suscipe deprecationem nostram » et « Jesu Christe »). Lorsque le prêtre a fini de réciter le Gloria, ils vont à la banquette, toujours par le chemin le plus court et sans génuflection ou inclinaison. Il fait à la croix d’autel les inclinations profondes qui conviennent pendant le chant du Gloria (en s’inclinant avant vers le prêtre pour qu’il se découvre). À la fin du Gloria, il fait le signe de croix et s’incline vers le prêtre, puis ils retournent à l’autel.

Le cérémoniaire monte au missel et indique au célébrant la collecte, et les éventuelles mémoires. À la fin de la dernière oraison, il descend à la crédence chercher le lectionnaire (si besoin), puis remonte au missel. Si le prêtre souhaite lire la traduction de l’épître à ce moment, le cérémoniaire lui donne le lectionnaire ouvert à la bonne page. Le prêtre récite ensuite le Graduel, l’Alléluia, l’éventuelle séquence ou le trait. Ils vont ensuite s’asseoir comme précédemment. Au début de l’Alléluia (lorsque la schola chante alléluia pour la deuxième fois) ou pendant la séquence ou le trait, il fait signe au prêtre de se lever et l’accompagne à l’autel. Arrivé au pied des marches, il aide le prêtre à les monter, puis appelle le thuriféraire pour imposer de l’encens (qui se déroule exactement comme la première). À la fin de l’imposition, le thuriféraire récupère la navette et garde l’encensoir. Le cérémoniaire prend le missel, et descend se placer au pied des marches à droite du thuriféraire. Lorsque la schola reprend « Alléluia » (ou à la fin de la séquence ou du trait), tous génuflectent au signal du cérémoniaire. Puis, le cérémoniaire monte poser le missel côté Évangile, et redescend à droite du thuriféraire.

Au Dominus vobiscum qui précède l’Évangile, le cérémoniaire récupère l’encensoir dans sa main droite, et monte le présenter au prêtre, avec baisements, pour l’encensement du missel. S’il y a une inclinaison à faire au début de l’Évangile, il attendra cette inclinaison pour redescendre des marches. Il rend ensuite l’encensoir au thuriféraire, et reste ici jusqu’à la fin de l’Évangile. Si le prêtre le lui tend, il récupère le lectionnaire qu’il va poser à la crédence lorsque tous ont fait la génuflexion au pied des marches à son signal.

Il est interdit d’encenser ici le célébrant à la messe chantée (cf Ritus Servandus, VI, 8) ; en effet, le diacre à la messe solennelle encense l’officiant (qui n’est d’ailleurs par toujours le célébrant, mais peut être un prélat assistant à la messe depuis son trône), pour lui rendre grâce de l’avoir missionné pour annoncer l’Évangile. Mais le célébrant qui proclame lui même l’Évangile ne doit pas s’encenser ou se faire lui même encenser, pour se rendre grâce à lui même.

Si le prêtre donne une homélie, le cérémoniaire va s’asseoir à côté de la banquette ou accompagne le prêtre à la chaire. S’il y a un Credo, il vient se placer in-plano face à l’autel, côté épître. Lorsque le prêtre a fini de réciter le Credo, ils vont à la banquette après avoir fait la révérence appropriée au milieu. Le cérémoniaire se met à genoux au chant du « et incarnatus est » si le prêtre a fini de réciter le Credo ; si le prêtre n’est pas encore assis, ils s’agenouillent au pied des marches, sinon, le cérémoniaire s’agenouille à côté de la banquette où le prêtre est assis, après lui avoir fait signe de lui-même s’incliner. Le célébrant assis, le cérémoniaire prend à la crédence le calice et l’apporte à l’autel ; il y déplie le corporal, pose le calice dessus, et rapproche le missel. Puis il retourne à la banquette. S’il n’est pas clerc, il prendra soin d’attraper le calice par le voile pour ne pas le toucher ; on pourra également, en ce cas, laisser le calice posé sur l’autel dès le début de la messe. À la fin du Credo, il fait signe au prêtre de se découvrir et de se lever, puis il l’accompagne à l’autel, où il monte par le milieu.

À l’Oremus de l’offertoire, le cérémoniaire apporte le calice s’il ne l’a pas encore fait (absence de Credo). Puis il plie le voile de calice que lui passe le célébrant, et redescend à sa place. Lorsque le prêtre s’incline sur les oblats (In spiritu humilitatis), le cérémoniaire appelle le thuriféraire pour l’imposition de l’encens, qui se déroule comme au Kyrie. Puis le cérémoniaire rend la navette au thuriféraire, et reçoit l’encensoir qu’il donne au prêtre avec les baisers. Il assiste ce dernier à sa droite pendant l’encensement, soutenant le coude à chaque génuflexion et la chasuble si nécessaire. À la fin de l’encensement de l’autel, le cérémoniaire reçoit du célébrant l’encensoir, descend in-plano, et l’encense de trois coups doubles, s’inclinant profondément avant et après. Ayant rendu l’encensoir au thuriféraire, le cérémoniaire fait le tour des marches, génuflecte au pied de l’autel et monte directement au missel.

Il répond à l’Orate fratres, indique la secrète et les éventuelles autres oraisons au célébrant, puis met le missel à la page de la préface. Le cérémoniaire se tourne vers le thuriféraire au moment opportun pour se faire encenser, le saluant avant et après d’une inclinaison de tête. Quand le célébrant achève la récitation du Sanctus, le cérémoniaire met le missel à la page du Canon.

Pendant le canon, le cérémoniaire reste au missel, tournant les pages quand il le faut. Au Memento des vivants, il se retire légèrement, et se rapproche quand le célébrant étend à nouveau les mains. Au « Quam oblationem », ou plus tard s’il lui faut encore tourner la page avant les paroles de la consécration, le cérémoniaire s’agenouille sur le marchepied. Il soulève légèrement la chasuble du célébrant à chaque élévation, et se relève avec lui après la dernière génuflexion. Il assiste de nouveau le célébrant au missel, tournant les pages quand il le faut. Lorsque le célébrant génuflecte, le cérémoniaire fait de même, soutenant légèrement le coude du célébrant. Au Memento des morts, il se retire comme pour le Memento des vivants. Il reste ainsi au missel jusqu’aux prières précédant la communion.

Au premier Domine, non sum dignus du célébrant, le cérémoniaire descend s’agenouiller in plano au côté Évangile, face à l’Orient. Il reste ainsi jusqu’à l’Indulgentiam qui suit le Confiteor (récité par le 1° acolyte). Quand le célébrant se retourne vers l’autel pour prendre le ciboire, le cérémoniaire et les autres ministres se lèvent. Tous se mettent en ligne au pied de l’autel. Ils génuflectent, montent et s’agenouillent sur le marchepied pour communier. Le cérémoniaire, qui est à l’extrémité côté Évangile, communie le dernier. Il garde le plateau avec lui, se lève et accompagne le célébrant pour la distribution de la communion. Celle-ci achevée, il précède le célébrant à l’autel, lui donne le plateau de communion, et s’agenouille au pied des marches, côté épître.

À la fermeture du tabernacle, il fait signe aux servants de se lever, puis il reste au pied des marches pendant les ablutions. Il monte au côté épître lorsque le 1° acolyte y a déposé le missel, et indique au célébrant l’antienne de communion quand celui-ci vient la réciter. Il reste au missel pendant le Dominus vobiscum puis indique la postcommunion et les éventuelles autres oraisons. L’oraison chantée, il ferme le missel (tranche vers la croix), prend le carton de l’Ite missa est si besoin, et descend par le côté épître le présenter au célébrant.

Quand celui-ci l’a chanté, il génuflecte au milieu et s’agenouille au pied de l’autel. Après avoir reçu la bénédiction, il monte au côté évangile de l’autel. Il est préférable que le cérémoniaire ne tienne pas le canon pendant le dernier évangile, cette fonction étant réservée au sous-diacre. Après avoir répondu Deo gratias, il vient prendre place au pied de l’autel, de telle sorte qu’il soit à la droite du célébrant pour la génuflexion finale. Il précède le célébrant à la sacristie, où il donne le signal du salut à la croix, salue l’évêque si celui-ci est présent, puis le célébrant et demande la bénédiction au plus digne en disant : « Jube domne benedicere« . Il aide enfin le célébrant à quitter les ornements.

Abrégé des fonctions des acolytes à la messe

Une chose est primordiale pour quiconque souhaite assister le prêtre en servant à l’autel, c’est de toujours se rappeler que quoi qu’il fasse, il n’est là que pour permettre au prêtre d’être le plus proche de Dieu, et pour aider ceux qui assistent à la cérémonie à se recueillir par la grandeur, la beauté et la simplicité de la cérémonie.

Pour cela, on aura soin de toujours former convenablement ceux qui sont désignés au service liturgique. Comme nous le demande notre Sainte Mère l’Église, il faudrait dans chaque paroisse avoir un membre du clergé ou un laïc accoutumé à ces tâches, pour apprendre aux fidèles et particulièrement aux enfants à servir correctement et dignement. Cet article donne ici quelques règles qu’il convient d’apprendre et de mettre en pratique pour bien servir la messe lue à deux servants (dans l’usus antiquor du rite romain). Comme souvent, ces règles liturgiques sont à adapter en fonction des coutumes locales et des circonstances. Il peut notamment y avoir quelques légères variantes selon le temps liturgiques.

La messe basse à deux servants

A l’heure du début de la cérémonie, les acolytes saluent la croix de la sacristie, et précèdent le prêtre jusqu’à l’autel. En entrant dans l’église, ils prennent de l’eau bénite et le premier acolyte en présente au prêtre, puis ils font le signe de croix. Ils soulèvent légèrement le bas de l’aube du prêtre pour l’aider à monter les marches s’il y en a.

En arrivant à l’autel, le premier acolyte est à droite (côté épître), le second à gauche du célébrant. Le premier acolyte va alors récupérer la barrette du célébrant. Les acolytes font une génuflexion pendant que le prêtre fait la révérence convenable (génuflexion si le saint sacrement se trouve dans le tabernacle de l’autel, sinon il fait une inclinaison profonde à la croix). Puis ils aident le prêtre à monter les marches en soulevant le devant de l’aube (pas la soutane). Le premier acolyte va déposer la barrette du prêtre à la banquette ou sur la crédence, puis il revient à sa place. Les deux acolytes se mettent alors à genoux in-plano (c’est-à-dire directement sur le sol) pendant que le célébrant dispose le calice sur l’autel et ouvre le missel.

Les servants répondent au célébrant quand celui-ci récite les prières au bas de l’autel ; ils peuvent s’aider d’un missel pour répondre aux prières même s’il est louable de les connaitre par cœur. Ils se tiennent à genoux, droit, face à l’autel, les mains jointes devant la poitrine. Au cours de la récitation des prières ils font les inclinations de la tête et se signent en même temps que le célébrant (signe de croix avant et après le psaume « Judica me » et à « l’Indulgentiam », inclination profonde de tête au « Gloria Patri » du psaume « Judica me » ainsi que pendant les versets et répons précédant « l’Indulgentiam ».

À la fin du Confiteor du prêtre, les acolytes se tournent vers lui et s’inclinent (en courbant légèrement le dos) pour réciter le « Miserereátur » ; quand le prêtre a répondu « Amen », ils se tournent vers l’autel, profondément inclinés, pour réciter le « Confiteor ». Aux mots : « et tibi pater » et « et te pater », ils se tournent vers le célébrant, puis ils se redressent à l’lndulgentiam en faisant le signe de croix.

À la fin des prières au bas de l’autel les acolytes aident le prêtre à monter en soulevant légèrement l’aube tout en restant à genoux jusqu’à ce que le célébrant soit sur le marchepied (le marchepied est la plus haute marche.)

Ils se lèvent alors, s’écartent légèrement pour venir s’agenouiller sur le premier degré (la première marche)en face du Canon de l’autel. Chacun prend sa place directement sans faire de génuflexion au milieu. Ils restent à cette place jusqu’au mouvement d’Évangile et répondent au prêtre. Ils récitent le Kyrie avec les fidèles, et le Gloria (s’il y a lieu) avec le prêtre. Le premier acolyte répond « Deo Gratias » à la fin de l’Épître.

Lorsque le prêtre commence à réciter l’alléluia, le Trait, ou au milieu de la séquence ou de la prose, le premier acolyte se lève et vient se placer « in-plano » coté Épître, tourné vers le prêtre. Lorsque le prêtre se place au milieu de l’autel, le premier acolyte monte à l’autel par le côté, prend le pupitre avec le missel (et le lectionnaire si le prêtre ne l’a pas déjà apporté côté Évangile). Il se retourne, descend directement du gradin pour se placer au pied des marches, face à la croix. Il génuflecte, toujours en tenant le pupitre avec le missel. L’autre acolyte se relève alors en même temps que lui, puis le premier acolyte monte directement au côté Évangile de l’autel, et pose sur celui-ci le pupitre dirigé vers le prêtre ; il place le lectionnaire à droite du pupitre, puis redescend de l’autel par le côté Évangile et vient se placer « in-plano » à gauche de l’autel. Aux mots « Sancti evangeli secundum », tous font une croix avec le pouce sur leur front, leur bouche et leur cœur. Si dans les premiers mots de l’Évangile se trouvent le mot « Jesu », le premier acolyte s’incline vers le missel à ce mot, avant de retourner à sa place en passant devant le deuxième acolyte qui s’est reculé d’un ou deux pas pour le laisser passer. Sinon il y retourne directement après avoir fait une croix sur son front, sa bouche et son cœur ; l’acolyte 1 génuflecte en passant devant la croix, puis se rend à sa place, et se tourne à nouveau vers le missel. À la fin de la récitation de l’Évangile en latin, le premier acolyte répond « Laus tibi Christe » puis les deux servants se mettent à genoux.

S’il y a une homélie, ou que le prêtre part en chaire pour traduire l’Épître et l’Évangile, les acolytes vont s’asseoir à leur tabouret, situés de part et d’autre de la banquette, ou de la crédence selon les lieux. Lorsque le célébrant revient, ils se relèvent, et reviennent s’agenouiller à leur place sur la première marche. S’il y a un Credo, les acolytes restent à genoux pendant celui-ci.

À l’Orémus de l’Offertoire, les acolytes se lèvent et font la génuflexion au milieu. Le premier acolyte se rend à la crédence tandis que monte directement à droite du prêtre pour plier le voile du calice que celui-ci lui tend, puis il le pose au fond de l’autel, du côté épître. Enfin, il se rend à son tour à la crédence.

L’acolyte 1 prend la burette de vin, l’autre celle d’eau. Ils s’avancent près de l’autel et attendent le prêtre « in-plano ». Chacun tient la burette de la main droite, la main gauche sur la poitrine. Ils tiennent la burette par le dessous, avec le bec verseur vers leur droite et la poignée (s’il y en a une) tournée vers la gauche.

Lorsque le prêtre repose la patène sous le corporal, les acolytes montent sur l’avant-dernière marche, et lorsque le prêtre s’approche, ils le saluent et baisent les burettes. Le premier présente d’abord la burette de vin au prêtre, lorsque celui-ci lui rend, le second présente celle d’eau pour la faire bénir, puis il la donne au prêtre. Quand le prêtre rend la burette d’eau à l’acolyte, chacun baise sa burette, puis ils saluent le prêtre et vont préparer le lavabo à la crédence.

L’acolyte 1 prends le manuterge, et le tient déplié, la croix en bas à sa gauche tandis que le second prend la burette d’eau et le bassin à moins qu’il n’y ait une aiguière (grosse burette utilisée en messe solennelle ou dans les messes basse des prélats) prévue à cet effet, auquel cas il la prendra à la place de la burette. Il tient la burette (ou l’aiguière) dans la main droite de façon à pouvoir verser l’eau dans le bassin qu’il tient dans l’autre main. Les deux acolytes attendent au pied des marches.

Lorsque le prêtre se tourne vers eux, les acolytes montent sur l’avant-dernière marche, et l’acolyte 2 verse lentement de l’eau sur les doigts du prêtre jusqu’à ce que celui-ci relève les doigts. Le prêtre s’essuie les mains dans le manuterge que l’acolyte 1 lui tend. Puis tous font l’inclinaison de tête et les acolytes retournent à la crédence.

Après avoir reposé la burette, le bassin, et le manuterge (qui se pose sur les burettes pour les protéger de la poussière si celles ci n’ont pas de couvercles), l’acolyte 1 prend la clochette dans la main droite, puis les deux acolytes font la génuflexion au milieu de l’autel et retournent s’agenouiller en face des canons de l’autel sur la première marche (ou sur le sol s’il n’y a qu’une marche).

Une fois à genoux à sa place, l’acolyte 1 peut poser devant lui la clochette, sur la marche, de façon à pouvoir la prendre en main facilement.

Le prêtre se tourne pour dire la prière « orate fratres », qu’il termine face à l’autel par le mot « omnipotentem » ; les acolytes disent alors à voix haute le répond « suscipiat dominus », le prêtre récite à voix basse la secrète, puis c’est le début du Canon, la partie la plus importante de la Très Sainte Messe.

Pendant le Canon de la messe, après l’Offertoire, la fonction principale des acolytes consiste à sonner la clochette. C’est au premier acolyte que revient cet office. Il doit donc connaître les 5 moments où il doit sonner la cloche.

Après la secrète, le prêtre lit à haute voix la préface. Puis il récite avec les fidèles et les servants le Sanctus. À chacune des 3 invocations « Sanctus », l’acolyte sonne un coup.

Le prêtre récite ensuite plusieurs prières à voix basse, puis il étend les mains sur les oblats, en disant « Hanc Igitur ». L’acolyte sonne alors 1 coup. Puis, les deux acolytes se lèvent, et montent (directement et sans faire de génuflexion) se mettre à genoux sur la plus haute marche du marchepied, de façon à se placer derrière le prêtre, à sa droite et sa gauche.

À la consécration, l’acolyte sonne un coup de clochettes à chaque génuflexion du prêtre et 3 coups pendant l’Élévation (en certains lieux, on ne sonne qu’un coup à l’élévation). Il agit ainsi pour les deux élévation : celle du Précieux Corps et celle du Précieux Sang. Les deux acolytes inclinent la tête lorsque le célébrant génuflecte et soulèvent légèrement le bas de la chasuble, sans trop la remonter, uniquement pendant l’élévation.

Après la dernière élévation, les acolytes se lèvent, descendent les marches et, font la génuflexion in-plano, puis retournent à leurs places habituelles sur le premier degré des marches (ou sur le sol s’il n’y a qu’une marche). Ils restent ainsi jusqu’à la communion du prêtre au Précieux Sang. À la petite élévation le célébrant élève légèrement l’hostie et le calice. Aux mots « Omnis honor et gloria », l’acolyte sonne un coup de cloche.

Le prêtre récite ensuite le « Pater Noster », puis fractionne l’hostie en trois parcelles, et en laisse tomber une dans le calice.

Le célébrant récite alors l’Agnus Dei avec les fidèles. Puis, après quelques prières, prend l’hostie et la patène, et se frappe la poitrine trois fois de suite en récitant le « Domine non sum dignus ». L’acolyte sonne un coup au premier, deux au deuxième et trois coups au dernier « Domine non sum dignus ».

N.B : ne pas confondre le « Domine non sum dignus » avec l’« Agnus Dei » (après la fraction de l’hostie) au cours duquel le prêtre se frappe aussi trois fois la poitrine.

Lorsque le prêtre a terminé le « Domine non sum dignus », le premier acolyte attend à sa place jusqu’à ce que le célébrant découvre le calice et fasse une génuflexion. Alors il prend la cloche, se lève et se rend directement à la crédence, sans faire aucune génuflexion. Là, il dépose la clochette et prend le plateau de communion. Il rejoint ensuite directement sa place habituelle, à genoux sur le premier degré.

Lorsque le célébrant prend le calice et communie au Précieux sang, le premier acolyte entonne à haute voix et distinctement le « Confiteor ». Les deux acolytes s’inclinent alors en même temps (inclination médiocre de corps). C’est normalement au premier acolyte qu’il revient de réciter seul le Confiteor jusqu’à la fin, au nom de tous les fidèles présents (dans beaucoup d’endroit cependant, les fidèles le récitent avec lui).

Si l’on suivait le code des rubriques de 1960 (dit de saint Jean XXIII), ce confiteor ainsi que les prières « misereatur » et « indulgentiam » sont omis. Cependant comme dans beaucoup d’endroits a été gardé la coutume des trois « confiteor » (celui du prêtre et du choeur lors des prières au bas de l’autel, et celui des fidèles chanté par le diacre ou récité par l’acolyte avant la communion) nous décrivons ici cette façon de faire.

Les deux acolytes restent inclinés jusqu’à ce que le célébrant après s’être retourné, ait fini de dire la prière « Misereatur », puis ils se redressent et se signent lorsqu’il dit la prière « Indulgentiam » bénit l’assemblée d’un signe de croix. Lorsque le prêtre a fini l’« Indulgentiam », les acolytes se lèvent, font la génuflexion au milieu en bas du marchepied, puis montent s’agenouiller sur la marche la plus haute. Ils restent ainsi à genoux et récitent le « Domine non sum dignus » en même temps que le célébrant. Les acolytes communient l’un après l’autre, s’ils le désirent, puis se lèvent, descendent du marchepied et génuflectent au pied des marches. Alors le premier acolyte accompagne le célébrant jusqu’au banc de communion, tandis que l’autre acolyte reprend sa place à genoux sur la première marche de l’autel (ou bien il accompagne à la table de communion un second prêtre pour la distribution de la sainte communion).

L’acolyte, lorsqu’il accompagne le prêtre pour la distribution de la sainte communion, se place à droite du célébrant et soutient le plateau de communion, gardant la main droite à plat sous le plateau. Il dispose le plateau sous le menton de chaque communiant en prenant garde de ne pas donner de coups au visage ou contre le ciboire. Après le dernier communiant, l’acolyte donne le plateau au célébrant et le précède jusqu’à l’autel. Il soulève légèrement l’aube du prêtre s’il y a des marches à monter. Puis il se remet à genoux à sa place.

S’il arrivait que personne dans l’assistance, pas même les servants, ne communient, on ignorerait tout ce qui a été dit depuis le moment ou l’acolyte a posé la cloche sur la crédence, et on ne réciterait ni le « Confiteor » ni les prières qui le suivent.

Après la communion des fidèles, à la fermeture du tabernacle, les acolytes se lèvent, génuflectent au milieu et vont à la crédence pour les ablutions. L’acolyte 1 prend la burette de vin, l’acolyte 2 celle d’eau. Ils attendent « in plano », au côté épître de l’autel. Quand le prêtre incline le calice vers les servants, le premier acolyte vient seul au milieu de l’autel pour verser le vin dans le calice. Puis il va se placer sur le degré en dessous du marchepied dans le prolongement de l’autel où le second acolyte vient le rejoindre.

Pour la seconde ablution, c’est le prêtre qui se rend au coin de l’autel et présente le calice aux acolytes. Chacun leur tour, ils versent le vin et l’eau dans le calice et sur les doigts du célébrant. Après la révérence, ils descendent et posent les burettes à la crédence.

Ils vont ensuite faire la génuflexion au milieu de l’autel. L’acolyte 1 passe devant l’autre et monte directement prendre le missel, l’acolyte 2 monte prendre le voile du calice (sans le déplier) par dessous. Ils changent de côté en génuflectant au mi-lieu de l’autel, in plano. L’acolyte 2 aide le célébrant à disposer le calice en présentant d’abord la bourse ouverte pour que le prêtre y insère le corporal, puis en lui donnant le voile du calice.

Pendant ce temps, le premier acolyte, après avoir posé le missel, prend le ou les plateaux de communion (les ciboires, s’il y en a) et les dépose sur la crédence. Il prend le carton des prières léonines (si celles si sont récitées après la messe) et retourne directement s’agenouiller sur le premier degré, sans génuflecter ni attendre l’autre acolyte. L’acolyte 2 reprend ensuite sa place en faisant le tour du marchepied et s’agenouille directement sans faire non plus de génuflexion au milieu de l’autel.

Les deux acolytes restent ainsi à genoux pendant que le prêtre récite l’antienne de communion et la postcommunion de la messe. Ils reçoivent la bénédiction à cette place. Après la bénédiction, les acolytes se lèvent pour le dernier évangile. Ils restent à leur place et se tournent légèrement en direction du prêtre. Ils répondent à l’introduction faites par le célébrant et le premier acolyte dit « Deo Gratias » à la fin de la récitation de l’Évangile.

À la fin du dernier évangile, pour les prières léonines, les acolytes se mettent à genoux près du prêtre, comme au début de la messe, un ou deux degrés inférieurs à celui du prêtre. Après les prières l’acolyte 1 reçoit le carton, le pose sur la marche devant lui. Puis les acolytes se lèvent, et le premier acolyte va chercher la barrette qu’il donne au célébrant. Les deux acolytes génuflectent avec le célébrant et tous vont à la sacristie.

À la sacristie les acolytes saluent la croix, puis le prêtre. Le prêtre donne alors sa bénédiction aux servants : ils se mettent à genoux, font le signe de croix et répondent « Amen ». Le premier acolyte aide ensuite le prêtre à quitter les ornements.

Alors que leur fonction est achevée, et après avoir rangé ce qui avait été sorti dans le sanctuaire pour la messe, les servants n’oublieront pas de prendre quelques instant pour rendre grâce par une prière privée, car ils ne doivent pas oublier qu’ils ne sont pas acteurs d’une pièce de théâtre, mais qu’ils ont, par leur actions, aidé le prêtre à accomplir la plus grande action qu’il est donné à un humain d’accomplir.

La situation des livres liturgiques du rite romain

Un récent débat sur le groupe Facebook d’Esprit de la Liturgie m’a conduit à prendre la défense d’un des aspects de la réforme liturgique de Paul VI : le retour à la logique dite « de sacramentaire », dans laquelle les diverses parties de la liturgie sont réparties dans différents livres en fonction de la personne qui les utilise, et qui s’oppose à la logique dite « de missel plénier », dans laquelle tout est dans le missel (pour la Messe) et dans le bréviaire (pour l’Office).

Cette défense mérite quelques nuances et quelques définitions : faisons le point sur l’état des livres liturgiques du rite romain.

1. Les livres liturgiques du rite romain en général

Pour fixer les idées, nous listons brièvement ici les livres liturgiques pour la Messe, puis ceux pour l’Office, puis ceux pour les autres sacrements.

Le Sacramentaire

C’est le livre du prêtre. Il contient les trois oraisons de la messe : la collecte (ou prière d’ouverture dans le rite de Paul VI), la secrète (ou prière sur les offrandes dans le rite de Paul VI) et la postcommunion. Il contient aussi l’ordinaire de la messe, en particulier le canon (ou prière eucharistique).

L’Évangéliaire

C’est le livre du diacre. Il contient les lectures évangéliques pour toutes les messes de l’année.

L’Épistolier

C’est le livre du sous-diacre ou du lecteur. Il contient, comme son nom l’indique, les lectures des épîtres pour toutes les messes de l’année, mais aussi les lectures de l’Ancien Testament, des Actes et de l’Apocalypse pour les messes qui en comportent.

L’épistolier et l’évangéliaire peuvent être rassemblés dans le même livre : on parle alors de Lectionnaire de la Messe (à ne pas confondre avec le Lectionnaire de l’Office qu’on verra plus loin). Le Lectionnaire de Paul VI contient également des psaumes à lire entre les deux lectures.

L’illustration en tête de cet article est un lectionnaire mérovingien du début du VIIIe siècle distinct de l’épistolier : il ne comprend que les lectures de l’Ancien Testament et des Actes.

Le Graduel

C’est le livre des chanteurs de la schola. Il contient des pièces de chant qui font partie de la liturgie de la Messe et reviennent à la schola : l’antienne d’introït ou chant d’entrée, le graduel (entre les lectures, là où dans le rite de Paul VI on lit plus souvent le psaume), l’alléluia (le trait, en Carême), le chant d’offertoire et l’antienne de communion. Il contient souvent le aussi le Kyriale (ci-dessous).

Le Kyriale

C’est le livre de l’assemblée. Il contient les chants qui reviennent à l’assemblée, à savoir ceux de l’ordinaire de la Messe : Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei, ainsi que certains chants de procession propres à certaines messes, par exemple l’Asperges me et le Vidi Aquam.

Autres livres de chant

On connaît également divers livres de chant destinés à un petit groupe de solistes, ou à un soliste unique dans les petites églises, contrairement au graduel qui contient les chants à caractère collectif : le versiculaire qui contient les versets à chanter en alternance avec l’antienne d’introït si la procession d’entrée est longue, et en alternance avec l’antienne de communion si la procession de communion est longue ; le cantatorium qui ne contient que les graduels et alléluias, là où l’usage les fait chanter par des solistes ; l’offertoriale qui contient les versets à chanter de manière responsoriale avec le chant d’offertoire, si on emploie l’encens et que l’offertoire se prolonge ; le tropaire si on emploie les tropes (voir par exemple notre article sur les tropes d’introït). Ce dernier contient aussi traditionnellement les séquences, qui ne sont que des tropes d’alléluia ; comme il n’y en a plus que cinq, elles figurent au Graduel.

Le Missel plénier

Le Missel plénier cumule les fonctions d’un Sacramentaire, d’un Évangéliaire, d’un Épistolier, et contient également les textes des pièces du Graduel et du Kyriale, mais pas leur musique. Le missel plénier correspond à une situation où le prêtre assure toutes les fonctions liturgiques, mais ne chante rien : autrement dit, il est fait pour la messe basse, sans ministres sacrés ni chantres.

Voyons maintenant les livres nécessaires à l’office.

Le Psautier

Il contient les 150 psaumes de l’Office divin (seulement 147 dans la Liturgie des Heures de Paul VI suite à la censure de trois psaumes dits « imprécatoires ») disposés dans l’ordre où ils sont chantés lors des offices. Il contient en plus des cantiques issus de l’Ancien et du Nouveau Testament, chantés lors de certains offices à la manière des psaumes.

L’Antiphonaire diurne

Il contient les partitions des antiennes des sept offices de la journée (six depuis Vatican II) : Laudes, Prime (dont la suppression fut demandée par Vatican II dans Sacrosanctum Concilium), Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies. Les antiennes sont chantées avant et après chaque psaume. Cette alternance entre antiennes et psaumes constitue la partie essentielle de l’Office divin, dans les deux usages du rite romain. Il contient presque toujours le Psautier (ci-dessus), et le plus souvent l’Hymnaire (ci-dessous).

L’Hymnaire

Il contient les partitions des hymnes, chants poétiques écrits par divers auteurs au cours de l’histoire de l’Église. Dans la Liturgie des Heures de Paul VI, il contient également les antiennes dites invitatoires chantées au début du premier office de la journée, et le psaume 94 qui les accompagne.

Le Collectaire (ou Capitulaire, ou Lectionnaire diurne)

C’est le livre propre de l’hebdomadier, la personne chargée, souvent pour une semaine (d’où son nom), d’assurer certaines parties de l’office : ce livre contient les brefs passages de l’Écriture qui sont chantés lors de chaque office de la journée, ainsi que les oraisons qui concluent les offices. Cette oraison est fréquemment la collecte de la Messe du jour, d’où l’un des noms portés par ce livre.

Le Martyrologe

Il contient pour chaque jour de l’année la liste des saints fêtés ce jour et une brève biographie des plus importants d’entre eux. Le martyrologe du jour qui suit est chanté après l’heure de Prime dans certains usages du rite romain.

L’Antiphonaire nocturne

Il contient les partitions des antiennes et répons de l’office de nuit (Matines dans l’usage ancien, l’Office des Lectures dans l’usage réformé du rite romain). Les antiennes encadrent les psaumes comme pour les offices diurnes ; les répons suivent chaque lecture ou leçon (les Matines en comprennent trois ou neuf ; l’Office des Lectures en contient deux).

L’Homéliaire

Il contient certaines lectures de l’office de nuit qui sont issues des œuvres des Pères de l’Église. La plupart d’entre elles sont initialement des homélies, d’où le nom de ce livre.

Le Lectionnaire nocturne

Il contient les autres lectures de l’office de nuit, issues de l’Écriture, surtout l’Ancien Testament. Le plus souvent, il contient également l’Homéliaire, pour former un livre comprenant toutes les lectures de l’office de nuit.

Le Bréviaire

Il contient le Psautier, les Lectionnaires diurne et nocturne (dont l’Homéliaire), et les textes, mais non les partitions, contenus dans les Antiphonaires diurne et nocturne et dans l’Hymnaire. Il ne contient pas le Martyrologe car celui-ci n’est pas employé dans la récitation privée de l’Office. Le Bréviaire est l’exact pendant du Missel plénier pour l’Office divin : il permet à un clerc seul de réciter l’Office sans chant ni cérémonie, lui donnant tout le nécessaire en un seul livre.

Voyons maintenant les livres relatifs aux autres sacrements et sacramentaux.

Le Cérémonial des évêques

Il s’agit d’un livre tardif (première édition en 1600) qui décrit les particularités de toutes les cérémonies liturgiques et péri-liturgiques (messe, offices, funérailles, processions, salut…) où un évêque est présent. Il ne contient pas les textes de ces cérémonies, mais seulement leur description détaillée (rubriques).

Le Pontifical

Il contient les textes des cérémonies réservées à l’évêque : la Confirmation et l’Ordre, mais aussi les bénédictions des huiles, la consécration des autels, la bénédiction abbatiale…

Dans l’usage réformé du rite romain, il a été fusionné avec le Cérémonial des évêques. La dernière édition du Cérémonial des évêques (1998) contient donc les textes du Pontifical modifiés lors de la réforme liturgique de 1970.

Le Rituel

Il contient les textes de divers sacrements et sacramentaux non réservés à l’évêque : le Baptême, la Confession, le Mariage et l’Onction des malades, et diverses bénédictions.

Dans l’usage réformé du rite romain, il a été séparé en un livre pour chaque sacrement, et un Livre des Bénédictions.

2. Grandeur et décadence des livres pléniers

Le Bréviaire est beaucoup plus ancien que le Missel plénier : en effet, il s’est toujours trouvé que des clercs en voyage doivent réciter l’Office en privé ; alors que la célébration itinérante de la Messe est plus récente : elle date de l’apparition des ordres mendiants, dominicains et franciscains. Les premiers bréviaires apparaissent au IXe siècle, les premiers missels pléniers au XIIIe. Cependant, jusqu’au XIVe siècle, ils sont bien compris comme des abrégés, des condensés d’autres livres liturgiques qui font référence ; ils sont une nécessité pratique, mais ne constituent pas eux-mêmes la référence liturgique.

La logique s’inverse autour de Trente ; quoique le Concile de Trente lui-même soit fort équilibré et raisonnable à cet égard — comme, d’ailleurs, Vatican II une espèce d’« esprit du Concile » avant la lettre met au premier plan la figure du prêtre dans la liturgie ; c’est le seul acteur important de la Messe, et quant à l’Office, pourquoi le faire chanter par des laïcs ? Les religieux ont toujours leurs antiphonaires, on édite toujours des graduels, mais le Bréviaire s’impose comme le livre qui fait la norme liturgique pour l’Office, et le Missel pour la Messe. Ce qui était au Moyen-Âge des abrégés d’autres livres deviennent des points de départ, à partir du texte desquels on compose la musique là où c’est nécessaire.

Au XIXe siècle, le mouvement liturgique promeut le retour à la logique des livres liturgiques médiévaux, afin de remettre chacun des acteurs de la liturgie à sa juste place, par réaction à cette logique « tridentine » (répétons-le, l’adjectif n’est pas idoine : Trente n’enseigne rien de tel), logique dans laquelle l’évêque n’est qu’un super-prêtre, le diacre un apprenti-prêtre, et le rôle des laïcs n’est pas explicité. Concernant les livres de chant, cette logique médiévale permet également de rappeler que la musique n’est pas une décoration facultative du texte, ce qu’un missel-référence et un graduel « périphérique » laisseraient croire, mais qu’en liturgie, texte et chant font corps, les paroles privées de leur musique perdant toute leur charge symbolique.

Ce mouvement portera du fruit en termes de publications de livres liturgiques, dans l’usage ancien et dans l’usage réformé du rite romain. Malheureusement, ces fruits sont encore imparfaits : voyons l’état des lieux.

3. Les livres liturgiques de l’usage ancien du rite romain

« Les livres en vigueur en 1962 », pour reprendre l’expression de la législation récente, comportent, pour la Messe : un Missel plénier (1962) avec le contenu de l’Épistolier et de l’Évangéliaire, un Graduel (1908) avec Kyriale, un Offertoriale (1935) et un Versiculaire (1961). Des éditions privées existent pour l’Épistolier et l’Évangéliaire, permettant d’éviter de chanter les lectures depuis le Missel d’autel lors des messes solennelles (avec diacre et sous-diacre).

Il manque donc essentiellement un Tropaire, si on souhaitait réintroduire les tropes, là où la réforme de Pie V les a supprimés, et les séquences, là où le missel curial (dit « tridentin ») du même Pie V n’en comprenait que quatre. De plus, le nouveau mouvement liturgique dans lequel s’inscrit Esprit de la Liturgie souhaite vivement l’édition d’un Épistolier et d’un Évangéliaire pour l’usage ancien du rite romain, dans les diverses traductions officielles, permettant de chanter liturgiquement ces lectures dans la langue vernaculaire.

Pour l’Office divin, étaient en vigueur en 1962 : un Antiphonaire diurne (1912) avec Psautier, Collectaire et Hymnaire diurne, et un Martyrologe (1913, avec annexes pour les canonisations récentes). Ces divers livres permettent donc aisément le chant de tout l’office diurne. On a également un Bréviaire (1960) pour la récitation de l’Office, dont l’office nocturne, mais ni Antiphonaire nocturne, ni Hymnaire nocturne, ni Lectionnaire nocturne et son Homéliaire.

Une édition privée de l’Antiphonaire nocturne (avec son Hymnaire) a été réalisée en 2002 par feu Holger Peter Sandhofe ; si elle a été bien reçue par les autorités romaines, elles ne l’ont pas approuvée officiellement.

Le chant solennel de l’office nocturne est donc encore aujourd’hui un patrimoine à recouvrer dans l’usage ancien du rite romain.

Pour finir, étaient en vigueur en 1962 le Rituel et le Pontifical édités à cette date en même temps que le Missel, ainsi que le Cérémonial des évêques (Cæremoniale Episcoporum), édité en 1886 par Léon XIII et régulièrement mis à jour depuis lors.

4. Les livres liturgiques de l’usage réformé du rite romain

La réforme liturgique a voulu revenir à la logique dite « de sacramentaire », mais il faut définir précisément nos termes, car les livres en question incluent des éléments inattendus par rapport aux définitions données au premier paragraphe de cet article.

Livres pour la Messe

Il nous faut commencer par examiner le Graduel. Il a été publié en 1974, et tous les spécialistes le jugent satisfaisant, et même très bon : son contenu est parfaitement officiel et déterminé par l’Ordo Cantus Missæ (1972), qui a la même autorité que le Missel. Il reprend 95% des chants du Graduel de 1908, et en ajoute quelques autres, issus du répertoire médiéval. Il comprend pour chaque messe de l’année les chants attendus : entrée, graduel, alléluia (trait en Carême), offertoire, communion. Ses rubriques précisent que le graduel se chante entre la première et la deuxième lecture, les dimanches et fêtes ; et quand il n’y a qu’une lecture, aux féries et mémoires, on peut chanter entre la lecture et l’évangile, ou le graduel et l’alléluia, ou seulement l’un des deux. Il inclut les références des versets à employer pour l’entrée et la communion, mais pas leur texte, ni leur partition. Un Versiculaire pour l’antienne de communion a été publié à titre privé en 2017 par Anton Stingl. Aucun travail similaire n’existe pour les antiennes d’introït.

Le Missel (2002) comprend, outre le Sacramentaire et l’Ordinaire de la Messe, une « antienne d’ouverture » et une « antienne de communion », sans partitions musicales. On ne peut qu’imaginer les raisons de cette curieuse inclusion : sans doute de permettre au prêtre de lire le texte de ces antiennes lorsqu’elles ne sont pas chantées, sans avoir à ouvrir le Graduel. Seul problème : les textes de ces deux antiennes ne sont pas les mêmes dans le Missel et dans le Graduel ! Rien ne justifie ces écarts, qui ont conduit, bien malheureusement, les compositeurs de musique à composer pour les textes des antiennes du Missel et non celles du Graduel, alors que, dans la logique que l’on voulait restaurer, Graduel et Sacramentaire sont bien distingués, et c’est le Graduel qui fait référence pour les textes des chants (et non un report erroné du texte de ces chants dans un Missel qui se défend d’être plénier mais qui tente de l’être au moins sous cet aspect).

Un Lectionnaire de la Messe (1970) a également été promulgué, qui inclut les péricopes évangéliques ; celles-ci ont aussi été regroupées dans des éditions approuvées afin de constituer des Évangéliaires. Ce lectionnaire contient deux lectures et un évangile pour les dimanches et fêtes, et une lecture et un évangile pour les mémoires et féries. Après la première (ou unique) lecture, il fait figurer un psaume. Ce psaume ne correspond jamais ou presque au texte du graduel du jour figurant au Graduel. Les circonstances dans lesquelles il est préférable d’employer ce psaume du Lectionnaire, ou le graduel du Graduel, ne sont pas claires. En tous cas, dans la logique que l’on veut adopter (« à chaque acteur liturgique son livre »), il faut définir si ce qu’on entend entre les lectures est soi-même une lecture (même chantée) ou un chant (même réduit à ses paroles récitées). Dans le premier cas, c’est le Lectionnaire qui fait foi, dans le deuxième, c’est le Graduel.

Le Lectionnaire de la Messe comprend également des versets d’alléluia, sans doute pour le cas où l’alléluia n’est pas chanté et où le lecteur lira le verset d’alléluia ; cette hypothèse étant analogue à celle expliquant la présence de deux antiennes (entrée et communion) dans le Missel. Mais encore une fois, les textes des versets d’alléluia ne sont pas les mêmes dans le Lectionnaire et dans le Graduel ! L’alléluia étant indubitablement un chant par sa nature propre, c’est le Graduel qui fait foi, et c’est le texte du Graduel qu’on doit mettre en musique si l’on chante la Messe. De même, pour le Carême, le Lectionnaire de la Messe contient des versets à lire à la place de l’alléluia, qui ne correspondent pas avec le texte du trait présent dans le Graduel, qui y remplace l’alléluia pendant le Carême. Les considérations que nous avons fait porter sur l’alléluia s’appliquent également à ce duo trait du Graduel – versets avant l’évangile du Lectionnaire.

Notons enfin qu’un Tropaire et un Offertoriale ont été publiés avec la bénédiction de l’autorité ecclésiastique, mais sans son approbation formelle pour l’usage liturgique.

En conclusion, on peut dire qu’à l’exception du Versiculaire pour l’introït, absence mineure qu’un chantre bien préparé peut pallier en éditant lui-même les versets d’introït, les livres publiés permettent la célébration de la Messe de la manière la plus solennelle et la plus déployée dans l’usage réformé du rite romain, si l’on résout correctement les incohérences graves qui existent entre ces livres.

Livres pour l’Office

Un Ordo Cantus Officii a été publié en 1983 et considérablement enrichi (des centaines d’antiennes ajoutées) en 2015. Ce livre n’est pas en soi un antiphonaire, il est en fait le sommaire d’un antiphonaire futur : il liste les antiennes à employer pour l’Office et donne leur référence dans les bases de données employées par les musicologues ; à eux d’en publier la mélodie dans des antiphonaires.

Ces antiphonaires peinent à voir le jour : l’Hymnaire (diurne et nocturne) a été publié en 1983, l’Antiphonaire diurne pour les Vêpres des dimanches et fêtes en 2009, et l’Antiphonaire diurne pour les Laudes des dimanches et fêtes en 2020. Ces livres, contrairement à l’Antiphonaire diurne de 1912 pour l’usage ancien du rite romain, ne contiennent pas le Collectaire. Les petites heures et l’office de nuit ne sont pour l’instant pas incluses dedans.

Un livre en quatre volumes intitulé Liturgia Horarum (2000) a été promulgué, livre qui est de facto un bréviaire : il contient l’intégralité des textes de l’office diurne et nocturne, psaumes, antiennes, répons, hymnes, lectures bibliques et patristiques, et oraisons du Collectaire, sans aucune partition de chant. Comme pour le Missel et le Lectionnaire de la Messe, les textes des antiennes et répons ne sont pas les mêmes entre ce nouveau Bréviaire et le nouvel Antiphonaire. Dans la logique dite « de sacramentaire », où chaque acteur de la liturgie a son livre propre, les antiennes étant indubitablement trouvées primordialement dans l’Antiphonaire, c’est celui-ci qui doit faire foi, puisqu’il est promulgué (via l’Ordo Cantus Officii) avec la même autorité que Liturgia Horarum. Les antiennes qui figurent dans l’editio typica de Liturgia Horarum ont donc dû être victimes d’une gigantesque faute de frappe.

Pas trace d’un Homéliaire, d’un Antiphonaire nocturne ou d’un Lectionnaire nocturne : l’office de nuit de la liturgie des heures réformée ne semble être destiné qu’à la récitation privée.

La suppression de l’heure de Prime a également supprimé l’emploi du Martyrologe, qui existe toujours, mais n’est plus un livre liturgique. Il s’agit indubitablement d’une perte, mais commenter la suppression de Prime n’entre pas dans le cadre de cet article.

En conclusion, l’Office divin, qui était déjà le parent pauvre de la liturgie tridentine, reste l’élément le plus délaissé de la liturgie réformée par Paul VI, en termes d’édition de livres liturgiques. Sa célébration solennelle, dans le langage de l’Église latine qui est le chant grégorien, est possible uniquement pour un tout petit nombre d’offices, certes les plus importants : les Laudes et Vêpres des dimanches et fêtes. Mais surtout, les livres pour l’Office reproduisent la logique post-tridentine de Bréviaire-référence, de manière tout à fait contraire aux intentions du Mouvement liturgique et du Concile Vatican II.

Livres rituels

L’auteur de cet article n’est pas un expert du rituel des sacrements et se bornera à constater que le Pontifical a été révisé pour l’usage réformé du rite romain, qu’une version révisée du Cérémonial des évêques a été publiée en 1984 et que les livres rituels nécessaires à la célébration des sacrements ont été publiés individuellement. L’usage réformé ne semble donc pas différer substantiellement de l’usage ancien en termes de livres utilisables pour la célébration des sacrements — l’auteur prend bien garde de se ne pas prononcer sur les évolutions des textes eux-mêmes.

5. Conclusion : une réforme en recherche de cohérence

Sous le rapport de la sortie d’une logique tridentine de Missel plénier, centrée autour de la figure du prêtre, de son Missel et de son Bréviaire, références absolues de la norme liturgique, pour revenir à la logique médiévale de Sacramentaire, dans laquelle chaque acteur liturgique dispose d’un livre propre qui fait référence dans son domaine propre, force est de constater que la réforme s’est arrêtée au milieu du gué.

Si l’effort a été fait pour la Messe de distinguer Graduel, Missel et Lectionnaire, le découpage des textes auparavant contenus dans le Missel plénier entre ces trois livres n’est pas clair, et conduit à des incohérences que l’auteur de cet article juge pires que les déficiences du principe de Missel plénier. Il suffirait cependant d’un acte très simple de l’autorité pour y remédier : une clarification quant au fait que le texte des antiennes d’entrée et de communion du Graduel prime sur celui du Missel, que les textes du graduel et de l’alléluia du Graduel priment respectivement sur ceux du psaume et de l’alléluia du Lectionnaire.

Quant à l’Office divin, il reste prisonnier de la logique du tout-Bréviaire, où le texte est divorcé de sa musique qui pourtant ne doit faire qu’un avec lui. Le chant public et solennel de l’Office, lieu par excellence de la participation active des fidèles, appelé de ses vœux par le mouvement liturgique et le Concile Vatican II, se trouve donc face à une alternative cruelle : composer une musique sans fondement historique dans la tradition latine, qui ne vaudra que pour une communauté et un petit nombre d’années, voire ne pas chanter et réciter l’office en commun (dans de nombreuses paroisses et communautés, on pratique un mélange de ces deux solutions), ou bien célébrer dans l’usage ancien du rite romain, ou bien partir soi-même à la pêche aux manuscrits médiévaux pour établir une mélodie grégorienne que l’Église refuse à ses enfants et à son Dieu.

Il ne nous reste qu’à prier Dieu que son Église, par ses évêques et spécialement le premier d’entre eux, finisse de franchir le gué et réalise enfin la réforme réellement demandée par le Concile : une liturgie dans laquelle chacun sait ce qu’il doit faire et tient son rôle, libérée de l’arbitraire du célébrant, et intimement unie à ce chant grégorien qui en est comme le matériau sonore. À cette fin, l’édition de livres liturgiques dédiés à chaque acteur liturgique, assemblée comprise, pour la Messe comme pour l’Office, est indispensable.

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