Il est urgent, alors que l’Eglise apparaît aujourd’hui aux yeux de nombreux observateurs comme étant au bord de l’effondrement, d’analyser les causes profondes qui nous ont amené à la débâcle liturgique, doctrinale, et pastorale actuelle. Il apparaît en effet de plus en plus évident, au fur et à mesure que la crise de l’Eglise déploie toute son étendue, que cette crise provient d’un très profond effondrement de la spiritualité dont les racines sont à rechercher dans le Moyen-âge finissant et aux débuts de l’ère dite moderne.
Depuis les origines du christianisme et jusqu’à la fin de la période médiévale, la foi chrétienne était conçue, non pas comme un simple « sentiment religieux » subjectif, mais comme une adhésion à une réalité, à la Vérité, par nature immuable et objective. Pour les Anciens, Dieu était la réalité suprême, le Créateur des mondes visible et invisible, le grand ordonnateur de la course des astres dans l’Univers et de toute la Création; l’homme pouvait ainsi parvenir à la connaissance de Dieu par deux voies: la Foi dans les vérités révélées, d’abord; mais aussi par la contemplation du réel, du Cosmos, de la nature, l’activité rationnelle étant ainsi intégrée dans la recherche du Logos divin. Cette contemplation, loin de se limiter, comme le fera plus tard le scientisme moderne, à une connaissance purement matérialiste et utilitariste de la matière, reconnaissait au réel une dimension symbolique et métaphysique, intégrant donc l’ensemble de l’Univers dans une vision sacrale du monde. L’une des manifestations de cette adhésion radicale au réel dans toutes ses dimensions (matérielles comme spirituelles) était la « théologie de la lumière », déjà portée par les Pères des premiers siècles, et qui a dominé toute la théologie médiévale occidentale (et orientale encore de nos jours), déterminant la forme et les dimensions des édifices sacrés.
Pour cette sublime théologie, la lumière naturelle (lumen, en latin) ne se réduit pas à être un simple phénomène purement physique, mais est aussi et surtout un signe métaphysique qui exprime la Lumière divine (Lux) dont l’importance est absolument fondamentale dans la foi chrétienne, en particulier dans la théologie de l’apôtre Saint Jean: «Dieu est Lumière; en Lui, il n’y a point de ténèbres» (1 Jn 5). Dans la théologie johannique, puis patristique et médiévale, la lumière naturelle, créée par Dieu, est une manifestation divine, une théophanie. En la contemplant, il y a quelque chose de la Lumière ineffable de Dieu que nous contemplons. En outre, en contemplant un phénomène réel et observable empiriquement, la foi ne peut pas dégénérer -comme elle le fera plus tard- en sentimentalisme subjectiviste, puisqu’elle s’appuie sur le réel objectif et tel qu’il nous est donné pour atteindre la plus haute mystique. De ce fait, comme le prouvent les témoignages les plus anciens, la liturgie chrétienne, tant en Occident qu’en Orient, était quasi-systématiquement orientée vers le Soleil Levant, symbolisant le Christ ressuscité, Lumière du Monde, revenant dans la gloire à la fin des temps.Non seulement tous les édifices sacrés ou presque étaient orientés, mais le mur absidial des églises romanes puis gothiques était souvent percée d’une fenêtre pour laisser rentrer à flots dans le sanctuaire la lumière du matin, pendant que se déroulait le sacrifice eucharistique. Il serait trop long de recenser, en outre, toutes les allusions à cette théologie de la lumière dans les textes liturgiques médiévaux. Prenons à titre d’exemple les paroles de la magnifique hymne grégorienne Lucis Creator optime, attribuée au pape S. Grégoire le Grand (VIe – VIIe s.) et toujours chantée aujourd’hui lors de l’office des Vêpres:
Dieu bon, Créateur de la Lumière, qui avez produit le flambeau des jours / Vous avez préludé à l’origine de ce monde, au premier jour, cette lumière qui jusqu’alors n’avait pas brillé…
Du «fiat lux» de la Création primordiale, par lequel Dieu, au commencement des siècles, fit passer l’univers du néant à l’existence, à la Lumière mystique et intérieure apportée par le Christ lors de la Révélation chrétienne, il y a une remarquable et évidente continuité. Le Christ, en effet, est le nouvel Adam d’une nouvelle Création, lui qui nous appelé des ténèbres à son admirable Lumière (1 Pierre, 2, 9), lumière de sa vie et de sa résurrection, lumière de sa Parole et de son enseignement, et, finalement, lumière de son Etre même. Cette correspondance intime entre la lumière cosmique et solaire, la lumière liturgique des cierges, et la lumière intérieure et spirituelle, est également soulignée par les Orientaux, qui chantent à la fin de la Divine Liturgie un chant d’action de grâces qui commence par ces paroles: «Nous avons vu la vraie Lumière, nous avons reçu l’Esprit céleste, nous avons trouvé la foi véritable…». On le voit, la théologie de la lumière est absolument centrale dans toute liturgie authentiquement chrétienne. On mesure alors la véritable catastrophe spirituelle qu’a été à partir de la soi-disant « Renaissance », la perte du sens de cette symbolique splendide, et plus encore la généralisation en Occident de la « messe face au peuple », qui, en tournant littéralement le dos à l’Orient d’où jaillit la lumière, est la négation même de toute théologie liturgique un tant soit peu sérieuse et profonde. Nous reviendrons sur les modalités de cette crise et ses conséquences.
Le
Christ est ressuscité ! En vérité, il est ressuscité !
Récemment
l’Église latine célébrait la Résurrection du Sauveur, au terme
de la fameuse « Semaine Sainte », connue pour ses riches
célébrations.
Selon
une formule bien connue du Pape de Rome Jean-Paul II de bienheureuse
mémoire, il faut que l’Église catholique respire « à deux
poumons » ; chaque poumon représente une partie,
orientale ou occidentale, de l’Église. C’est pourquoi nous nous
proposons de faire découvrir les cérémonies de la Semaine Sainte
selon le rite byzantin.
Par avance, nous souhaitons toutefois avertir le lecteur de ce que notre exposé sera nécessairement concis et imparfait. Concis parce que traitant de cérémonies complexes, sur lesquelles il faut passer vite pour ne pas trop écrire ; imparfait parce qu’écrit par un bon connaisseur du rite byzantin, mais certainement pas un spécialiste. C’est à un de ceux-là qu’il faut s’adresser pour plus de détails ; et si d’aventure l’un d’eux lit cet article, nous le prions d’avance d’en excuser les défauts, et de le corriger s’il le juge bon.
Le samedi de Lazare et le dimanche des Rameaux
Dans
le rite byzantin, le Carême prend fin le soir du dernier vendredi
avant la Semaine Sainte (dite Grande Semaine chez les byzantins) ;
commencé un lundi (et non un mercredi comme chez les Romains), il
s’achève quarante jours plus tard, un vendredi.
Le lendemain, on fait mémoire de la résurrection de Lazare, accomplie par le Christ avant d’entrer à Jérusalem pour y subir Sa Passion. Il s’agit d’un usage typiquement grec, l’Église de Jérusalem ayant plutôt mis l’accent sur le repas de Béthanie, pris exactement six jours avant la Pâques juive (elle abandonna cet usage lorsqu’elle dut adopter les rites de l’Église de Constantinople). On y chante le tropaire suivant :
Voulant, avant Ta Passion, fonder notre foi en la commune résurrection, Tu as ressuscité Lazare d’entre les morts, ô Christ Dieu. C’est pourquoi, comme les enfants d’alors, nous portons les symboles de la victoire, et Te chantons, à Toi, vainqueur de la mort : « Hosanna au plus haut des cieux! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » !
Pour l’anecdote, un usage semblable existe dans l’ancien et très vénérable rit de Lyon, où la Messe des Rameaux commençait dans un cimetière près de la Collégiale Saint-Just, où l’on faisait commémorait la résurrection de Lazare.
Le lendemain, on chante la divine liturgie de saint Jean Chrysostome (alors que l’on faisait jusqu’ici usage de celle de saint Basile le grand). Vu comme l’une des douze grandes fêtes du Seigneur, le propre de cette fête prime sur celui du dimanche (le psaume 102, première antienne dominicale, est ainsi remplacé par le psaume 114).
On y chante le tropaire suivant, en plus du premier : « Ensevelis avec toi par le baptême, Christ notre Dieu, nous avons été rendus, par ta Résurrection, dignes de la vie immortelle. Avec des hymnes nous te chantons: « Hosanna au plus haut des cieux ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » ! «
En guise de Mégalynaire (hymne à la Mère de Dieu chantée pendant l’anaphore), on chante l’hymne suivante : Le Seigneur est Dieu, il nous est apparu. Organisez une fête et, pleins d’allégresse, allons magnifier le Christ avec des palmes et des rameaux, chantant cette hymne : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, notre Sauveur ».
Enfin, à l’issue de la liturgie, on procède à la procession des palmes (alors que cette procession ouvre la Messe dans le rite romain). Le prêtre lit l’Évangile de Matines (Matthieu 21, 1-11, 15-17), puis bénit les Rameaux, les distribue, et ouvre une procession, en tenant en main un plateau recouvert de rameaux, et sur lequel se trouve l’icône de la fête. Pendant la procession, on chante la « grande doxologie » (Glória in excélsis Deo), entrecoupé du refrain : « Hosanna au plus haut des cieux ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur », traditionnellement chanté par les enfants, dont c’est aujourd’hui la fête. À l’issue de la procession, le prêtre pose le plateau sur une table préparée à l’ambon, puis l’encense avant de donner le congé. Il faut noter que cette procession est très largement tombée en désuétude, sauf chez les Melkites (catholiques de rite byzantin du Moyen-Orient) et dans les Eglises orthodoxes d’Antioche et de Jérusalem.
Procession des Rameaux à Jérusalem.
Cette démonstration de joie est cependant la dernière. Si l’on ne mêle pas à ce dimanche la tonalité douloureuse de la Passion (contrairement au rite romain), on passe immédiatement après à la pénitence qui convient à la Semaine Sainte.
Les Lundi, Mardi et Mercredi Saint
Ici, il n’y a pas grand-chose à signaler ; ces trois jours étant aliturgiques, comme les Mercredis et Vendredis du Grand Carême, on y célèbre habituellement la divine liturgie des saints dons présanctifiés, attribuée au saint Pape de Rome Grégoire le Grand. Le lundi, on fait mémoire de Joseph, vendu par ses frères comme Jésus fut livré par un de ses disciples ; le mardi, on médite sur les vierges sages et les vierges folles de l’Évangile ; le mercredi enfin, on fait mémoire de cette femme qui, selon saint Jean, versa du parfum sur les pieds de Jésus, pour anticiper son ensevelissement. Durant ces trois jours saints, on chante le tropaire suivant : « Voici venir l’époux à la minuit : bienheureux le serviteur qu’il trouve éveillé, malheur à celui qu’il trouve endormi. Ô mon âme, veille donc à ne pas tomber dans le sommeil, de peur d’être livré à la mort et banni hors du royaume, mais réveille-toi en clamant : Saint, saint, saint es-tu, notre Dieu, par les prières de la Mère de Dieu, aie pitié de nous ».
Ce
tropaire, ainsi que les lectures de cette semaine, ont une coloration
toute escatologique, que l’on retrouve plutôt à l’Avent dans le
rite romain.
À la grande entrée (procession du Pain et du Vin ou, en l’occurrence, du Corps et du Sang du Christ), on chante à la place du Cheruvikon le chant suivant : «Maintenant les puissances célestes concélèbrent invisiblement avec nous. Car voici que s’avance le Roi de gloire. Voici que s’avance avec son escorte le sacrifice mystique déjà accompli. Approchons-nous avec foi et désir afin de devenir participants de la vie éternelle. Alléluia, alléluia, alléluia ».
Durant
ce chant, les saints dons sont solennellement portés en procession
dans l’église ; tous se prosternent alors pour adorer le
Seigneur, invisiblement présent sous les Saintes Espèces. C’est le
seul moment où les byzantins pratiquent l’adoration eucharistique,
beaucoup plus fréquente chez les latins.
Enfin, la litanie pour les catéchumènes y est remplacée par une litanie pour « ceux qui se préparent à la Sainte Illumination [du Baptême] ».
Le Jeudi saint
Les matines de ce jour remplacent le tropaire ci-dessus mentionné (« Voici venir l’époux… ») par le tropaire suivant :
« Alors que Tes glorieux disciples étaient illuminés par le lavement des pieds après le repas, Judas l’impie était assombri par la maladie de l’avarice, et aux juges sans loi, il Te trahit, Juste Juge. Vois, ô ami de l’argent, cet homme s’est pendu en raison de son avarice. Fuis le désir insatiable qui osa de telles choses contre le Maître ! O Seigneur, Toi qui traite chacun avec justice, gloire à Toi ! «
Notons au passage que les particularités des matines du Jeudi, Vendredi et Samedi Saint sont telles que nous oserions presque les comparer avec les « Ténèbres » du rite romain.
Comme dans celui-ci, ce jour est un jour de joie, celui où l’on célèbre l’Institution de l’Eucharistie par Notre-Seigneur. Aussi, on y célèbre la divine liturgie de saint Basile le Grand, unie aux Vêpres. Aussi la liturgie commence-t-elle par la bénédiction classique (« Béni est la Royauté du Père et du Fils et du Saint-Esprit… »), suivie du psaume 103 (psaume fixe de Vêpres dans le rite byzantin) ; viennent ensuite les psaumes 140, 141, 129 (De profundis), 116. On y intercale, à la manière byzantine, des tropaires, dont quelques-uns sont ici proposés au lecteur :
L’assemblée des Juifs1 n’a plus qu’à se précipiter pour livrer:. à Pilate le Démiurge et le Créateur de toutes choses. Ô les sans-loi! Ô les sans-foi! Ils font mettre en jugement celui qui est venu juger les vivants et les morts; ils préparent un supplice pour celui qui guérit les souffrances. Longanime Seigneur, grande est ta pitié! Gloire à toi!
Seigneur, Judas le prévaricateur qui, pendant la Cène, avait trempé la main au plat en même temps que toi, a tendu les mains à des gens sans loi, pour en recevoir son argent. Lui qui avait supputé le prix du parfum, il ne trembla pas à la pensée de te vendre, toi l’inappréciable. Lui qui présenta au Maître ses pieds à laver, il le baisa traîtreusement pour le livrer aux impies. Rejeté du chœur des Apôtres, quoiqu’il eût jeté loin de lui les trente pièces d’argent, il ne vit point ta Résurrection le troisième jour. A cause d’elle, aie pitié de nous!
Tu étais en vérité, Judas, de la race des vipères, de ces gens qui, au désert, mangeaient la manne et murmuraient contre leur nourricier! La nourriture était encore dans leur bouche qu’ ils déblatéraient contre Dieu, les ingrats! Et cet impie, ayant encore en bouche le pain céleste, consommait sa trahison contre le Sauveur! Esprit insatiable et audace inhumaine! Il vendait celui qui le nourrissait, et le Maître qu’il baisait, il le livrait à la mort! Vraiment, il est le fils prévaricateur de ces gens-là et, comme eux, il gagna bien sa perte. Mais toi, Seigneur, préserve nos âmes de cette inhumanité, toi qui es le seul incomparable en magnanimité.
De
ces tropaires, on notera qu’ils s’insèrent dans une célébration
joyeuse, tout en évoquant les événements tragiques à venir,
contribuant ainsi à lier ensemble le Jeudi et le Vendredi, la Cène
et la Passion, l’Eucharistie et la Croix. Difficile d’imaginer plus
bel exposé de la foi catholique en ce domaine essentiel…
À
l’issue de ces psaumes, a lieu la petite entrée (procession de
l’Évangéliaire depuis et jusqu’au sanctuaire, qui ouvrait jadis
la divine liturgie, comme c’est encore le cas dans le rite romain).
On chante alors l’hymne vespérale (Phos Hilaron, Lumière
joyeuse). Suivent trois lectures de l’Ancien Testament (Exode 10, 19,
Job 38, 1-21 et 42, 1-5, Isaïe 50, 4-11), entrecoupées de deux
prokimenon (chants avant les lectures, équivalent du graduel dans le
rite romain). On chante alors le Trisaghion, puis un nouveau
prokimenon, tiré très adroitement du psaume 2 (Quare fremuerunt
gentes), évoquant la conspiration des pharisiens contre le
Christ. L’épître est celle de 1 Corinthiens 11, 23-32, comme dans
le rite romain ; et l’Évangile est une compilation de
péricopes tirées des récits des quatre évangélistes, retraçant
tout le drame de ce jour, depuis l’annonce de la trahison de Judas
jusqu’au reniement de Pierre.
L’hymne des Chérubins (ou Cheruvikon), qui accompagne la Grande Entrée, est ici remplacée par l’un des trois Anti-Cheruvikon qui le remplacent exceptionnellement en certaines occasions (les autres étant les Présanctifiés et la Vigile Pascale). En ce jour, on chante donc l’hymne suivante : « À Ta Mystique Cène, ô Fils de Dieu, fais-moi participer aujourd’hui : je n’en dirai pas le mystère à tes ennemis, ni ne te donnerai le baiser de Judas ; mais, comme le Larron, je te confesse : souviens-toi de moi, Seigneur, dans ton royaume ! ». On notera que la même hymne est utilisée le même jour, à la même place dans le rite ambrosien (de l’archidiocèse de Milan).
Si la liturgie est célébrée par un évêque, celui-ci procède à la consécration des saintes huiles (comme c’était le cas dans le rite romain avant 1955). Et à l’issue de la liturgie, l’évêque (ou l’higoumène du monastère) procède au lavement des pieds de douze clercs, cependant qu’un lecteur proclame l’Évangile du Lavement des pieds (Jean 13, 1-11). En voici une démonstration, par le Patriarche Cyrille de Moscou.
Le Vendredi saint
« L’office de ce jour a une physionomie unique. L’Église est manifestement mue par la préoccupation de ne pas perdre une circonstance de la passion de son divin Époux. Elle le suit heure par heure et, pour ainsi dire, pas à pas dans la voie sanglante qui l’a conduit au Cénacle, témoin de l’ institution de la sainte Eucharistie et de ses suprêmes et plus sublimes enseignements, au Calvaire et et au Sépulcre. C’est là que, tel un athlète qui a vaillamment combattu, il allait se reposer en attendant l’heure d’un triomphe assuré. » (E. Mercenier, La prière des Eglises de rite byzantin, t. II, p . 167).
L’office du jour commence en effet par les Matines du Vendredi Saint ou « Office des douze Évangiles ». Durant cet office, on chante en effet douze péricopes évangéliques (entrecoupées d’hymnes méditatives et de sourds coups de cloche), qui forment un récit presque complet de la Passion. Ce curieux usage proviendrait du rite de Jérusalem, où une procession se rendait en douze endroits caractérisant la Passion (ce qui a donné le Chemin de Croix chez les Latins). C’est évidemment un jour de jeûne, de pénitence, de deuil, où tout sacrement est proscrit, sauf ceux des malades et de la confession.
Après les Vêpres, ont lieu les « funérailles du Christ ». Le prêtre transfert l’épitaphios (une pièce de tissu sur laquelle est représentée, peinte ou brodée la mise au tombeau du Christ) depuis l’autel jusqu’au tombeau préparé au milieu de l’église, et tous le suivent en procession, cependant que le chœur chante : « Le noble Joseph descendit du bois de la croix ton corps immaculé, l’enveloppa dans un linceul pur avec des aromates, lui rendit les honneurs funèbres, et le déposa dans un sépulcre neuf. ». Cette cérémonie est l’équivalent de l’Adoration de la Croix, pratiquée par les Romains le même jour, lors d’une Messe dite des Présanctifiés. Après avoir déposé l’épitaphios, il l’encense et répand dessus des pétales de roses. Les fidèles s’approchent alors pour vénérer le tombeau du Christ en se prosternant. On chante alors le tropaire suivant : « Venez et bénissons le souvenir de Joseph d’Arimatie », que nous vous proposons, soit de découvrir ici en slavon (chanté par les moines de Chevetogne, en Belgique, avec quelques images de l’office du Vendredi Saint) soit d’écouter ici, en français.
Le Grand Samedi
Vient le Samedi, jour d’attente et de deuil : l’Église pleure son Seigneur et espère sa Résurrection. En théorie du moins, car pour des raisons pratiques (entre autres pour raccourcir le jeûne), les Matines du Samedi Saint (qui omettent pour une fois l’alléluia, chanté par les byzantins tout au long du Carême, contrairement aux romains), sont célébrées le plus souvent la veille ; cela afin de célébrer la la Vigile pascale au samedi matin. En effet, l’Église grecque plaça au matin du Samedi la célébration de la Vigile, au cours de laquelle se célébraient des baptêmes. Cela crée une incohérence certaine dans le rituel byzantin : la liturgie toute entière est centrée sur le baptême, et l’on n’y baptise plus personne ; la Vigile ne fait qu’annoncer la Résurrection, mais elle le fait durant la matinée d’un jour réservé à l’attente. Une telle aberration existait également dans l’Église romaine, (Dom Guéranger note et déplore cette bizarrerie dans son « Année liturgique ») jusqu’à la restauration de la Semaine Sainte par Pie XII en 1955. On notera toutefois que certaines communautés, catholiques ou non, ont restauré à sa juste place l’antique vigile.
Celle-ci commence par un office de Vêpres ; après la bénédiction initiale et le chant du psaume 103, on y récite les psaumes du soir. Entre les versets de ces psaumes, on chante quelques-uns des stichères (Le stichère est un « trope » inséré dans les psaumes) suivants :
Venez, peuples, chantons et adorons le Christ en glorifiant Sa Résurrection d’entre les morts, car Il est notre Dieu, Lui qui a délivré le monde de l’égarement où L’avait fait tomber son ennemi.
En ce jour, l’Enfer se lamente et s’écrie : « Il eût mieux valu pour moi n’avoir pas accueilli Celui qui est né de Marie, car, en pénétrant dans mon domaine, Il a mis fin à mon pouvoir, Il a brisé mes portes d’airain, et, ceux que je détenais depuis si longtemps, Il les a, étant Dieu, ressuscités ». Gloire, Seigneur, à Ta croix et à Ta Résurrection !
En ce jour, l’Enfer se lamente et s’écrie: « Mon pouvoir est détruit. J’avais reçu un mort, comme l’un quelconque des morts, et je ne puis d’aucune façon Le retenir, mais avec Lui je vais être dépouillé de beaucoup d’âmes dont j’étais roi. Moi qui depuis toujours possédais les morts, voici que Lui les éveille tous ». Gloire, Seigneur, à Ta croix et à Ta Résurrection !
Après
quoi, l’on récite immédiatement une série de quinze prophéties
entrecoupées de chants, comme dans la vigile pascale romaine, qui
comptait jadis douze prophéties, réduites aujourd’hui à sept (mais
alors que les prophéties romaines sont entrecoupées d’oraisons, les
lectures byzantines sont récitées à la suite). Certaines
communautés n’en disent que trois ou quatre.
La dernière lecture est celle de Daniel 3, le fameux épisode de la fournaise. À l’issue de la lecture, tous chantent le Benedicite ou Cantique des trois enfants, ponctué du refrain : « Chantez le Seigneur, exaltez-le dans tous les siècles ». Le clergé se dépouille alors de ses vêtements sombres, et revêt des ornements blancs, signes de la fête5.
Au lieu du Trisaghion, on prend le chant suivant : «Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ, Alléluia» ; sa présence s’explique par le caractère éminemment baptismal de cette vigile, au cours de laquelle les catéchumènes étaient baptisés (ce qui ne se fait malheureusement plus aujourd’hui, en-dehors de quelques communautés). Après le prokimenon, on lit l’épître (Romains 6), on chante le psaume 81 avec son antienne : « Lève-toi, Seigneur mon Dieu, et juge la terre, car Tu domines sur toutes les nations ». L’Évangile est celui de l’annonce de la Résurrection du Christ, en Matthieu 28. la liturgie poursuit alors un cours normal, sans grandes particularités autres que celles qui sont propres à la liturgie de saint Basile, à l’exception de ce chant, qui remplace le Cheruvikon : « Que fasse silence toute chair mortelle », tiré de la divine liturgie de saint Jacques, frère du Seigneur.
« Que fasse silence toute chair mortelle, qu’elle se tienne immobile, avec crainte et tremblement et que rien de terrestre n’occupe sa pensée : car le Roi des rois, le Seigneur des Seigneurs s’avance pour être immolé et donné en nourriture aux fidèles ; précédé des choeurs angéliques, avec toutes les principautés et les puissances des cieux, les Chérubins aux yeux innombrables, et les Séraphins aux six ailes qui se couvrent la face et chantent l’hymne sainte : Alléluia, Alléluia, Alléluia ».
Le dimanche de Pâques
Comme nous l’avons dit plus haut, la célébration de l’antique vigile annonce la Résurrection ; elle ne constitue pas toutefois le sommet de celle-ci, lequel est encore à venir. La vigile nous plaçait avec les Saintes Femmes, auxquelles un Ange annonça la Résurrection ; les cérémonies suivantes, elles, nous font connaître quelque chose de la joie de Marie-Madeleine voyant le Seigneur ressuscité.
« Il faut vivre une fois dans sa vie la Pâque byzantine, et si l’on a fait le Carême avant, c’est d’autant plus fort. Une joie sauvage, disait un moine de Chevetogne, quand on entre dans l’église illuminée, et qui grandit à chaque encensement du diacre, qui, au lieu de saluer en silence, conclut à chacun de ses passages : « Christ est ressuscité ! » Et tout le monde de lui répondre : « Il est vraiment ressuscité ! » Et ainsi jusqu’à l’Ascension. » (François Gineste, « La liturgie des heures dans le monde byzantin », Revue Résurrection, N°138-139, Septembre-décembre 2010.)
La célébration commence par l’office dit « de minuit », au cours duquel on enlève l’épitaphios. Puis, commence une procession : tous sortent, en portant des bannières et des drapeaux, le clergé en tête, et l’on fait le tour de l’église. Cette marche correspond à l’ancienne procession pascale, commune à tous les rites orientaux et occidentaux, mère de toutes les autres processions (en Occident, seul le rite dominicain l’a conservée telle qu’elle ; et l’ordre des prêcheurs a gardé cette procession dans la forme ordinaire du rite romain). On chante alors le chant suivant : « Ta Résurrection, ô Christ sauveur, les Anges la chantent dans les cieux ; accorde-nous, qui sommes sur terre, de Te glorifier avec de pures voix« .
On s’arrête alors devant la porte de l’église. Dans certaines communautés, l’usage est alors de proclamer l’Évangile de la Résurrection ; une telle tradition fut notamment remise en valeur par le P. Alexandre Schmemann.
Le prêtre prononce alors la bénédiction trinitaire suivante : « Gloire à la sainte, consubstantielle, vivifiante et indivisible Trinité, en tout temps, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles ». Alors, le chœur entonne pour la première fois le fameux tropaire pascal : « Le Christ est ressuscité des morts, par Sa mort, Il a vaincu la mort, à ceux qui étaient au tombeau, il a donné la vie ! » ; ce tropaire accompagne de divers versets psalmiques.
On entre à nouveau dans l’église, et on entame les matines pascales, avec le chant du Canon pascal de saint Jean Damascène. En voici quelques extraits :
C’est le jour de la Résurrection, peuples, rayonnons de joie ! C’est la Pâque, la Pâque du Seigneur, de la mort à la vie, de la terre aux cieux, le Christ, notre Dieu, nous a fait passer ; chantons l’hymne de la victoire !
Purifions nos sens, nous verrons le Christ resplendissant, dans l’inaccessible Lumière de la Résurrection, et nous l’entendrons nous crier : réjouissez-vous en chantant l’hymne de la victoire.
Que le ciel se réjouisse, que la terre soit dans l’allégresse, que le monde soit en fête, le monde visible et invisible, car le Christ est ressuscité, Lui l’éternelle allégresse !
Pendant
ce temps, le diacre encense toute l’église, disant à chaque
encensement : « Le Christ est ressuscité ! »,
auquel les fidèles répondent par « En vérité, Il est
ressuscité ! » ; et l’usage est de proclamer chaque
acclamation dans une langue différente, pour souligner
l’universalité de cet événement unique.
Après
le Canon, on passe au chant des « versets pascals », dont
voici une mise en musique (en slavon et en français) :
Puis, on passe aux laudes, après quoi le prêtre lit la très célèbre homélie pascale de saint Jean Chrysostome, riche en références bibliques et enthousiasmante au possible, surtout si l’on ne pense pas avoir fait un « bon » Carême. C’est l’un des rares exemples de lecture patristique dans le rite byzantin (alors que celles-ci sont habituelles et abondantes dans le rite romain). En temps normal, l’hymnographie en tient lieu.
Suit alors la divine liturgie de saint Jean Chrysostome. Deux particularités y sont à noter. Tout d’abord, le prokimenon est tiré du psaume 117 : « Voici le jour que fit le Seigneur, exultons et réjouissons-nous en lui », qui correspond exactement au graduel romain du jour de Pâques : « Haec Dies quam fecit Dominus… ». Le même verset se retrouverait, à la même place, dans le rite éthiopien et dans d’autres rites, ce qui tendrait à montrer la très haute antiquité de ce verset pour les célébrations pascales.
Ensuite, l’Évangile n’est autre que le fameux prologue de saint Jean, que les Romains lisent à Noël, qui récapitule toute l’économie du salut, jusqu’à l’Incarnation du Logos. L’usage veut qu’à l’issue de la liturgie, on procède à la bénédiction des œufs de Pâques ; suit alors une agape festive.
Enfin, dans l’après-midi, on chante des vêpres très courtes, dites « vêpres de la charité » ; il est d’usage d’y chanter à nouveau le prologue de saint Jean en différentes langues, pour souligner là encore que la Résurrection du Christ concerne tous les hommes.
Conclusion
Notre exposé de la Semaine Sainte byzantine, nécessairement succin, s’est voulu pour objectif d’exposer de manière pas trop mauvaise le déroulement des cérémonies menant à Pâques dans les églises orientales de tradition grecque. Nous osons espérer que notre travail n’aura pas été trop incompétent, et qu’il a intéressé le lecteur.
En guise d’envoi, nous nous permettrions d’inviter le lecteur à découvrir toujours plus les liturgies orientales. Ceci en vue premièrement de prendre conscience de ce que l’Église catholique n’est pas dite telle pour rien. Deuxièmement, afin que lorsqu’il reviendra à son propre patrimoine liturgique, celui-ci soit comme éclairé par ce qu’il aura découvert ; et ainsi, le lecteur aura envie de recouvrer toujours plus les richesses de sa propre tradition. Et sur ce dernier point, pour finir, nous laissons la parole à l’Archimandrite Robert Taft SJ de bienheureuse mémoire :
« En dernière analyse, la solution aux problèmes liturgiques des catholiques romains ne réside pas dans une idéalisation du concile de Trente ou de l’Orient. Les catholiques occidentaux, ignorants largement les richesses de leur propre tradition vivante, cherchent ailleurs, de façon erronée, ce qu’ils possèdent déjà. Je suis déçu de ce que les catholiques contemporains ne parviennent pas à comprendre, apprécier et transmettre les richesses de leur propre tradition latine […]. L’occident catholique n’a pas besoin de se tourner vers l’orient ou vers un passé médiéval ou tridentin disparu à jamais ; il a besoin de retourner à ses racines. Le christianisme latin est tout aussi apostolique, ancien, traditionnel, patristique, spirituel et monastique que celui de l’Orient. Une culture chrétienne ayant produit Chartres et le Mont-Saint-Michel ; Augustin et Jean Cassien ; le monachisme bénédictin et Cîteaux ; François d’Assise, Dominique, Ignace de Loyola, Jean de la Croix et Charles de Foucauld ; Thérèse d’Ávila et Thérèse de Lisieux, et la bienheureuse Mère Teresa ; et les papes de mon temps n’a besoin d’imiter personne, excepté Jésus-Christ. » (Archimandrite Robert E. Taft SJ, « Return to Our Roots : Recovering Western Liturgical Traditions », America Magazine, 26 Mai 2008).
1On
pourrait légitimement s’insurger contre ce qui ressemble
étrangement à une manifestation d’antisémitisme, dont nous
souffrons encore aujourd’hui (et qui n’est malheureusement pas
étrangère au rite romain non plus) ; on se rappellera
toutefois que l’hymnographe traite ici moins du peuple juif comme
tel que de ceux qui concrètement livrèrent Jésus à la mort.
Si votre paroisse dispose d’une chorale paroissiale, ou si (ce qui beaucoup plus fréquent) elle dispose d’une personne pour « animer les chants » (et supposons que ce soit vous), la première question qu’elle se pose est souvent la suivante : « on prend quel chant d’entrée ? ». Et alors on se dispute, parce que unetelle voudrait chanter ce chant à Marie qui est genre troooop beau (et vu la pluie d’étoiles filantes qui passe dans ses yeux, on se gardera bien de la contredire, d’autant plus que lesdits yeux ne manquent pas de beauté), untel préfère ce cantique entendu à Paray, qui est, à l’entendre, fort populaire auprès des jeunes (ce que l’on ne saurait souvent contester). Josiane Michu, soixante-cinq ans, préfère cette chanson composée dans les années 70 et qui, à l’entendre, devait être fort populaire dans ces années-là ; le Marquis de Grandgousier, quant à lui, préfère de très loin ce cantique « de toujours » entendu, que ses ancêtres chantaient tous les ans pendant le Carême. Adélaïde de la Tour-Quiglouce, elle, trouve que décidément, ce chant « oriental » est ma foi fort beau, et mériterait d’être chanté à l’offertoire ; quand au musicologue (Conservatoire et autres titres prestigieux), il trouve que ce petit motet baroque signé Palestrina ou Vivaldi (on ne sait plus, mais lui, si), compliqué à souhait mais ne manquant ni de charme ni de splendeur, trouverait une très bonne place à la communion. Et l’on n’oubliera pas les petits n’enfants du « Caté’ », à qui il faut bien trouver quelque chose à chanter pour les calmer, sans quoi ils risquent de manger leurs camarades en tapant sur leurs coloriages. Ou l’inverse.
Autant
d’opinions différentes, qui suffiraient à mettre n’importe quelle
sacristie à feu et à sang, pour le plus grand bonheur du curé, on
l’imagine bien (pour les deux du fond, cette incise était ironique).
C’est ce qui ne manque pas d’arriver ici, où tous se battent et se
déchirent.
Cette image vous donnera peut-être une petite idée du carnage qui commence à se jouer en sacristie.
Imaginons
alors un petit galopin, un homme nouveau dans cette équipe
paroissiale, commencer à intervenir (alors que jusqu’ici, il s’est
tenu coi). Imaginons qu’il leur tienne le discours suivant :
« Nan
mais tout ça c’est bien gentil mais on n’a pas besoin de se
disputer : on a déjà un chant d’entrée ».
Immédiatement,
tous cessent de se disputer, Josiane lâche la jambe du musicologue
(que son dentier mordait avec avidité), le Marquis abaisse l’épée
avec laquelle il s’était promis de pourfendre le jeune chacha
parodien, et les n’enfants du caté cessent leur cannibalisme (ou
leur coloriage, le narrateur lui-même avoue qu’il n’en sais plus
rien). Tous sont très étonnés ; quoi, on a déjà un chant
d’entrée ?
Le
galopin (par commodité, nous l’appellerons Gontran d’Occam)
poursuit alors :
« Ben
oui : ça s’appelle l’introït, c’est l’équivalent de
l’antienne d’ouverture écrite dans le missel ; la partition du
chant, on peut la trouver au graduel romain, ou au graduel simplex.
Et c’est la même chose pour l’offertoire et la communion. En fait,
on a juste besoin de les apprendre ».
Eh
oui, cher lecteur : au risque de vous surprendre, sachez que les
chants de la Messe sont déjà prêts à être utilisés : il
s’agit de ceux qui se trouvent dans le « Graduale romanum »,
qui donne tous les chants de la Messe, ce qu’on appelle le Propre.
Pour
ceux qui ne seraient pas familiers avec cette notion, voici quelques
indications. Les textes de la Messe se subdivisent en deux
catégories : l’ordinaire et le propre. L’ordinaire, c’est ce
qui revient à chaque Messe : Kyrie, Gloria (s’il y a lieu),
Credo, Sanctus, Agnus Dei. Ces textes ne changent pas, ils ne sont
pas susceptibles d’être remplacés par d’autres textes. Tout au
plus, on omet le Credo et le Gloria en-dehors des dimanches et
fêtes ; et l’on ne dit pas le Gloria aux temps de pénitence
(comme en ce moment en Carême).
Le
propre, quant à lui, est ce qui est propre, précisément, à la
Messe que l’on célèbre. Cela recoupe principalement trois types de
textes :
D’abord
les lectures ; elles sont propres au jour (et plus encore
maintenant, alors que la réforme liturgique enclenchée par le
dernier concile œcuménique a considérablement étendu le
lectionnaire) ; c’est ainsi qu’on entend l’Évangile des
Béatitudes à la Toussaint, ou celui de la Passion aux Rameaux.
Ensuite,
les prières (collecte, prière sur les offrandes, préface, etc).
Contrairement aux liturgies orientales, où ces prières sont fixes,
la liturgie romaine dispose de plusieurs oraisons, propres à chaque
Messe ou chaque type de Messe.
Enfin,
les chants. Ces chants sont habituellement au nombre de cinq :
Antienne
d’ouverture (ou introït), accompagnée d’un psaume.
Psaume
entre les lectures (on peut aussi prendre le répons graduel
indiqué par le Graduale romanum).
Ce
mot en « A » qu’il est interdit de prononcer en Carême
(et qui est du coup remplacé par le « trait »).
Antienne
d’offertoire, accompagnée de versets psalmiques.
Antienne
de communion, accompagnée d’un psaume.
Entre
le mot en « A » et l’Évangile, vient parfois la
« Séquence », composition poétique propre à certains
jours.
À ce stade, vous pourriez vous demander quel est l’intérêt de chanter ces textes, au lieu de choisir nous-mêmes ceux qui nous plairaient. C’est une question légitime. Voici quelques réponses possibles :
I. Les propres sont traditionnels.
Que l’on ne confonde pas ce dernier mot avec la militance pour tel ou tel millésime des livres liturgiques romains ; l’auteur de ces lignes avoue ainsi qu’il ne verrait pas d’un mauvais œil la disparition corps et bien du missel de 1962. Les textes dont nous parlons ont cependant été chantés pendant des siècles, par nos ancêtres, et méritent de ce fait notre respect. Si nous avions un peu de respect pour cette démocratie des morts qu’est la tradition (comme le dit, magnifiquement d’ailleurs, Chesterton), cet argument devrait nous suffire. Attention : dire qu’ils sont traditionnels ne revient pas à dire qu’ils ont été chantés par nos ancêtres, et qu’on devrait ainsi les garder comme on garde des pièces de musée ; mais cela revient au contraire à dire que s’ils ont pu nourrir des générations de chrétiens avant nous, nous aurions tort de les balayer d’un revers de main pour imposer nos propres compositions.
II. Les propres sont recommandés par l’Eglise.
Eh
oui : la liturgie romaine rénovée à la suite du Concile
Vatican II non seulement permet mais encourage et recommande le chant
des propres de la Messe. Voici par exemple ce que dit la Présentation
générale du Missel romain au sujet de l’introït :
[L’introit]
est exécuté alternativement par la schola et
le peuple ou, de la même manière, par le chantre et le peuple, ou
bien entièrement par le peuple ou par la schola
seule. On peut employer ou bien l’antienne avec son psaume qui se
trouvent soit dans le Graduale romanum
soit dans le Graduale simplex ;
ou bien un autre chant accordé au caractère de l’action sacrée, du
jour ou du temps, dont le texte est approuvé par la Conférence des
Évêques.
Commentons.
Nous voyons qu’il faut employer le texte de l’introït se trouvant
dans le Graduale romanum ou dans le Graduale simplex
(qui contient des mélodies grégoriennes simplifiées à l’usage des
petites paroisses). Il est permis d’employer un autre chant, mais non
sans conditions : d’abord, il s’agit d’un usage secondaire,
mentionné en deuxième lieu, ce qui indique qu’il n’est pas idéal ;
ensuite, ce chant doit être adapté au temps liturgique (il n’y a
aucun sens à prendre un « chant de louange » au début
d’une Messe quadragésimale par exemple) ; enfin, le texte de ce
chant doit être approuvé par la conférence des évêques, ce qui
est loin d’être le cas de tous ; vous êtes-vous demandé si
vos chants étaient bien approuvés, en bonne et due forme ? Si
ce n’est pas le cas, jetez ces chants et usez des propres.
III. Les propres sont bibliques.
Ce
qui différencie les propres de tout autre texte composé récemment
est leur caractère hautement biblique. Presque tous ces textes sont
tirés de la Parole de Dieu, dont le dernier concile a remis en
valeur l’importance extrême dans la liturgie. Rejeter ces textes,
c’est rejeter la Parole de Dieu elle-même.
IV. Les propres sont riches.
Ces
chants sont porteurs d’une richesse biblique et dogmatique
insurpassable. À un moment où l’on se demande quelle formation
pourraient recevoir les fidèles, où ils doivent rendre compte de
leur foi, ces textes ne sont pas sans intérêt. Prenons par exemple
l’introït de la Messe du Jeudi Saint :
Nos
autem gloriari oportet in cruce Domini nostri Iesu Christi, in
quo est salus, vita et resurrectio nostra, per quem salvati et
liberati sumus.
Quant à nous,
il faut nous glorifier dans la Croix de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, en qui est notre salut, notre vie et notre
résurrection, par qui nous sommes sauvés et délivrés.
Évidemment, un tel texte (Galates 6, 14) n’a pas été choisi au hasard. Et quelle catéchèse merveilleuse ! En quelques mots, tout est dit : le salut par la Passion du Christ, notre glorification en Sa croix, la Résurrection qu’elle nous valut. Et chanter le tout en entrant dans la Messe du Jeudi-Saint n’est évidemment pas anodin, puisque c’est précisément durant la Sainte-Cène que le Christ s’offre pour notre salut. De quoi résoudre en une phrase la stérile opposition entre repas et sacrifice qui encombre certains milieux de l’Église. Et de quoi en tirer profit en ce qui nous concerne.
V. Les propres font partie intégrante de la liturgie.
Ce
fait est absolument capital. Les propres ne sont pas des textes que
l’on rajouterait à la Messe pour faire joli, ou pour faire passer le
temps ; ils sont un texte de la Messe, au même titre que les
lectures et les oraisons. Amputer la Messe de ces textes revient à
se priver d’une part de celle-ci. Au reste, la substitution des
propres par d’autres textes est absolument impensable dans les
liturgies orientales, qui restent conscientes de ce qu’on ne chante
pas à la Messe ; on chante la Messe.
D’ailleurs, si je préfère choisir moi-même un chant pour accompagner la liturgie, au lieu de chanter la liturgie elle-même, alors, pour être cohérent, je ne devrais pas m’opposer à ce que les lectures bibliques soient remplacées par des textes composés ad hoc par untel ou unetelle. Si je le fais, je présuppose que ces lectures font partie de la Messe, et que les enlever reviendrait à priver la Messe d’une partie d’elle-même. À celui qui objecterait que la Messe, privée de ses propres, n’en serait pas invalide pour autant, je répondrais qu’un homme, privé de ses bras et jambes resterait incontestablement un homme. Est-ce une bonne raison pour les lui couper ?
Une telle beauté se passe de tout autre commentaire.
_______________
En
guise de conclusion, l’auteur de ces lignes se permet d’appeler à
l’action. Écoutez la voix de Gontran d’Occam : chantez les
propres. Vous ne le regretterez pas.
Reste
une question importante : celle de la langue. Actuellement, ces
propres n’existent, pour l’essentiel, qu’en latin. En soi, ce n’est
pas problématique : le dernier concile œcuménique a
explicitement demandé que « l’usage de la langue latine soit
conservé pour les rites latins » (Sacrosanctum
Concilium, N°36).
Dans
la pratique, l’usage de la langue vernaculaire s’est généralisé à
toute l’Église latine. En soi, ce n’est pas un mal ; mais
cela rend les propres difficilement accessibles. Une assemblée
habituée à chanter en français aura du mal à passer au latin.
Faut-il pour autant renoncer aux propres ? Ce serait trop
facile.
Que l’on nous permette aujourd’hui de proposer une tierce voie. S’il est impossible de chanter les propres en latin, en raison de leur latinité, l’on pourrait alors traduire ces textes et les chanter en français (en les adaptant aux mélodies grégoriennes ou, plus probablement, en composant de nouvelles mélodies d’inspiration grégorienne). Cette solution a déjà été mise en œuvre par nombre de chrétiens orientaux en Europe Occidentale ; elle l’a été depuis longtemps également par les anglicans, dont la tradition chorale reste à ce jour une pure merveille. Enfin, elle l’est maintenant par certains compositeurs francophones, bien que leurs travaux soient peu connus du grand public catholique (on pense par exemple à cet ouvrage récent, tout à fait digne d’intérêt).
Pour résumer notre position, nous citerons le P. Bouyer, éminent théologien et acteur de la réforme liturgique :
Toutefois, une lecture pleinement liturgique de la Parole divine, à plus forte raison celle des chants psalmiques, doit avoir une solennité, non point surajoutée, mais découlant de la nature du texte lui-même. C’est au chant liturgique qu’il appartient de la donner. La Bible hébraïque comporte, depuis une très haute antiquité, des accents mélodiques considérés par les Juifs comme un élément inséparable du texte sacré. Pour eux, la lire publiquement autrement qu’en respectant cette cantilène traditionnelle, qui soustrait la Parole à toute tentative d’accaparement personnel de la part du lecteur, serait un véritable sacrilège. Jusqu’à la fin du Moyen Age et l’introduction malheureusement des « messes basses », on avait toujours été du même sentiment dans l’Église latine à l’égard des textes bibliques ou liturgiques. Les Orientaux sont tous restés fidèles à ces vues et à ces pratiques. C’est dire l’importance d’un chant d’Église à créer, ou adapter, pour la langue vulgaire, et qui en fera une langue non moins sacrée que le latin. On s’en occupe, et il y a lieu d’espérer que nous aurons bientôt les mélodies nous permettant, non seulement de chanter les chant psalmiques de procession ou de méditation, mais jusqu’aux lectures bibliques. Les anglicans et les luthériens ont depuis longtemps réalisé cela superbement. Il n’y a pas de raison pour que les catholiques soient incapables d’y arriver1.
Et si vous pouvez chanter les propres en latin… qu’attendez-vous ? Au travail et plus vite que cela ! Josiane, Adélaïde, le Marquis et les enfants du Caté vous attendent. Vous, de votre côté, n’attendez plus.
1Louis Bouyer, article du 13 novembre 1964, France Catholique N° 937.
Pour une génération entière de prêtres et de laïcs, la chose est entendue : le chant grégorien n’est qu’une vieillerie appartenant à un ancien monde, et qui doit être remisée aux oubliettes. Tout au plus, quelques uns concèdent que cette forme musicale possède une certaine valeur purement artistique et culturelle ; il conçoivent à la rigueur que puissent être organisés des concerts destiné à un public averti reprenant telle ou telle pièce du répertoire… mais que cette forme chantée de la liturgie romaine soit interprétée au cours des offices liturgiques, il n’en est pas question. Dans le meilleur des cas, on tolère, ici ou là, dans telle paroisse bien identifiée, une messe « avec chants grégoriens » tous les quatre dimanches célébrée en catimini à neuf heures du matin. Bref, on est très loin de « la première place » recommandée par la constitution conciliaire sur la Liturgie. Tout est donc fait aujourd’hui dans l’Eglise pour nous persuader qu’à part pour une poignée de catholiques lefebvristes, le chant grégorien ne dit plus rien à l’homme d’aujourd’hui et ne possède plus aucune valeur spirituelle et liturgique.
La célèbre philosophe Simone Weil n’est pas précisément ce que l’on appelle une « grenouille de bénitier ». Née en 1909 dans une famille juive, agnostique, elle se rapproche à partir des années 1930 de courants marxistes anti-staliniens, devient militante syndicale, côtoie un moment des groupuscules révolutionnaires adhérents au marxisme trotskyste avant de mourir prématurément de la tuberculose en 1943.
Quel rapport entre cette femme –apparemment bien éloignée des questions de liturgie, c’est le moins que l’on puisse dire- et le thème qui nous occupe ?
Une étude plus approfondie de sa biographie nous apprend qu’à partir de 1936, Simone Weil entreprit un long chemin à la fois intellectuel, spirituel et mystique qui la conduit peu à peu à reconnaître la vérité profonde du christianisme et à adhérer à la personne du Christ. Lors de la Semaine sainte de 1938, Simone Weil est à Solesmes. Elle assiste à tous les offices liturgiques du Triduum. C’est dans le cadre de ces solennelles célébrations de la Passion et de la Résurrection, qu’elle fit l’expérience d’ « une joie pure et parfaite dans la beauté inouïe du chant et des paroles ». Cette expérience spirituelle particulièrement forte effectuée dans le cadre de la liturgie monastique la marquera à vie. Plus tard, dans un recueil de pensées et de notes publié sous le titre La Pesanteur et la Grâce, elle écrira : « Quand on écoute Bach ou une mélodie grégorienne, toutes les facultés de l’âme se tendent et se taisent, pour appréhender cette chose parfaitement belle, chacune à sa façon » ; et plus loin : « Musique grégorienne. Quand on chante les mêmes choses des heures chaque jour et tous les jours, ce qui est même un peu au-dessous de la suprême excellence devient insupportable et s’élimine. »
Arrêtons-nous un instant, et méditons sur ces pensées de la philosophe. C’est évident, cette dernière phrase est directement issue de son expérience monastique à Solesmes : ceux qui « chantent les mêmes choses des heures chaque jour et tous les jours », ce sont les moines ; ce qui est marqué de la « suprême excellence », c’est le répertoire grégorien ; quant à ce qui devient insupportable et s’élimine…
Cette expérience fondamentale de beauté et de vérité, n’est-ce pas effectivement ce qui arrive à ceux qui assistent, par exemple lors d’une visite ou d’un séjour dans une abbaye, à la liturgie latine et grégorienne dans toute sa pureté ? Comment, après une telle contemplation sonore, supporter après cela de se voir infliger, de retour dans sa paroisse, les chansonnettes parfaitement insipides que notre mauvais clergé -bien secondé en cela, il est vrai, par l’inévitable armada de ces nouveaux marchands du Temple que sont les « laïcs en responsabilité »- nous impose dimanche après dimanche ? Comment ne pas voir dans les propos de la philosophe une incroyable lucidité, lorsque l’on constate aujourd’hui qu’effectivement ces parodies de liturgies sont véritablement insupportables, et que d’ailleurs le simple constat de la disparition programmée des communautés paroissiales qui pratiquent ce type de célébrations aussi informes qu’indigentes montre qu’effectivement, elles s’éliminent d’elles-mêmes les unes après les autres ?
On le voit, l’expérience liturgique faite à Solesmes a été fondatrice pour Simone Weil, et l’on peut penser que ce qu’elle a contemplé dans la célèbre abbaye a longtemps nourri ses méditations philosophiques et mystiques. Dès son époque, elle eût cette intuition fondamentale, à savoir que la beauté ne relève pas simplement du pur décoratif, mais que cette beauté est le signe -et c’est particulièrement vrai en liturgie- d’une vérité théologique très profonde. Voici par exemple ce qu’elle écrivait dans La Pesanteur et la Grâce : « En tout ce qui suscite chez nous le sentiment pur et authentique du beau, il y a réellement présence de Dieu. Il y a comme une espèce d’incarnation de Dieu dans le monde, dont la beauté est la marque. Le beau est la preuve expérimentale que l’incarnation est possible. Dès lors tout art de premier ordre est par essence religieux (c’est ce que l’on ne sait plus aujourd’hui) » Avant de conclure par cette affirmation sublime : « Une mélodie grégorienne témoigne autant que la mort d’un martyr. »
Le fait que cette femme -que l’on peut difficilement au vu de son parcours, qualifier de catholique traditionaliste, vous l’avez compris- évoque dans un de ses ouvrages à pas moins de quatre reprises différentes, le chant grégorien comme nourriture inestimable de l’âme devrait peut-être faire réfléchir nos évêques et autres « experts en pastorale liturgique », toujours prompts à remiser tout ce qui ressemble à un élément traditionnel de la liturgie catholique au placard, sous prétexte qu’il faut « s’adapter à la modernité » et « vivre avec son temps ». D’autant plus que Simone Weil est loin d’être la seule personnalité du XXe siècle à avoir exprimé son amour pour ce qui reste, n’en déplaise aux « équipes d’animation liturgiques », le chant propre de la liturgie catholique (cf. Sacrosanctum Concilium). On se souvient en effet qu’Antoine de Saint-Exupéry -pas catholique « du cru » pour un sou, lui non plus- avait écrit à ce propos des lignes comparables.
Parmi les nombreuses coutumes para-liturgiques ayant disparu dans la tempête post-conciliaire en France, on trouve une bénédiction spéciale donnée le 3 février, jour de la Saint Blaise, qu’on invoque contre les maux de gorges. Cette bénédiction est encore très populaire dans les pays germaniques et anglo-saxons. Elle est généralement donnée au banc de communion, ou alors dans une file analogue à la procession de communion.
Bénédiction de Saint Blaise donnée à Corpus Christi (Maiden Lane, Londres) en 2017
Elle consiste à prendre deux cierges, bénis la veille (jour de la Chandeleur), de les croiser et de les appliquer sur la gorge de celui recevant la bénédiction. Le prêtre dit alors :
“Per intercessionem S. Blasii liberet te Deus a malo gutteris et a quovis alio malo. In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti.”
ou, dans la traduction française :
« Que Dieu, par l’intercession de saint Blaise, évêque et martyr, te délivre du mal de gorge et de tout autre mal. Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. »
Gageons qu’elle ferait du bien à beaucoup d’entre nous !
Nombreux sont, de nos jours, les responsables de la musique liturgique qui souhaitent réintroduire le chant vénérable de l’Eglise romaine, le chant grégorien, dans nos célébrations liturgiques, selon le souhait exprimé par l’Eglise au Second Concile du Vatican (cf Constitution sur la Sainte Liturgie, par. 116). Le plus simple est encore de commencer par l’ordinaire (Kyrie, Gloria, Sanctus, Agnus). Cependant, la tradition romaine offre un grand nombre d’ordinaires grégoriens pour chaque temps liturgique, ou type de fête, et il peut être difficile de s’y retrouver.
Nous reproduisons ici, comme un pense-bête, les indications pour l’usage des différents ordinaires, tels que donnés dans le Liber Usualis de 1962. On notera qu’elles ne couvrent pas tout à fait toutes les possibilités ; par exemple, le temps de la Septuagésime n’est pas déterminé, mais l’absence de Gloria pousse à user des ordinaires qu’on utiliserait en Carême.
Pour la forme ordinaire, il est sans doute utile de rappeler que les « fêtes de premières classes » correspondent au « solennités », les « fêtes du deuxième classe », aux « fêtes », et les « fêtes du troisième classe », aux « mémoires ». Ce qu’on appelle « commémoraison » dans la forme extraordinaire a disparu lors de la Réforme de 1969, à moins que l’on considère les « mémoires optionnelles » comme leurs successeurs. De mêmes, les « Vigiles », jours de préparation pénitentiels aux grandes fêtes, célébrées en violet, n’existent plus.
Enfin, il faut remarquer que la coutume a souvent usé d’un ordinaire plus largement que ne le prévoit le Liber ; ainsi, la messe VIII « De Angelis » est concrètement chantée lors de nombreux dimanches du temps ordinaire, ainsi qu’aux dimanches du temps de Noël.
Il est souhaitable que les fidèles soient exposés à une diversité suffisante d’ordinaires grégoriens, qui puissent nourrir leur piété en harmonie avec le cycle de la Liturgie. Puisse ce petit article y contribuer.
Temps pascal : Messe I (Lux et Origo)
Dimanches en vert : XI (Orbis factor)
Dimanches de l’Avent et de Carême : XVII
Fêtes de 1è classe : Messe II (Kyrie fons bonitatis), III (Kyrie Deus sempiterne)
Fêtes de 2è classe : IV (Cunctipotens Genitor Deus), V (Kyrie magnae Deus potentiae), VI (Kyrie Rex Genitor), VII (Kyrie Rex splendens), VIII (De Angelis)
Fêtes de 3è classe : XII (Pater cuncta), XIII (Stelliferi conditor orbis), XIV (Jesu redemptor)
Fêtes de la Vierge : IX (Cum Jubilo), X (Alme Pater, moins solennel)
Aux commémoraisons et aux féries du temps de Noël : XV (Dominator Deus)
Féries en vert : XVI
Féries de l’Avent et du Carême, Vigiles, Quatre-Temps et Rogations : XVIII (Deus Genitor Alme)
« Aimer purement, c’est consentir à la distance, c’est adorer la distance entre soi et ce qu’on aime ».
Simone Weil,La Pesanteur et la Grâce, 1947
L’évacuation de la notion de sacré dans les célébrations liturgiques contemporaines est l’une des caractéristiques les plus marquantes de la crise actuelle de l’Eglise. Le monde catholique semble avoir définitivement rompu avec ce qui constituaitl’un de ses marqueurs les plus significatifs,qui le distinguait du monde protestant tout en constituant un point communavec les Eglises orientales, notamment orthodoxes, etqu’il avait hérité de toute la tradition etde la spiritualité bibliquevétérotestamentaire : la distinction entre un espace sacré, entièrement consacré à la chose divine, et le monde profane. Au même titre que les autres éléments qui composent l’esprit traditionnel de la liturgie romaine, la notion de sacré est considérée, au moins depuis les années 1960, et ce malgré les rappels incessants des Papes sur la question, comme unarchaïsmeempêchant de vivre le christianisme dans son authenticité.C’est ainsi que la réforme liturgique fut l’occasion d’un véritable déchaînement de violence iconoclaste et vandale : on arrachât dans les églises les tables de communion qui, en plus de permettre la communion des fidèles à genoux, séparaient autrefois l’espace sacré -lechœur–où se déroulaient les rites liturgiques, de la nef où se tenaient les fidèles ; on détruisît ou l’on cacha les maîtres-autels orientés pour placer au plus près de la nef souvent de simples tables en guise d’autel ; on s’efforça de faire ressembler les autels non pas à la pierre sacrée sur laquelle sont célébrés les saints mystères, mais à une simple table de repas autour de laquelle la communauté se réunit pour un moment dont lasignification ne va pas véritablementau-delà de la simple fraternisation humaine.
Après vingt années de dévastation et de démolition méthodique de la vie liturgique de l’Eglise, il semble urgent, non de dresser le bilan de la pastorale mise en œuvredans la plupart des diocèses -pastoraledont la nocivité ne peut plus, en 2017,faire aucun doute-mais de tenter de comprendre en profondeur ce qu’il convient d’appeler « la problématique du sacré ». La notion de sacré, en effet, est dans son essence même problématique et en apparence contradictoire : elle prétend fonder la relation de l’homme à Dieu sur une mise à distance de celui-ci par rapport à Celui-là.Autrement dit : elle propose d’éloigner pour lier. Pas étonnant qu’une compréhension superficielle -et donc fausse- de cette notion ait été celle retenue par une génération qui, et à juste titre, a voulu s’interroger sur le sens réel de toutes les composantes du catholicisme de routine biberonné depuis l’enfance, mais qui a peut-être un peu rapidement « jeté le bébé avec l’eau du bain ». Il faut aujourd’hui regarder la réalité en face : l’analyse qui a consisté à promouvoir l’effacement de toute trace de sacré dans le culte catholique fut une funeste erreur portant en germe la disparition pure et simple de la foi. Il convientaujourd’huid’expliquer pourquoi.
Le sacré comme espace exclusivement réservé à Dieu et à la vie intérieure
L’erreur des progressistes a été de penser que la disparition du sacré allait contribuer à un rapprochement entre Dieu et l’homme. Or, il faut bien reconnaître qu’à plus d’un titre, il n’en a pas été ainsi. Non seulement la disparition du sacré semble plutôt avoir été l’un des facteurs expliquant la chute de la pratique dominicale, mais il est frappant de constater que très souvent, l’absence des éléments marqueurs du sacré -silence, respect du mystère, chant et musiquespécifiquementsacrées- efface la possibilité même de la prière. Ainsi, dans les célébrations actuelles, les moments de silence se font rares ; les chants interprétés le sont souvent sur des mélodies empruntées au monde profane ets’intègrent donc mal avec le cadre liturgique qui se doit d’être uniquement orienté vers la prière.L’expérience des quarante dernières années nous démontre que lorsque le sacré n’existe pas, Dieu est complètement absent de la vie des hommes. Conserver un espace sacré, c’est réserver,con-sacrerun espace exclusivement pour Dieu, dans lequel toutsans exceptionest ordonné à la prière ; partout ailleurs certes, on ne peut empêcher l’envahissement du profane, mais dans ce cadre-là, (qui peut être un cadre spatial -une église-, temporel -le dimanche-, linguistique -le latin-, choral -le grégorien-) Dieu a pour ainsi dire l’exclusivité offrant ainsi à la vie intérieure-par nature fragile- un espace de liberté pour se développer et s’épanouir véritablement. Supprimez cette espace, et les rares oasis de vie intérieureque sont nos églises,dans des sociétés modernes dans lesquelles règne le bruit et l’agitation permanente, ne tarderont pas à s’éteindre.C’est sans doute l’une desclés de compréhension del’épisode des Evangiles qui voit Jésus chasser avec violence les marchands du Temple : « La maison de mon Père est une maison de prière, et vous en avez fait une maison de trafics ». Un sanctuaire sacré est le dernier lieu permettant à la vie intérieure de l’homme de s’épanouir en Dieu ; supprimer cet espace, et c’est la possibilité même pour l’homme d’entrer en relationavec le Dieu trois fois Saint qui est remise en cause.Or, si dans cet espace Dieu n’a pas l’exclusivité, en réalité c’est comme s’il en était totalement exclu.
La suppression du sacré dans la liturgie a cela de terrible, que désormais même au cours des offices liturgiques la vie intérieure de l’homme ne peut plus s’épanouir ; l’être humain n’y retrouve rien de plus, en termes de nourriture spirituelle, que ce qu’il peut trouver dans les émissions les plus abrutissantes serviesad nauseamà la télévision : « animateurs » essayant désespérément de se rendre intéressants en s’agitant le plus possiblederrière un micro, éclats de rires, aller et venues incessantes, musique bruyante, instabilité, démagogie, familiarité artificielle, usage d’un vocabulaire superficiel voire trivial…Comment penser qu’un aussi triste spectacle permette aux fidèles de véritablement faire l’expérience de Dieu ?Ce n’est pas un hasard si toutes les civilisationshumaines sans exception aucune, ont développé en leur sein le sens du sacré : la vieille sagesse traditionnelle permettait à toutes les sociétés de comprendre consciemment ou non que la préservation d’un espace sacré dans un univers profane est la conditionsine qua nonde la possibilité d’existence d’une vie un tant soit peu surnaturelle.
Le sacré comme mode de relation avec le mystère divin
Nous avons donc vu que la préservation du sacré permet d’ouvrir un espace dans lequel la relation à Dieu peut s’épanouir librement et sans contrainte. Mais le sens du sacré permet également à l’homme d’envisager sa relation à Dieu sur le mode qui correspond à la fois à la nature divine et à la nature humaine. Dieu n’est pas un copain sympathique : il est le Tout-Autre,celui dont ne sommes pas dignes de délier les sandales ; il est le Créateur de l’univers, le Seigneur des seigneurs et le roi des rois. L’homme est sa créature, une créature marquée par le péché et la misère, qui se doit donc d’envisager la relation à son Créateur sur le modede l’humilité.C’est ce que ne semblent pas comprendre ce clergé progressiste qui traite avec désinvolture, comme s’il avait fait le tour de la question de Dieu, les mystères sacrés.Il y a en particulier chez nombre de fidèles « engagés » dans les paroisses la tentation de prendre le pouvoir sur le mystère divin, de l’instrumentaliser, de le transformer en objet de manipulation. Chez ces gens, la liturgie n’est pas vue comme un don que l’on reçoit avec humilité et respect, mais comme quelque chose que l’on peut déformer et modifier au gré de ses caprices et de ses envies.Personne, aucun être humain ne peut prétendre avoir fait le tour de la question divine.Dieu est mystère. Préserver un espace sacré permet de poser les jalons permettant à l’homme de respecter ce mystère de l’Incarnation, par lequelCelui que l’univers ne peut conteniraccepte de se mettre à la portée de l’homme sous l’aspect d’un petit morceau de pain.Face à ce mystèreinsondable,y a-t-il d’autre attitude possible que celle de se tenir à distance et de contempler avec un infini respect et une infinie humilité ?
Or, cette prise de distance respectueuse avec les réalités saintes qui s’accomplissent au cours des rites liturgiquesest, paradoxalement, l’attitude permettant de se rapprocher de Dieu. C’est ce qu’avait bien compris Simone Weil, qui écrivait qu’ « aimer purement, c’est consentir à la distance, c’est aimer la distance entre soi et ce que l’on aime ». Dans le rapport à Dieu, la distance que suppose la notion de sacré est en réalité un mode de relation, le mode de relation spécifique et adapté qu’il convient de nouer avec Dieu. Le sacré n’empêche pas l’amour ; au contraire, il est la seule manière pour l’homme d’aimer véritablement le Dieu vivant et vrai.
De nos jours, la tendance identifiée sous le nom de « nouveau mouvement liturgique » ou « réforme de la réforme » semble s’étendre de plus en plus. Le vieux progressisme clérical n’a pas encore disparu de nos contrées, très loin de là, mais il perd du terrain. Jadis, il était inconvenant de célébrer la liturgie rénovée avec soin, encore moins avec faste, l’ad orientem n’étant pas même évoqué (sinon pour dire que avant, c’était scandaleux parce que le prêtre « nous tournait le dos »), et la beauté liturgique une chose enterrée, définitivement semblait-il ; quant au chant grégorien, et à la liturgie en langue latine, ils semblaient s’être définitivement exilés dans quelques abbayes bénédictines, Solesmes étant la plus réputée de celles-ci. Ces temps-là, pour paraphraser Churchill, ne touchent pas à leur fin, ni même au commencement de leur fin, mais, à la fin, peut-être, de leur commencement. Le fait qu’un cardinal ait pu évoquer ouvertement l’orientation commune du prêtre et des fidèles en est la preuve, inimaginable il y a seulement dix ou vingt ans.
De tout cela, il convient certes de se réjouir. Mais on remarquera aussi ce phénomène assez regrettable : les partisans de la réforme de la réforme semblent se tourner exclusivement vers la réintroduction d’usages tirés de la forme extraordinaire du rit romain. Il est certes très bon de s’inspirer de celle-ci pour« enrichir » la forme ordinaire et la replacer dans une ambiance et un ars celebrandi traditionnels. Cependant, il est triste de constater qu’à coté de ces richesses du passé que l’on réintroduit (ou que l’on redécouvre), d’autres sont laissées de côté (ou mal effectuées), celles-là même que la forme ordinaire du rit romain avait restauré.
Exposer brièvement quelques-unes de ces richesses et leur intérêt ; présenter une manière à la fois neuve et traditionnelle de les intégrer dans la liturgie ; apporter sa modeste contribution au mouvement liturgique dont il était question plus haut ; tel est le but de cet article. En cela, notre but est quelque peu différent de celui de l’abbé Peter M.J. Stravinskas, qui consistait à exposer les points sur lesquels la forme ordinaire pouvait enrichir la forme extraordinaire. Pour nous, il s’agira de montrer comment on peut concrètement mettre en œuvre ces « nouveaux rites » en les intégrant à une approche traditionnelle de la liturgie romaine, nonobstant les éventuelles réserves que l’on pourrait avoir quand à la nécessité de les introduire.
Les psaumes d’entrée, d’offertoire et de communion
L’introït est le plus souvent réduit (quand on le chante encore!) au chant de l’antienne, éventuellement accompagnée d’un verset psalmique quand on en trouve le temps. Le Gloria Patri, tombe le plus souvent à l’eau, même s’il est conservé en certains endroits (alors qu’il est obligatoire dans la forme extraordinaire, sauf pendant certains temps déterminés). Un phénomène semblable se produit lors du chant des antiennes d’offertoire et de communion.
C’est bien dommage, car la liturgie romaine permet de chanter plusieurs versets du psaume qui accompagne l’antienne, voire un psaume tout entier. Cela contribue à rendre à ces antiennes la fonction qu’elles avaient jadis : celle d’accompagner une procession.
N’hésitons donc pas à chanter plusieurs versets à chaque fois que nous aurons affaire à ces antiennes ; on peut même reprendre l’antienne entre chaque verset si on en a le temps, ce qui est une excellente manière de mémoriser ces antiennes, essentielles à la liturgie romaine.
Concrètement,voici ce que cela pourrait donner, pour l’introït de la Messe de Minuit :
Antiphona :
Dominus dixit ad me : Filius meus es tu, ego hodie genui te.
Antienne :
Le Seigneur m’a dit : tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je
t’ai engendré.
Quare
fremuerunt gentes ? * Et populi
meditati sunt inania ? (Antiphona)
Pourquoi
les peuples frémissent-ils, et les peuples méditent-ils du
vide ? (Antienne)
Astiterunt
reges terrae, et principes convenerunt in unum *
adversus Dominum et advérsus Christum eius. (Ant)
Les
rois de la terre se sont dressés et les princes se sont assemblés
* contre le Seigneur et contre Son
Christ. (Ant)
Dirumpamus
vincula eorum * et proiciamus a nobis
iugum ipsorum. (Ant)
« Brisons
leurs chaînes, disent-ils, * et
jetons loin de nous leur joug ! » (Ant)
Qui
habitat in caelis, irridebit eos * et
Dominus subsannabit eos. (Ant)
Celui
qui habite dans les cieux se rit d’eux, *
le Seigneur se rit de leur folie. (Ant)
Tunc
loquetur ad eos in ira sua, * et in
furore suo conturbabit eos : (Ant)
Alors
Il leur parla dans sa colère, * il
les épouvantera dans sa fureur : (Ant)
Ego
autem constitui regem meum * super
Sion,
montem
sanctum meum ! (Ant)
C’est
moi qu’il a établi roi * sur Sion,
sa sainte montagne ! (Ant)
Postula
a me, et dabo tibi gentes hereditatem tuam, *
et possessionem tuam terminos terra. (Ant)
Demande-moi,
et je te donnerai les nations pour héritage, *
et pour possession les confins de la terre. (Ant)
Etc.
Etc.
Glória
Patri, et Fílio, et Spirítui Sancto. * Sicut
erat in princípio, et nunc, et semper, et in saécula saeculórum.
Amen.
Gloire
au Père et au Fils et au Saint-Esprit. *
Comme
il était au commencement, et maintenant et toujours et pour tous
les siècles des siècles. Amen.
Antiphona.
Antienne.
Évidemment,si l’introït est précédé par un chant religieux populaire (ce qui est parfois souhaitable pour mieux le faire passer), il vaut mieux s’en tenir au schéma « classique » (antienne, verset, Gloria Patri, reprise de l’antienne). Mais sinon, une telle manière de faire peut rendre à cette procession une ampleur et une magnificence dont elle est trop souvent dépourvue, à la fois somptueuse et si conforme à cette noble simplicité qui caractérise la liturgie romaine. Il en va de même pour les antiennes d’offertoire et de communion, auxquelles sont associées des versets psalmiques dont nous ne pouvons qu’encourager le chant.
Le chant des lectures en langue vernaculaire
Curieusement, alors même que l’on proclamait à qui voulait l’entendre que la réforme liturgique avait remis en valeur la Parole de Dieu, on l’abandonnait dès qu’il s’agissait des chants de la Messe ; plus encore, on abandonnait sa proclamation solennelle, pour y substituer une simple lecture, le plus souvent par un laïc en costume civil. Curieuse façon d’honorer les Écritures… Comme l’a très bien montré (pour une fois) M. Peter Kwasnievski, cette manière de proclamer la Parole de Dieu trahit une conception protestante de son rôle dans la liturgie.
La forme extraordinaire mettait bien mieux en valeur son importance, en la faisant solennellement chanter par un diacre (et un sous-diacre pour l’épître), mais cela n’est guère possible qu’en latin. Le nouveau missel, lui, permet le chant des différentes lectures directement en langue vernaculaire (on pourrait même envisager un double chant des lectures, d’abord en latin puis en français), toujours par des ministres en vêtement liturgique(ministres institués ou diacres). On honorerait ainsi les deux fonctions principales de la proclamation de la Parole de Dieu dans la liturgie : le culte divin (symbolisé par le chant des lectures) et l’instruction des fidèles (facilitée par l’emploi de la langue de ceux-ci). On notera d’ailleurs que le Graduale Romanum prévoit des tons pour le chant des différentes lectures, qui peuvent facilement être transposés à la langue française (sans parler de ceux qui ont été composés directement pour celle-ci, en particulier par le Fr. André Gouzes, op).
Le psaume responsorial et le Graduale Simplex
Cette mention pourra faire sursauter les plus traditionalistes de nos lecteurs, qui pourront se demander où se trouve l’intérêt de faire chanter ce psaume, dès lors que l’on dispose d’admirables graduels.Que l’on se rassure, l’auteur de ces lignes aime les graduels autant que ses lecteurs. Il tient seulement à leur faire remarquer qu’ils’agit probablement des pièces les plus ornées de la liturgie romaine, et conséquemment hors de portée de bien des scholae cantorum. Doit-on alors se résigner à cette éructation boiteuse, qualifiée on ne sait trop comment de psalmodie, qui s’est substituée au graduel ? Non point. Le Graduale Simplex prévoit les partitions d’antiennes d’ouverture, d’offertoire et de communion simplifiées… ainsi que celles des différents psaumes responsoriaux. Composés dans un style très sobre (qui ne nuit pas à leur beauté), ils peuvent ainsi être chantés par n’importe quelle chorale, l’assemblée pouvant reprendre le chant de l’antienne. Ils’agit d’une manière très simple de réintroduire le grégorien dans la liturgie paroissiale, tout en honorant la participation de l’assemblée. Enfin, la simplicité des mélodies de ces psaumes et des chants du Graduale Simplex en général permet éventuellement de les adapter à la langue française.
La prière des fidèles (ou prière universelle)
La constitution sur la sainte liturgie a explicitement demandé le rétablissement de l’antique litanie d’intercessions qui clôturait jadis ce que l’on appelle aujourd’hui la « liturgie de la Parole » et qui reste encore aujourd’hui inconnue du missel de 1962.
Malheureusement, elle est réduite à peu de choses. On passera charitablement sur la manière puérile dont ce rite est mis en œuvre dans la plupart des paroisses ; mais même dans les meilleurs endroits, on n’a guère droit qu’à une succession de prières composées ad hoc,dites (non chantées) par un diacre (dans le meilleur des cas) à laquelle l’assemblée répond par de fades refrains ; récemment,l’habitude s’est prise en certains endroits d’adresser ce refrain à la Sainte Vierge (« O Marie, prend nos prières… »), ce qui est une absurdité liturgique, dans la mesure où cette prière s’adresse à Dieu. C’est pourquoi cette prière est souvent le parent pauvre de la plupart des célébrations RDLR (Réforme De La Réforme), quand elle n’en est pas tout simplement éjectée.
Pour rendre à cette prière la beauté qu’elle réclame, il convient :
de la composer d’après les modèles traditionnels, ou d’adopter carrément ces derniers (à moins que l’on ne préfère les sobres formules du missel romain) ;
de faire chanter les intercessions par un diacre, puisque c’est là sa fonction ;
d’utiliser toujours des répons traditionnel (Kyrie, eleison ou Te rogamus, audi nos par exemple) à la place des « Entend nos prières, entend nos voix ».
On rappellera par ailleurs que les tons pour chanter les intercessions et les répons se trouvent au Graduale Simplex dont nous parlions plus haut, ainsi qu’au Graduale Romanum. Pour plus de précisions, on se référera avec profit à cet excellent article. Et à ce non moins excellent article.
Enfin,on se souviendra aussi que les conseils donnés ici s’appliquent aussi bien aux intercessions de la Messe qu’à celles de l’Office divin, à Laudes et Vêpres.
La procession d’offertoire
Ce rite très ancien (dont l’origine antique est attestée par le fameux témoignage de saint Justin Martyr) s’est progressivement complexifié… pour finalement disparaître. Des usages locaux en ont cependant gardé une trace (l’on pense notamment au rit dominicain, où le Calice est solennellement porté à l’autel par le sous-diacre, durant le chant du Gloria in excelsis Deo). À noter que contrairement à différents rites (gallican, byzantin,etc), le rit romain prépare les saints dons (Preparatio donorum) après la liturgie de la Parole (Liturgia Verbi), tandis que les rites susmentionnés procèdent à ce que nous appellerions l’offertoire avant la Messe proprement dite.
Si la restauration de ce rite n’est pas explicitement demandé par la constitution conciliaire sur la sainte liturgie, le pape Paul VI a néanmoins jugé bon de le rétablir. Il est regrettable qu’il soit si souvent absent (quoiqu’on peut trop facilement en imaginer les abus possibles…), car il est tout à fait intéressant : par cet usage, les fidèles symbolisent l’offrande qu’ils font de leurs propres biens et finalement d’eux-mêmes ; d’où la mention de « l’oeuvre de la main de l’homme » (óperis mánuum hóminum) dans les nouvelles prières d’offertoire, qui prennent ainsi leur sens grâce à cette procession.
Le mettre en œuvre n’est pas très difficile. On se référera avec profit aux informations données par l’excellent Cérémonial de la Sainte Messe à l’usage des paroisses, qui donne de précieux conseils pour l’exécution de ce rite (et de bien d’autres encore).On se contentera de rappeler quelques détails :
La procession doit partir du fond de l’église, pour aboutir au chœur (sans entrer dedans).
Elle doit être exécutée de préférence par des servants en tenue de service (soutane avec surplis ou aube avec amict et cordon) ou mieux, par des clercs, des chanoines par exemple (à Lyon, aux féries de Carême, deux chanoines apportaient les oblats au célébrant), qui s’abstiendront de tout effet théâtral : dès l’instant où les dons sont apportés, ils ne sont plus une nourriture ordinaire.
Ils ne doivent pas porter les vases sacrés (dont la manipulation doit être réservée autant que faire se peut aux ministres ordonnés), mais seulement les dons qui seront offerts (le pain et le vin), transportés dans des récipients adaptés (des ciboires par exemple).
À l’arrivée devant le chœur, il convient que le diacre (ou d’autres servants) reçoive les dons, avant de les aller présenter au prêtre pour qu’il les offre.
Éventuellement, rien n’empêche que l’on apporte par la même occasion du pain levé, qui pourra être béni à l’issue de la Messe (une charmante tradition médiévale, dont l’usage s’est maintenu en Russie) ; cela suppose évidemment que tout risque de confusion entre ces aliments et les « précieux dons offerts en sacrifice » (comme le dit la liturgie byzantine) soit écarté, sinon, il est préférable de ne pas introduire cet usage.
Le baiser de paix (osculum pacis)
La forme extraordinaire en réservait l’usage au seul clergé. La réforme liturgique voulut l’étendre à toute l’assemblée, ce qui était louable. Dans la pratique, c’est l’occasion d’une effusion sentimentale, longue et mondaine, qui ne convient nullement à cet instant sacré où l’Agnus Dei est rompu pour être donné en nourriture aux fidèles.
Le mieux serait de faire dériver la paix du Seigneur depuis le clergé jusqu’à l’assemblée, par l’accolade. Mais cette disposition est rarement réalisable. Deux solutions pourraient alors être envisagées :
D’une part, on pourrait user d’un instrument de paix, que le diacre présentait à baiser au prêtre, puis à toute l’assemblée (comme le faisaient certains rites médiévaux).
D’autre part, on pourrait substituer à la poignée de main l’accolade traditionnelle, à transmettre exclusivement à ses voisins pour ne pas donner à ce rite une importance démesurée.
Rappelons pour terminer, que quelque soit la manière dont la paix se transmet au peuple, l’ancienne manière de transmettre la paix dans le chœur,pour le clergé, garde tout son sens et reste normative, puisqu’elle n’a pas été abrogée.
La communion sous les deux espèces
La réforme liturgique a rétabli la possibilité de la communion sous les deux espèces, absente de l’ancien missel romain. Il faut s’en réjouir car même si la totalité des fruits de la Sainte Eucharistie peut être reçue par la communion sous une seule espèce,« elle réalise mieux sa forme de signe » (comme le dit le Catéchisme de l’Eglise catholique) sous les deux espèces. Encore faut-il bien mettre en œuvre cette réforme.
Le plus simple serait de distribuer une telle communion par intinction :le prêtre prend une hostie dans le ciboire (tenu par un diacre ou, à défaut, un acolyte), la trempe dans le Précieux Sang contenu dans le calice et la présente au communiant, en disant Corpus et Sanguis Christi (le Corps et le Sang du Christ), à quoi le communiant répond Amen.Le prêtre dépose alors l’hostie sur sa langue. Idéalement, le même acolyte (ou un autre) tient durant ce temps un plateau de communion sous le menton du communiant.
Cette pratique présente aussi un avantage : elle permet de restreindre la communion dans les mains qui, si antique qu’elle puisse apparaître, pose plus de problèmes qu’elles n’en résout.
La concélébration
On pourra trouver étonnante cette mention ; la concélébration n’est-elle pas très souvent mise en avant dans nos églises (certains disent même : trop souvent) ? C’est exact ;mais dans quel état ! Combien de Messes furent remplies de concélébrants hâtivement revêtus d’aubes douteuses et d’étoles ballantes, sans aucune autre tenue (dans les deux sens de ce terme) ?
C’est l’occasion de revenir sur le sens de la concélébration :l’unité du sacerdoce, dans le Summus Sacerdos qu’est le Christ. C’est pourquoi, dans la tradition occidentale du moins, la concélébration ne se conçoit guère qu’autour de l’évêque, comme l’a très bien montré l’abbé de Servigny dans son petit ouvrage intitulé Orate Fratres. Le dernier concile œcuménique a voulu remettre à l’honneur cette manière de célébrer la Messe ; et si trop souvent, elle ne sert qu’à expédier rapidement la célébration quotidienne des saints Mystères, il est possible d’intégrer la concélébration de manière harmonieuse et traditionnelle.
Cela suppose certaines contraintes. D’abord, réserver la concélébration pour les occasions exceptionnelles (il ne faut pas abuser des bonnes choses…) ; ensuite, il convient d’exiger des concélébrants le port de tous les vêtements liturgiques requis, sans exception. Il convient encore de ne pas en admettre trop, afin d’assurer à tous une proximité immédiate à l’autel (ce qui revient à n’avoir pas plus d’une douzaine de concélébrants). Il convient de réserver la concélébration aux occasions les plus importantes, et autour de l’évêque dans la mesure du possible. Enfin, il convient que tous sachent chanter (en latin ou en langue vernaculaire) les parties du Canon qui leur incombent.
***
Voilà pour ce bref exposé. On pourrait dire encore bien des choses ; on pourrait par exemple souhaiter que les suggestions de cet article soient ratifiées par l’autorité supérieure ; en attendant, la balle est dans notre camp. À nous de travailler à mettre en place ces « options » liturgiques, afin de montrer à tous que la réforme de la réforme, si elle doit avoir lieu, ne se fera pas sans reconnaître les mérites de certains des rites restaurés (ou institués) par la réforme liturgique qui a suivi le concile Vatican II.
Messe célébrée en la chapelle Sixtine, par le Pape François.
[L’auteur est en tournée en Espagne avec la Schola Cantorum de la Cardinal Vaughan Memorial School, qui chante la messe en habit de choeur dans les stalles de la cathédrale de Zamora]
On ne peut s’empêcher de mettre en contraste l’architecture magnifique des cathédrales du Nord de l’Espagne, merveilleusement restaurées et préservées, avec la liturgie qui s’y déroule, à l’air minimaliste et à la perspective complètement horizontale. L’absence de silence, et la réduction des gestes rituels au strict minimum, mettent crûment en lumière la difficile vérité que, bien qu’elle n’ait que le mot “simplification” à la bouche, la liturgie réformée est en réalité une démonstration de verbosité.
Cette réforme a été un tel échec, même selon ses propres critères, qu’on juge maintenant nécessaire d’y ajouter des éléments, comme faire venir quelqu’un vers le sanctuaire au début de la messe pour expliquer ce qu’est le “thème du jour” – au cas où les quarante minutes ou presque de lectures, sermons, prières de demande et explications dans le vernaculaire soient insuffisants pour vous le faire capter. L’appauvrissement des gestes rituels a également provoqué frappé par ricochet.
De plus en plus, on observe le spectacle affligeant d’une assemblée de personnes âgées qui ont abandonnées les coutumes immémoriales de leurs ancêtres, comme s’agenouiller ou faire une génuflexion, et ce uniquement pour les remplacer par des mains étendues ou jointes lors du Notre Père, qu’on prie debout.
Ici, à Zamora, on ne lève plus les yeux vers le magnifique retable, avec ses scènes de l’histoire du Salut, et son cortège d’ange et de saints se pressant pour assister au Sacrifice. Au lieu de cela, on se concentre sur le siège en velours peluche du célébrant, à qui revient désormais la place d’honneur, au centre, face à l’assemblée.
On a qualifié l’architecture de musique figée ; mais alors, on peut bien dire de l’architecture des cathédrales qu’elle est une prière figée. Les bâtisseurs voulaient que les gens lèvent les yeux, comprenant que notre culte nous unit au culte de l’Eglise Triomphante, et que la vie surnaturelle est le véritable horizon où la beauté et le confort se trouvent.
C.S. Lewis disait que la soif spirituelle, non moins que la corporelle, cherche ce qui la nourrit, et il semble que les gens ont fait leur choix en ce qui concerne la liturgie réformée, telle qu’elle existe actuellement dans la plupart des églises. Je n’exagère rien en disant que je n’ai pas vu une seule personne de moins de 50 ans aux deux messes du dimanche de notre tournée, en différents endroits. Et pourtant, les jeunes attirés par la Forme Extraordinaire se voient qualifiés de suspects et rigides, même s’ils ne font que vivre quelque chose qui satisfait une soif. Les étiqueter de la sorte est aussi absurde que de dire que si vous avez une objection à ce qu’on démolisse la cathédrale de Zamora pour la remplacer par quelque chose de plus simple, vous avez un problème psychologique.
N’importe qui avec le moindre expérience des jeunes sait que rien ne peut les agacer davantage que des personnes plus âgées qu’eux essayant d’être à la mode. Les pertes subies lors des batailles liturgiques après le Concile ont été si catastrophiques que celui qui désire revenir à une position solide et éprouvée ne fait que preuve de sagesse. La rigidité psychologique insistant, malgré des pertes immenses, en disant que nous nous ne sommes pas allés assez loin dans le changement, me semble beaucoup plus dangereuse.
La musique de la Schola offre un autre éclairage sur ces bâtiments, et sur la liturgie telle qu’elle existe actuellement. L’assemblée vieillissante est absolument transportée par la beauté de leur héritage musical, chanté avec brio. Mais, tragiquement, leur réflexe est de sortir ses téléphone pour l’enregistrer, et quand les garçons ont fini de chanter à la fin de la messe, l’assemblée applaudit.
Cela part d’une bonne intention, mais qu’on puisse s’imaginer qu’une telle beauté a pour but notre divertissement ou l’enrichissement de notre culture est un exemple supplémentaire de l’appauvrissement dû à la réforme liturgique. L’idée que cette beauté soit pour Dieu, et, en fait, de Lui, apparaît au mieux comme une réflexion secondaire.
Il y a depuis quelques années maintenant une certaine volonté de rajeunir la liturgie et sa musique, ce qui implique une forme de relativisme esthétique qui permet l’apparition du profane dans la liturgie.
Il s’agirait donc d’analyser avec recul ces choix qu’ont fait nos aînés.
Il semble à prime abord que le désir des évêques de l’époque d’être le levain dans le pain a poussé le catholicisme français à se fondre dans la masse, à se confondre pourrait-on dire avec le profane, dans ce sens l’apparition d’une musique simplifiée, de paroles creuses aux bonnes odeurs de naïveté est une conséquence logique.
Mais il me semble aussi que ce désir était subsidiaire à la volonté d’évangéliser par la liturgie en ouvrant les mystères aux plus nombreux, ce qui évidemment a fait que le mystère célébré s’effaçait devant la forme.
Mais est-ce que la messe a besoin d’être attractive ? n’est ce pas justement ce qui éloigne les jeunes, car ils sont en faite réellement désireux d’approfondir cette compréhension du mystère en vivant d’une vie intérieure enrichie ?
A travers mes nombreuses discussions j’ai découvert que le désir des jeunes est tout autre, ils recherchent dans une vie de foi riche de la grâce des sacrements à avoir une relation au Christ vivante, une relation structurée et cette structure c’est l’opposé du jeunisme qui est intrinsèquement une déstructuration de la liturgie.
Premièrement c’est une déstructuration du fait du non respect de la normativité du rite et de sa rythmique, une rythmique qui nous porte à la contemplation à travers l’oraison et une participation active qui doit être comprise comme étant d’abord une disposition intérieure nous permettant de rejoindre le Christ.
Deuxièmement c’est un déstructuration du rite comme étant un ensemble porté par l’art et le génie humain et soumis à l’action de Dieu, la liturgie étant une « Opus Dei », une œuvre de Dieu, où Il nous rejoint dans notre humanité dans le sacrifice salvifique de l’incarnation et de la croix. Cette déconstruction touche ce qu’il y a de plus sensible et de plus incarné dans la messe: la musique et l’expression artistique.
Je n’ai pas ce postulat que la liturgie doit être désincarnée car œuvre divine, au contraire c’est la compréhension du mystère de l’Incarnation qui nous pousse à donner ce qui est le plus beau sur Terre, l’expression de notre émerveillement devant la création. Ces outils terrestres que sont l’art et la musique sont les moyens les plus élevés de l’activité humaine pour nous élever dans notre prière.
Il y a évidemment une nécessité de laisser une place au sensible, mais qui doit être délimitée et définie, le cadre liturgique normatif donné par la présentation du missel romain est ce garant ainsi que de nombreux motu proprio tel que Sacramentum redemptoris et Sacramentum caritatis pour ne citer que eux.
Il faut revenir à ce cadre de la liturgie pour laisser une place plus juste à l’expression humaine.
Alors je vous en prie, ne laisser par l’expression profane envahir le sacré, et laissons de côté toute volonté d’innover et tenons nous en à respecter ce que le Christ nous a donné à travers l’Eglise et là vous verrez les jeunes revenir.
« Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. Songez aux choses d’en haut, non à celles de la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu : quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire. »
Col 3, 1-4
« 7. Le Christ est toujours là auprès de son Eglise, surtout dans les actions liturgiques. […] Effectivement, pour l’accomplissement de cette grande oeuvre par laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes sanctifiés, le Christ s’associe toujours l’Eglise, son Épouse bien-aimée, qui l’invoque comme son Seigneur et qui passe par lui pour rendre son culte au Père éternel. […] Par suite, toute célébration liturgique, en tant qu’oeuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Eglise, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Eglise ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré.
8. Dans la liturgie terrestre nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem à laquelle nous tendons comme des voyageurs […]
9. La liturgie ne remplit pas toute l’activité de l’Eglise ; car, avant que les hommes puissent accéder à la liturgie, il est nécessaire qu’ils soient appelés à la foi et à la conversion.
10. Toutefois, la liturgie est le sommet auquel tend l’action de l’Eglise, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu.
11. Mais, pour obtenir cette pleine efficacité, il est nécessaire que les fidèles accèdent à la liturgie avec les dispositions d’une âme droite, qu’ils harmonisent leur âme avec leur voix, et qu’ils coopèrent à la grâce d’en haut pour ne pas recevoir celle-ci en vain. »
Vatican II, Sacrosanctum Concilium § 7-11 (nature de la liturgie)